Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 6 avril 2016 à 14h30
Développement d'outils de gestion de l'aléa économique en agriculture — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’agriculture française souffre. Nous le savons et nous devons réagir par des mesures efficaces, des réformes structurelles et des textes ambitieux.

La proposition de résolution qui nous est présentée aborde la notion de l’aléa économique en agriculture. Les agriculteurs font face, il est vrai, à la volatilité des marchés mondiaux des matières premières agricoles et à la variation des prix. Ces facteurs sont difficilement supportables pour les exploitants. Un agriculteur vendra une tonne de blé tel jour à tel prix et découvrira, le lendemain, qu’elle aura augmenté de 50 %. Est-ce son rôle d’être un trader ?

Il est nécessaire de sécuriser le revenu des agriculteurs. C’est ce à quoi encourage cette proposition de résolution, dont les auteurs souhaitent le développement d’outils de gestion de cet aléa économique au niveau européen.

Le Gouvernement est invité à agir, dans le cadre des réflexions menées sur la politique agricole commune d’après 2020, pour construire un système de mutualisation du risque économique, et à aborder ce sujet dès les rendez-vous internationaux de demain, à l’OCDE, et de la semaine prochaine, lors de la réunion informelle du Conseil « Agriculture et pêche » de l’Union européenne.

Nous pouvons observer les mécanismes de prise en charge de cet aléa qui existent déjà dans d’autres pays, tel le dispositif américain de prix garantis. Cette proposition de résolution semble donc évidemment consensuelle. Elle invite notamment le Gouvernement à « poursuivre son engagement en faveur d’une agriculture française forte et diversifiée ». Personne ne peut s’opposer à cela…

Toutefois, chers collègues, nous avons débattu, dans cette assemblée, en décembre et mars derniers, de la proposition de loi en faveur de la compétitivité de l’agriculture et de la filière agroalimentaire. Pourquoi ne pas avoir apporté plus d’éléments sur la gestion de l’aléa économique dans ce texte ?

La proposition de loi sénatoriale contenait des dispositions pertinentes, puisque le Gouvernement en a repris plusieurs : la révision du dispositif de déduction pour aléas, afin de permettre aux exploitants de mobiliser plus facilement cette réserve financière ; l’assouplissement de la définition de l’aléa économique ; l’extension du dispositif de suramortissement des investissements aux bâtiments d’élevage et de stockage réalisés.

Enfin, le Gouvernement a annoncé qu’il reprendrait d’autres mesures encore, telles que la référence au prix payé au producteur dans les contrats commerciaux, la non-cessibilité des contrats laitiers et la simplification en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE. La proposition de loi n’était donc pas si mauvaise que cela !

Il reste, certes, beaucoup de travail sur la gestion de l’aléa économique, mais nous avions au moins commencé à avancer sur ce point. Je regrette que vous n’ayez pas souhaité y prendre davantage part et que vous ayez préféré élaborer cette proposition de résolution.

Néanmoins, je reconnais que ce texte peut constituer un appui pour le Gouvernement, afin que celui-ci agisse au niveau européen.

Je profite de cette discussion générale, monsieur le ministre, pour vous indiquer d’autres facteurs qui pénalisent gravement les agriculteurs et qui, à ce titre, méritent d’être abordés.

Dans mon département de la Haute-Savoie, plus spécialement dans ma commune, agriculteurs et maraîchers m’expliquent qu’ils souffrent d’une concurrence déloyale entre pays européens. Ainsi, les produits phytosanitaires utilisés sont différents selon les pays : certains sont tolérés quand d’autres ne le sont pas. Les normes ne sont pas les mêmes, par exemple en Espagne, les produits se retrouvant pourtant sur les mêmes marchés.

Nos agriculteurs bénéficient, bien sûr, d’outils de prise en charge des aléas climatiques, environnementaux et sanitaires, via le Fonds national de gestion des risques en agriculture et via l’outil fiscal qu’est la dotation pour aléas.

Pourtant, certaines difficultés subsistent, notamment en ce qui concerne les maraîchers dont les surfaces de production sont limitées. Des problèmes de coût, tout d’abord : le coût de l’assurance étant trop élevé, certains maraîchers m’indiquent qu’ils ne peuvent pas assurer leurs parcelles.

En outre, le système d’assurance fonctionne sur une unité de base d’un hectare. Lorsqu’un hectare d’une même culture est endommagé, l’agriculteur est indemnisé. Mais la situation se révèle problématique pour les maraîchers, puisque, durant l’année, ils ont généralement plusieurs cultures sur un même hectare.

Monsieur le ministre, je vous remercie, pour les exploitants qui m’ont alerté, de prendre en compte ces difficultés, qui sont les leurs, mais aussi certainement celles de nombreux autres agriculteurs.

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