Je tiens tout d’abord à remercier M. le garde des sceaux d’avoir déposé cet amendement. Il aurait pu attendre l’examen du projet de loi de finances, comme l’ont fait certains de ses prédécesseurs.
Cela dit, les dispositions de cet amendement posent un certain nombre de problèmes. Je me demande si la meilleure solution n’est pas de dire la vérité : nous sommes matériellement incapables de mettre en œuvre la collégialité de l’instruction, surtout au moment où s’amenuise, on le voit bien, le rôle du juge d’instruction et où apparaît plus fortement le couple formé par le parquet et le juge des libertés et de la détention.
Eu égard à l’ensemble des tâches qui incombent maintenant au juge des libertés et de la détention, il va falloir des postes. Se posera un problème d’équilibre entre les tâches qui seront confiées aux magistrats. Certes, la promotion de cette année est extrêmement importante – je souhaite qu’il en soit de même l’an prochain ! –, mais il faut du temps pour former des magistrats et des greffiers, et les choses ne vont pas si vite que cela.
Avant d’en venir au fond de l’amendement, permettez-moi de soulever un problème de procédure très important.
Si nous adoptons cet amendement, l'Assemblée nationale n’en discutera pas. Or nous allons nous retrouver dans la même situation que celle qui a prévalu il y a quelque temps avec la loi DDADUE : le Conseil constitutionnel, qui avait été saisi, a annulé un certain nombre de dispositions au motif que le débat n’avait pas eu lieu dans les deux assemblées. Se pose donc là un vrai problème.
Par ailleurs, monsieur le garde des sceaux, si vous déposez un amendement dans le cadre de l’examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, c’est le Sénat qui n’en débattra pas.
Nous nous retrouvons donc dans une impasse.
La seule solution serait de déposer un projet de loi sur ce sujet, ce qui permettrait aux deux assemblées parlementaires de se prononcer sur ces dispositions.
Si je vous ai remercié, monsieur le garde des sceaux – cela n’est pas un vain mot ! –, c’est aussi parce que cet amendement aura permis aux membres de la commission des lois et à nos collègues ici présents de prendre connaissance de votre position. Vous avez relevé que la collégialité avait été mise en place sans moyens et qu’il ne vous revenait pas aujourd'hui de la supprimer. Vous préférez en restreindre le champ d’application, en la subordonnant à la demande des magistrats ou des parties.
Néanmoins, la solution que vous proposez a des conséquences, qui ne sont pas minces, et dont la commission des lois a beaucoup discuté. En fait, vous êtes obligé de supprimer tous les postes de juge d’instruction dans les tribunaux de grande instance dépourvus de pôle de l’instruction.