Dans le viager classique, il a des gagnants, qui touchent même parfois le jackpot, et des perdants. Le viager mutualisé joue sur la loi des grands nombres pour minimiser les risques. D'ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations a récemment lancé un produit de ce type.
Pour l'instant, la France ne s'inscrit pas dans cette logique de transmission rapide. Ce pourrait aussi être un moyen de développer le logement. Soit on taxe les transmissions patrimoniales, soit on favorise le logement. Il faudrait pouvoir lever certaines rigidités françaises en matière de logement et construire là où les besoins existent, dans les zones de tension.
Je disais que les jeunes n'avaient pas un comportement forcément très conséquent. Qui dit zapping matrimonial dit, souvent, garde partagée, donc fardeau financier, et ce à un moment de la vie où l'on a des salaires modestes ou, pire, des difficultés pour entrer sur le marché du travail. Si vous ajoutez le fait que les plus anciens rechignent à transmettre leur patrimoine, faites le calcul : la génération de trentenaires aujourd'hui est mal partie pour accumuler du patrimoine, du moins massivement.
Dans les enquêtes européennes sur les modes de vie, les valeurs et les aspirations de la population, les seniors se montrent de moins en moins enclins à transmettre leur patrimoine rapidement. Ils estiment avoir déjà beaucoup donné à leurs enfants - les « enfants rois » - et entendent bien profiter à plein de ce patrimoine au cours de la retraite.
Il faut agir vite sur le patrimoine, y compris dans le domaine de l'assurance dépendance. La prestation spécifique dépendance (PSD) faisait l'objet d'une récupération sur la succession, pas l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), qui l'a remplacée : la PSD bénéficiait à 180 000 personnes, l'Apa, à 1,3 ou 1,4 million. Jusqu'à quel point va-t-on pouvoir financer la dépendance, dans un contexte de montée de la solitude et de retour de flamme de certains comportements, aussi bien chez les plus âgés que chez les plus jeunes ? La génération « kangourou » a pris le pas sur les Tanguy. On retourne vivre chez ses parents, même quand on a des enfants, ce qui n'est pas toujours bien vécu. Notre pays ne prend pas suffisamment en compte ces évolutions sociétales en matière de retraite ou de politiques sociales.
Pour livrer une opinion toute personnelle, je pense que l'on juxtapose trop de concepts philosophiques dans nos choix politiques. De quoi la politique familiale est-elle le nom quand une partie de la population est écartée du bénéfice des prestations familiales ? Quelque part, ces exclus peuvent se dire que la République ne veut pas de leurs enfants. Sous le prétexte de faire du social, pratiquement 90 % des allocations familiales sont versées sous condition de ressources. Autrement dit, ce n'est plus une politique familiale au sens où elle a été conçue.
Dans une vraie politique de redistribution, on inclut les prestations familiales dans le revenu imposable. Mais on ne mixe pas une politique sociale avec une politique familiale. Idem en matière de retraite. Les femmes ayant élevé des enfants ont droit à des trimestres de cotisation gratuits. Certains avantages sont supprimés pour pallier les difficultés de financement de la branche retraite. Pourquoi mixer politique sociale et politique vieillesse, politique de l'emploi et politique vieillesse comme dans le cas de la gestion par l'âge ? Ce n'est pas satisfaisant et il faudrait y remettre un peu d'ordre en stipulant : une politique égale une philosophie. Sinon, cela fait plus de mécontents que d'heureux.