Intervention de Hugues Portelli

Réunion du 6 avril 2016 à 14h30
Liberté indépendance et pluralisme des médias — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Hugues PortelliHugues Portelli :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission de la culture, je vais en quelques mots vous donner le point de vue de la commission des lois sur un article de la proposition de loi, qui concerne la protection du secret des sources.

Je tiens d’abord à rappeler que ce secret des sources est bien protégé par une loi en vigueur datant de 2010, laquelle a été élaborée pour intégrer dans le droit français la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. C’est le droit actuellement appliqué en France par nos tribunaux.

Je connais assez bien la jurisprudence de la CEDH, et je n’ai pas souvenir qu’il y ait eu beaucoup de modifications jurisprudentielles depuis 2010. Les grands arrêts de la cour en la matière datent en fait des années quatre-vingt-dix et deux mille.

Si la proposition de loi vise à modifier la loi de 2010, c’est pour tenir compte d’autres points de vue, notamment celui, qui avait été sollicité, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme. En la matière, le droit français actuel est donc parfaitement conforme au droit européen.

Qu’a fait la commission des lois ? Elle a tout simplement vérifié que l’article de la proposition de loi qui lui était soumis, lequel est relatif à la protection du secret des sources, est conforme à la fois au droit du Conseil de l’Europe et au droit français tel que les juges l’appliquent habituellement. Elle a alors remarqué un certain nombre de différences qu’elle a voulu corriger pour revenir à un droit plus équilibré, plus conforme aux références européennes et jurisprudentielles.

En cela, je considère que le travail accompli par la commission des lois sur cet article 1er ter est non pas un recul de l’état du droit mais bel et bien une « avancée » – pour parler comme Mme la ministre. En effet, dans le droit français, comme dans le droit européen, il y a un principe, qui est celui de l’égalité devant la loi. Cela signifie que tous les citoyens, y compris les journalistes, sont égaux devant la loi.

Le droit pose un deuxième principe, qui est la protection du secret. Il dépasse les sources des journalistes et s’étend au secret de l’instruction, de la vie privée, de la défense nationale… Et par les temps qui courent, ces secrets-là, ils comptent autant que le secret des sources ! La commission des lois est donc intervenue pour veiller au respect de tous ces secrets et à leur harmonisation.

Dans l’expression « secret des sources », le mot « secret » est important. Qu’est-ce qu’un secret ? C’est quelque chose qu’on doit veiller à ne guère divulguer, y compris s’agissant des sources.

La commission des lois s’est d’abord interrogée pour savoir qui doit bénéficier du secret des sources. Il ne suffit pas de répondre que les journalistes sont concernés. Encore faut-il définir ces derniers. Aussi, la commission des lois a veillé au maintien d’une définition claire du journaliste. En effet, si chacun est journaliste et bénéficie du secret des sources, il n’y a plus de secret, tout le monde peut le divulguer.

La première chose à faire était donc de maintenir une définition. Il s’agit, d’ailleurs, de celle de la loi de 1881 et de la jurisprudence qui l’interprète, de notre point de vue, madame la ministre, de façon extrêmement libérale et favorable au monde de la presse.

La deuxième question sur laquelle nous nous sommes interrogés concerne la rédaction de l’amendement glissé par le Gouvernement en cours de débat à l’Assemblée nationale. En effet, s’il s’agit bien d’une proposition de loi, il n’en demeure pas moins vrai que l’article 1er ter – et de ce point de vue, votre lapsus est tout à fait intéressant et juste – résulte d’un amendement pris sur l’initiative du Gouvernement, qui l’a rédigé. Cet article 1er ter vient donc du Gouvernement, sauf qu’il a été écrit un peu vite, madame la ministre, tellement vite qu’il comporte des erreurs et omissions. §Ainsi, à titre d’exemple, ce que les fonctionnaires de la Direction des affaires criminelles et des grâces attribuent au code de procédure pénale, ils ont oublié de le faire figurer dans le code pénal ou dans le code de la presse !

La commission des lois a donc essayé de remettre tout cela « d’équerre ». Elle a fait en sorte d’harmoniser les choses pour que quand on parle de « prévention » et de « répression », on en parle partout, que quand on parle de « crime » et de « délit », on en parle un peu partout. Et elle a veillé à ce que tout cela soit rédigé dans des termes juridiques corrects.

Je termine en disant que nous avons rétabli le délit de recel de la violation du secret de l’instruction. En effet, respecter le secret de l’enquête, le secret de l’instruction, c’est un droit fondamental, c’est un droit essentiel ! Et le supprimer, ce ne serait pas une avancée, ce serait un recul grave de l’état de droit !

Je vais vous donner un exemple, madame le ministre. Peut-être avez-vous remarqué que, l’an dernier, la Cour de cassation a condamné…

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