Intervention de François Villeroy de Galhau

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 30 mars 2016 à 9h38
Audition de M. François Villeroy de galhau gouverneur de la banque de france

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France :

on a même reproché, il y a quelques années, à la Banque centrale européenne d'être plus lente que les autres dans l'adoption de ces mesures non-conventionnelles. Cela pose néanmoins un certain nombre de questions que vous avez évoquées. Où va l'argent ? Cet argent est bien prêté à l'économie, aux entreprises et aux ménages. Comment en sort-on ? Le parallèle américain est intéressant. L'économie américaine étant plus avancée dans la reprise - certains disent d'ailleurs que c'est en partie lié au fait que la banque centrale américaine avait adopté cette politique plus tôt -, la Réserve fédérale américaine a cessé ses achats nets d'actifs depuis 2014. Elle nous montre donc qu'il existe des voies de sortie de ces politiques accommodantes ; malheureusement nous n'en sommes pas là dans la zone euro, car nous restons plus bas dans le cycle de la reprise économique.

Vous avez surtout posé la question du modèle coopératif et mutualisé français. Vous me permettrez d'abord de partager avec vous un point de satisfaction : la robustesse et la pérennité des banques mutualistes, importantes et solides en France, quel que soit le modèle d'organisation. Vous avez mentionné que les ratios prudentiels de ces banques étaient souvent parmi les meilleurs du système bancaire européen et c'est vrai. Ce système mutualiste, qui n'existe pas dans tous les pays européens, a pu susciter au début des discussions à Bâle ou à Francfort un certain nombre de questions. Il est aujourd'hui beaucoup mieux compris : c'est un acquis et une véritable satisfaction. Le système bancaire français fait coexister des groupes mutualistes forts et des groupes privés, ce qui va durer.

Devons-nous avoir un ou deux crédits mutuels à l'échelle nationale. Cette question n'est pas de mon ressort et je respecte par avance le choix qui sera fait qu'il résulte de la discussion, du contentieux ou du législateur. Il nous faut, par ailleurs, une organisation du Crédit Mutuel qui garantisse aux yeux du superviseur le bon fonctionnement de ce groupe mutualiste quel qu'en soit le périmètre géographique. L'organe central de l'établissement a trois fonctions : la supervision des entités, la gestion de sa liquidité et ce que l'on appelle la résolution, qui implique une solidarité entre caisses locales. Il convient que le groupe Crédit Mutuel apporte sur ce point les précisions nécessaires. C'est le sens de l'approbation des statuts par le ministre des finances intervenue récemment. L'essentiel est de garder un ensemble bancaire solide, performant, au service des Français - ce qu'est le Crédit Mutuel.

Fabienne Keller, je n'ai pas eu connaissance du cas que vous avez mentionné. Je le regrette avec vous, d'autant plus qu'il s'agit d'un financement industriel. Il peut arriver que les banques françaises aient quelque difficulté à apporter des financements « en blanc », c'est-à-dire sans garantie physique, notamment quand il s'agit de financer des actifs immatériels. Il faudrait d'ailleurs progresser sur ce point. Mais, comme c'est le cas avec l'affaire que vous avez évoquée, il n'y a pas de raison apparente pour que les banques françaises ne suivent pas l'exemple allemand et refusent d'apporter un financement. Nous suivons les taux de refus. Ils restent très bas tandis que le taux de satisfaction des demandes, que nous suivons aussi, reste élevé. Je voudrais, à ce stade, rappeler l'existence de la médiation du crédit. Elle est faite pour des situations comme celle que vous avez mentionnée. La médiation fonctionne bien avec un taux de succès de l'ordre de 60 %. Elle a de moins en moins de dossiers à traiter, ce qui est un indicateur heureux. La Banque de France s'y consacre activement et, en tant que parlementaires, la médiation du crédit est à votre service. Je n'ignore pas que la situation des très petites entreprises (TPE) est plus difficile. Le taux d'accès des TPE aux crédits de trésorerie (63 %) est trop bas par rapport à celui des PME (84 %). Ces 21 points d'écart ne sont qu'en partie justifiés. C'est pourquoi, j'ai décidé de compléter la médiation du crédit par la nomination dans chaque département - nous maintenons, en effet, une succursale par département -, d'un « correspondant TPE » qui puisse aider ces entreprises en amont, en leur apportant une aide adaptée à leurs besoins.

En ce qui concerne les arbitrages nécessaires à la baisse des déficits publics et au soutien à l'investissement public, particulièrement celui des collectivités locales, il n'est évidemment pas de ma responsabilité de me substituer aux décideurs légitimes que vous êtes. Je ne m'exprime que comme observateur et, à ce titre, je ne peux que souligner que le statu quo n'est pas une option. La France ne peut rester le seul pays d'Europe où le chômage ne baisse pas. Nous évoluons dans un contexte où nous partageons le même modèle social que nos voisins européens, qui nous différencie d'autres pays de l'OCDE et, encore plus des pays émergents, mais nous n'avons pas les mêmes performances ni les mêmes réformes. La plupart de nos voisins ont entrepris des réformes budgétaires, comme l'Allemagne, de leur marché du travail, comme l'Italie, et ils ont obtenu des résultats. Ceci nous invite à nous pencher sérieusement sur l'élimination des obstacles structurels à la croissance, ce qui peut supposer des réformes difficiles, qui n'entrent pas dans mes attributions. Dans la mesure du possible, il conviendrait, s'agissant des dépenses publiques, de privilégier les dépenses d'investissement et les dépenses d'avenir qui préparent et favorisent la croissance économique.

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