Intervention de Catherine Troendle

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 30 mars 2016 : 1ère réunion
Renforcer le dialogue avec les supporters et la lutte contre le hooliganisme — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Catherine TroendleCatherine Troendle, rapporteur :

Tout d'abord, félicitations à l'équipe de France de football qui a battu hier la Russie 4 à 2.

La violence dans le sport a fait l'objet de nombreux travaux législatifs visant à renforcer la répression de comportements violents au sein des stades.

Distinguons trois catégories de personnes : le supporter, caractérisé par son implication et sa fidélité à une équipe, avec une image plutôt positive d'engagement et de passion pour un sport et une équipe ; le simple spectateur, plus passif ; le hooligan ou casseur, nullement intéressé par le match mais recherchant l'affrontement violent avec les autres, en particulier avec les forces de l'ordre. L'« ultra », supporter très engagé et très passionné, se distingue du hooligan, malgré un rapport à la violence ambigu : il se lance parfois dans la bagarre. Sans stigmatiser un sport particulier, les violences entre supporters touchent principalement le football, et on constate une spécificité parisienne.

Le cadre juridique actuel pour réprimer la violence dans les stades est très complet et donne de réels résultats, même si deux difficultés résiduelles perdurent : la difficulté des clubs à faire face à certains comportements dangereux et la nécessité d'intégrer les supporters qui refusent la violence. Le cadre juridique est articulé autour de sanctions pénales et de mesures administratives. Ces mesures sont concentrées dans une section spécifique du code du sport, avec une infraction d'introduction ou de lancer d'engins pyrotechniques, des infractions réprimant les provocations à la haine ou à la violence ou l'exhibition des signes ou symboles racistes notamment.

Des interdictions judiciaires de stade peuvent être prononcées à titre de peine complémentaire des infractions précitées pour cinq ans au plus. Cette peine peut être également prononcée comme peine complémentaire de plusieurs infractions réprimant les violences aux personnes, les destructions, la rébellion contre une personne dépositaire de la force publique.

Ce dispositif pénal est complété par un dispositif préventif, relevant de la police administrative. Le préfet peut prononcer une interdiction administrative de stade à l'encontre d'une personne constituant une menace pour l'ordre public ; sa durée est portée de 12 à 24 mois en cas de récidive ; le texte porte ces délais à 24 et 36 mois respectivement. Le ministre de l'intérieur peut également interdire un déplacement d'un club de supporters en cas de risque de trouble grave à l'ordre public. Enfin, une procédure spéciale suspend ou dissout par décret une association sportive dont les membres ont commis des actes d'une particulière gravité - violences sur les personnes, incitation à la haine ou à la discrimination, dégradation de biens.

Ces dispositions ont fait diminuer les violences, avec la dissolution de certaines associations en 2008 et en 2009. Les résultats sont là : après la saison 2009-2010, le plan « Leproux » a réorganisé les tribunes du stade du Parc des Princes afin de fragiliser les logiques de groupes ayant conduit aux affrontements de 2009. M. Antoine Boutonnet, responsable de la division nationale de lutte contre le hooliganisme, nous a fait état de 160 interdictions administratives de stade et de 168 interdictions judiciaires, soit 328 mesures d'interdictions en cours, contre 342 pour la saison dernière. Les interdictions de déplacement sont plus nombreuses que par le passé, même s'il y a un effet induit de l'état d'urgence. Toutefois, une circulaire du ministre a demandé au préfet, en février dernier, de ne pas en abuser.

Quelques difficultés persistent néanmoins. Les associations ou sociétés sportives, dits clubs sportifs, ont une obligation générale d'assurer la sécurité des personnes et des biens au sein des enceintes. Leur sont transmises les listes des personnes inscrites sur le fichier national des interdits de stade (FNIS). Ainsi, le club peut refuser de vendre des billets aux personnes faisant l'objet d'une telle mesure ou résilier leur abonnement. À l'intérieur du stade, les organisateurs peuvent se prévaloir des conditions générales de vente comme du règlement intérieur pour les opposer aux personnes ne respectant pas les règles et les expulser, le cas échéant. Toutefois, lors de mon déplacement au Parc des Princes ou lors des auditions, plusieurs personnes m'ont fait part des difficultés des clubs pour répondre à leurs obligations de sécurité : un certain nombre de comportements, quoique constituant des infractions pénales - insulte, bagarre, tabagisme, etc. - ne font pas l'objet de poursuites. Dès lors, le PSG a créé un système de fichier occulte, pour ne pas vendre de billets aux personnes dont le comportement était « non conforme aux valeurs du Club ». La CNIL considère qu'un fichier relatif à des infractions doit faire l'objet d'une autorisation du législateur. C'est l'objet premier de cette proposition de loi. Entre temps, le club a obtenu les autorisations nécessaires.

Il est sage d'associer les supporters. J'ai rencontré l'Association nationale des supporters et organisé une table ronde d'associations de supporters des clubs de Nantes, Paris et de Saint-Etienne. Ils sont à un tournant : ils ne doivent pas rater l'opportunité de devenir de réels partenaires des pouvoirs publics et des clubs ; cela les responsabiliserait.

La proposition de loi, objet d'un important travail des députés et du Gouvernement, est parvenue à un bon équilibre. L'article 1er permet aux clubs de répondre à leur obligation de sécurité en les autorisant à mettre en oeuvre un traitement automatisé pour fonder un refus de vente ou des résiliations d'abonnement pour des manquements aux dispositions relatives à la sécurité et au bon déroulement des matchs figurant dans le règlement intérieur ou les conditions générales de vente. C'est une réelle avancée. Je vous proposerai des amendements quasi rédactionnels mais qui clarifient la finalité du traitement.

Supprimons le rapport annuel de la CNIL sur ce fichier, inutile, et qui ne correspond pas au fonctionnement de la CNIL. Ce fichier fera l'objet de fortes garanties et sera créé par un décret en Conseil d'État après avis de la CNIL.

Le texte prévoit diverses mesures de sécurisation : des billets nominatifs à l'article 4 pour connaître l'identité des personnes, un principe de maîtrise de la vente des places par le club ; à l'article 2, l'allongement de la durée des interdictions administratives de 12 à 24 mois ou de 24 à 36 mois en cas de récidive ; à l'article 6, la prohibition de l'accès aux zones de retransmission en public des matchs pour les personnes interdites judiciairement de stade, comme c'est déjà possible pour les personnes faisant l'objet d'une interdiction administrative. L'article 3 élargit la transmission d'informations sur les personnes interdites de stades aux organismes internationaux, et donc à l'Union européenne des associations de football (UEFA) en vue de l'Euro 2016.

La proposition de loi crée un mécanisme pour mieux associer les supporters. Je vous propose de ne pas modifier cette partie du texte, même si elle aurait probablement mérité d'être un peu reformulée. Une instance nationale du supportérisme sera créée par décret. Le « référent supporters » du club devrait être désigné après avis des associations de supporters agréées et non par toutes les associations, en s'inspirant de ce qui existe pour dix-sept pays au niveau de l'UEFA. Je vous propose donc d'adopter une proposition de loi utile, équilibrée, moyennant les quelques amendements que je vous présenterai.

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