Intervention de Jean Zetlaoui

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 mars 2016 à 9h30
Cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques — Audition de Mm. Thomas Borel directeur des affaires scientifiques et jean zetlaoui président du groupe de travail « attractivité pour la recherche clinique » du leem les entreprises du médicament Mm. François-Régis Moulines directeur des affaires gouvernementales et de la communication du syndicat national de l'industrie des technologies médicales snitem

Jean Zetlaoui, président du groupe de travail « attractivité pour la recherche clinique » du Leem :

Je voudrais revenir sur cette notion de phase 1 qui est extrêmement importante et précise dans l'élaboration d'un médicament. L'administration chez l'homme est précédée par des essais précliniques conduits sur les animaux et les modèles cellulaires. Ces essais précliniques sont encadrés par une réglementation extrêmement lourde et il nous faut présenter un dossier complet aux autorités réglementaires qui vont ensuite nous autoriser à passer à l'homme. Malgré leur lourdeur et leur importance, ils ne peuvent pas préjuger de la réaction chez l'homme, une fois le médicament administré. C'est pourquoi il existe différents modèles permettant de convertir la dose initialement administrée à l'animal en dose pour l'homme.

Le choix de cette première dose de la phase 1 est capital et fait l'objet de nombreuses concertations entre les spécialistes des laboratoires pharmaceutiques, entourés d'experts dans les différents domaines. Cette dose doit être différenciée des escalades de doses, qui obéissent à un protocole déterminé une fois la première dose administrée. Ce passage de l'une à l'autre a d'ailleurs été relevé par l'Igas dans son rapport sur les essais de Rennes. Il y a également une différence radicale entre la première dose d'un médicament d'une classe thérapeutique connue et la première dose d'un tout premier médicament d'une classe thérapeutique totalement innovante. Lorsqu'une classe thérapeutique est connue, on a déjà de bonnes idées de ce que serait la première dose chez l'homme, tandis qu'on se pose encore plus de questions et conduit davantage de travaux sur les traitements innovants.

Il existe des réglementations (« guidelines ») pour aider à la prise de décision dans le choix de cette première dose. Après l'accident de Londres de 2006, l'Agence européenne du médicament et l'Afssaps avaient précisé les modalités de cette première administration. Le risque doit être encadré aux plans scientifique, réglementaire et sanitaire, en faisant notamment la différence entre le volontaire sain et le patient qui souffre déjà d'une pathologie, comme c'est le cas en oncologie. Cette petite nuance faite, les guidelines existent et il importe de mieux les faire connaître et respecter. Il faudrait les harmoniser au niveau européen, la France devant agir pour le nécessaire renforcement des précautions en matière d'administration de doses en phase 1.

Je souhaite insister sur deux points. Nous sommes encadrés par deux entités : l'ANSM, d'une part, dont nous suivons scrupuleusement les réglementations et avec laquelle nous sommes en constant dialogue lorsque nous lui soumettons des protocoles ; les comités de protection des personnes, d'autre part, spécificité française instituée par la loi Huriet qui a été imitée par de nombreux pays d'Europe. Ces comités sont garants de la protection des personnes sujets des expériences thérapeutiques et de l'évaluation du protocole soumis au plan de l'éthique. Le tirage au sort des CPP a fait l'objet de nombreuses discussions lors de l'examen de la loi Jardé. Si cette démarche peut s'avérer intéressante, elle pose toutefois un certain nombre de problèmes puisque tous les CPP ne sont pas égaux dans leurs compétences dans des domaines très spécifiques comme l'oncologie ou la pédiatrie. Pour l'examen de protocoles afférents à ces deux spécialités, il faut que les CPP disposent d'une expertise spécifique ou bien, le cas échéant, fassent appel à un expert. Le rôle des CPP est ainsi capital. Des réflexions ont été présentées à votre commission quant à un tirage au sort un peu plus spécialisé, impliquant notamment des groupes de CPP spécifiquement compétents pour l'oncologie et la pédiatrie, d'autant que la nouvelle législation qui va bientôt s'appliquer va octroyer aux CPP une durée d'appréciation relativement brève des protocoles.

Le tirage au sort des CPP pourrait être revu de sorte que lorsqu'un essai clinique est conduit dans un laboratoire avec une certaine molécule, il serait appréciable que le même CPP apprécie les protocoles ultérieurs visant au développement de cette même molécule. Ces points nous paraissent importants à prendre en considération pour améliorer cette démarche de tirage au sort des CPP.

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