Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme aucun autre secteur économique, l’agriculture doit faire face à différents types d’aléas, sanitaire, climatique, économique et même diplomatique, si l’on songe à l’embargo russe. Tous ces risques, qui parfois se cumulent, fragilisent la plupart des filières.
Nous connaissons tous le poids de l’agriculture dans la balance commerciale, son rôle dans l’aménagement du territoire et, tout simplement, sa vocation première de fournir une alimentation de qualité. Il n’est donc pas besoin de démontrer que la France a tout intérêt à maintenir son rang de grande nation agricole et, pour cela, à conserver les quelque 452 000 exploitations qui couvrent encore son territoire.
Hélas, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, notre agriculture souffre d’un déficit de compétitivité qui la déclasse progressivement.
Dans ces conditions, comment protéger l’agriculture des crises conjoncturelles ? Comment garantir la viabilité d’une exploitation en cas de coup dur ? Plus fondamentalement, comment assurer des revenus décents à tous ceux, hommes et femmes, qui sacrifient beaucoup pour leur travail sans être certains d’en vivre correctement ?
Nous savons que les différents plans d’aide, tels que ceux qui ont été mis en œuvre au cours de ces derniers mois pour répondre à la crise de l’élevage, constituent une réponse d’urgence nécessaire. Toutefois, ils ne constituent pas une solution pérenne pour stabiliser les revenus des agriculteurs sur le long terme.
Quant aux grandes lois d’orientation, elles sont également utiles pour encourager les réformes de structure ainsi que l’adaptation des exploitations aux nouveaux défis, tels que celui de l’environnement, pour n’en citer qu’un. C’est ainsi, monsieur le ministre, que le RDSE avait approuvé en 2014 la loi d’avenir visant à organiser la transition vers l’agroécologie et engager l’agriculture dans une véritable mutation.
Néanmoins, là aussi, malgré les efforts de structuration des filières, le développement de la contractualisation ou encore l’encouragement aux démarches de qualité, nous constatons que l’agriculture continue de rencontrer des difficultés.
Si, globalement, nous avons un secteur qui est performant à bien des égards, nous savons aussi qu’il est tributaire d’un contexte mondial de grande volatilité des prix, dans lequel l’agriculture européenne est de moins en moins protégée. Nous voyons bien comment la fin des quotas laitiers perturbe la filière du lait – j’en profite, monsieur le ministre, pour saluer votre ténacité, bien connue, concernant la réintroduction de mécanismes de régulation, même si cela n’est que temporaire.
Sans contester le principe de réciprocité dans les échanges agricoles, comment nos exploitants peuvent-ils affronter le marché avec des standards de production qui diffèrent d’un pays à un autre ? Cette réciprocité n’a de sens que si, de notre côté, nous mettons fin au zèle normatif qui augmente nos coûts de production et si, de l’autre, ce n’est pas la foire au moins-disant social ou sanitaire.
Je m’inquiète d’ailleurs des conséquences du traité transatlantique sur l’agriculture, un sujet dont nous avons débattu récemment au Sénat. Comme vous le savez, mes chers collègues, le volet de la levée des obstacles non tarifaires pourrait poser problème à la filière bovine. La France doit défendre ses intérêts.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, d’autant plus que c’est un engagement qu’avait pris le Président de la République en 2013 devant les éleveurs à Cournon-d’Auvergne. « Je ferai également tout pour que l’agriculture puisse être préservée dans la négociation avec les États-Unis, car nos produits ne peuvent pas être abandonnés aux seules règles du marché », disait-il. Nous sommes bien d’accord…
En attendant, dans le contexte général d’une libéralisation qui gagne du terrain, il est évident que, tant que nos agriculteurs ne se battront pas à armes égales avec leurs concurrents, nous devrons leur garantir un filet de sécurité. Lorsqu’une crise se déclare, nous engageons souvent en premier lieu un traitement social, avec un report de charges ou un allégement de dettes. Cette approche fait dépendre le sort des exploitants les plus fragiles de la bonne volonté du Gouvernement. Il faut rapidement trouver un mécanisme permanent de stabilisation en cas d’aléa économique.
Comme le souligne la proposition de résolution, peu d’outils permettent de sécuriser le revenu des agriculteurs. Nous devons donc engager une réflexion dans ce sens pour mettre en œuvre un instrument fondé sur la mutualisation du risque.
Comme le suggèrent également les auteurs de la proposition de résolution, la PAC doit être le cadre de cette mise en œuvre. La solidarité est une valeur qui fonde le projet européen. L’Union européenne doit mieux la traduire au travers de sa politique agricole, sans qu’il soit besoin de faire le forcing, comme la France a dû le faire au cours de ces derniers mois pour faire accepter ses propositions en réponse à la crise de l’élevage.
Enfin, je dirai un mot de l’aléa climatique, bien que ce ne soit pas le sujet. Il me semble qu’une assurance récolte est un gage de la solidité économique d’une exploitation et, par conséquent, une garantie, aussi, de préservation des revenus des agriculteurs. Je voudrais juste rappeler que j’avais défendu en 2008 une proposition de loi visant à rendre cette assurance obligatoire, car, à ce jour, trop peu d’exploitants sont couverts. C’est un chantier à approfondir, monsieur le ministre.
Mes chers collègues, nous sommes à la veille du comité de l’agriculture de l’OCDE. Aussi, l’adoption de la proposition de résolution permettrait d’envoyer un message auquel le RDSE souhaite s’associer. C’est pourquoi l’ensemble des membres de notre groupe approuvera cette proposition, sans arrière-pensée et avec enthousiasme.