Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, « renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias » : quel beau titre pour une proposition de loi !
Comment expliquer qu’un tel texte puisse susciter une opposition très large de la part des éditeurs de presse et des syndicats de journalistes ?
Nous sommes convaincus de l’importance des enjeux en présence, comme des valeurs d’indépendance et de pluralisme des médias. Dans une France marquée par l’esprit des Lumières, l’indépendance de la presse est solidement ancrée dans les consciences.
J’admets volontiers que l’on n’est jamais assez exigeant, jamais assez vigilant à cet égard, même si je ne perçois pas de remise en cause.
Quelques incidents récents, qui viennent d’être rappelés, ont été mis en avant. Tel ou tel reportage n’aurait pu être diffusé. Mais ces faits ont donné lieu à de vifs débats dans la société française : c’est là la preuve que les principes d’indépendance et de pluralisme des médias sont bien vivants, qu’ils sont spontanément perçus comme légitimes.
Aussi est-il probablement excessif de nous proposer d’examiner ce texte selon la procédure accélérée. Cette initiative pour partie désordonnée ajoute au législateur des contraintes peu en phase avec l’évolution des médias.
M. Leleux l’a indiqué il y a quelques instants : en la matière, le risque principal est d’ordre économique, au regard de la faiblesse de la surface financière ou des résultats de nombreuses entreprises du secteur. En 2016, l’économie des médias me semble plus en danger que leur indépendance.
Si je puis faire un clin d’œil à M. Pierre Laurent, en la matière, la dissociation entre « liberté formelle » et « liberté réelle » ne doit pas être sous-estimée. La liberté ne sera réelle que lorsque l’équilibre économique des médias français sera de nouveau assuré.
Cette interrogation économique se double d’une remise en cause technologique, marquée par l’émergence du numérique et l’arrivée de nouveaux concurrents issus de cette sphère. Ces derniers, qui sont le plus souvent des acteurs internationaux, deviennent des médias de plein exercice. Madame la rapporteur, ce phénomène est l’un de ceux qui, dans votre travail, vous ont servi de guide.
L’entreprise de presse audiovisuelle ou écrite n’a besoin ni d’instabilité ni de complexité. La faiblesse structurelle de cette proposition de loi découle du fait qu’elle s’éloigne de cette notion d’entreprise, voire qu’elle commet des contresens. Je songe au rôle qui aurait pu être confié aux comités d’entreprise, si l’on en était resté aux termes initiaux.
En outre, la volonté d’ériger le CSA en juge, en arbitre sur ce terrain déontologique, alors qu’il est lui-même acteur, par sa compétence de désignation, ne semble pas s’appuyer sur une réflexion aboutie.