Intervention de Axelle Lemaire

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 avril 2016 à 9h05
République numérique — Audition de Mme Axelle Lemaire secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie de l'industrie et du numérique chargée du numérique

Axelle Lemaire, secrétaire d'État chargée du numérique :

Merci de votre accueil. Le titre de ce projet de loi pourra être débattu en commission ou en séance publique... Quoi qu'il en soit, l'ambition n'est pas celle d'une personne : nous souhaitons que ce projet soit porté par l'ensemble de la communauté citoyenne, afin d'inscrire l'économie et la société dans l'environnement numérique.

Longtemps, le numérique fut considéré comme un domaine spécifique et très technique, dont l'examen était réservé aux seuls geeks et aux experts. Aujourd'hui, la réalité est autre : le numérique est partout, et notamment dans chaque politique publique. L'économie est tirée par les technologies numériques, indispensables pour être compétitif à l'international. Même chose dans la sphère sociétale, avec le nécessaire arbitrage entre la sécurité, la protection et le respect de l'ordre public et le respect des libertés fondamentales - au premier rang desquelles la protection des données personnelles. L'égal accès de tous au numérique, réseaux fixes ou téléphonie mobile, dans la totalité des territoires, est une très forte demande et une nécessité urgente pour nos concitoyens, y compris pour les personnes handicapées. Le numérique doit être un socle pour les sujets économiques, sociétaux, sociaux et territoriaux, objets des trois titres du projet de loi, afin que le logiciel républicain, mis à jour, s'applique partout, et que notre pays soit une grande nation du numérique.

Le titre Ier est consacré à l'économie de la donnée et à la circulation des savoirs. Dans ce secteur, ce n'est pas la rareté qui compte - comme pour les ressources naturelles - mais l'abondance de données produites, notamment par l'État et les administrations publiques, et leur bonne circulation, afin qu'elles soient réutilisées par les entreprises et forment un potentiel de création économique. L'ouverture des données publiques est un gage de transparence démocratique et une exigence de nos concitoyens. Voyez les Panama Papers... L'ouverture des données joue un rôle central dans l'actualité internationale, elle est une exigence démocratique. L'opacité n'est plus acceptée par les citoyens, qui réclament davantage de transparence. Désormais, l'ouverture se fera par défaut, soit un renversement de la règle du secret qui a longtemps prévalu. L'administration s'ouvre à la société civile et aux entreprises. Grâce à ces data, les entreprises développeront de nouveaux services innovants comme la prévision de la consommation énergétique, l'urbanisation de nouveaux secteurs...

La circulation du savoir est essentielle aux chercheurs des sciences dures comme des sciences humaines, dont les travaux sont, par nature, ouverts et internationaux. Ils doivent pouvoir être transmis au plus large public, le plus rapidement possible. Le numérique bouleverse des modèles économiques établis comme celui des éditeurs de revue scientifique papier, dont les revenus étaient garantis par les abonnements des bibliothèques. Il faudra les accompagner vers des formats numériques, d'où des dispositions sur la diffusion publique des écrits scientifiques après un délai d'embargo, à la fin du contrat d'exclusivité avec l'éditeur. Je peux détailler d'autres mesures de circulation des travaux scientifiques si vous le souhaitez.

Le titre II relatif aux données personnelles prévoit la loyauté des plateformes d'intermédiation, qui mettent en relation des utilisateurs avec les fournisseurs de biens et de services, ainsi que le principe d'ouverture des réseaux pour garantir la neutralité d'internet, afin de créer de nouveaux droits. Pour une meilleure protection des données personnelles, nous introduisons un droit à l'oubli des personnes mineures, en adéquation avec le règlement européen qui entrera bientôt en vigueur, ainsi que des dispositions sur la mort numérique : quel sera le sort des données personnelles après le décès ? Quel accès y auront les ayant-droits, notamment aux informations confidentielles comme l'historique des relevés bancaires ? En garantissant la loyauté des plateformes, nous protégeons le consommateur pour rétablir l'équilibre entre les particuliers et les géants de l'internet, qui vous enferment parfois dans un certain écosystème dont il est difficile de sortir. Cela donnera une information la plus claire, la plus loyale et la plus transparente possible, protègera le consommateur, favorisera la concurrence et augmentera la capacité d'entrer dans de nouveaux marchés en croissance.

Il y a quelques années avait été décidée la portabilité des numéros de téléphone en cas de changement d'opérateur. Nous l'instaurons pour les serveurs de messagerie électronique - les courriels - et les données résultant de l'utilisation d'un compte sur internet, comme les données bancaires, l'historique des préférences musicales ou les photos de famille.

Le titre III est relatif à l'accessibilité, sujet qui vous tient particulièrement à coeur en tant que représentants des territoires. Le Gouvernement s'engage fortement sur l'égalité et l'équité du numérique. Le plan « France très haut débit », plus gros chantier du quinquennat, dispose de 3,5 milliards d'euros. Les résultats sont là, même s'ils ne sont pas toujours très visibles par nos concitoyens et que vous êtes les premiers à recueillir leurs récriminations. Il faut accélérer le déploiement ; nous rétablissons l'éligibilité au fonds de compensation de la TVA et introduisons le suramortissement pour les opérateurs investissant dans les réseaux. Il faut aussi abattre tous les obstacles réglementaires freinant le déploiement du numérique. Le Gouvernement travaille en très bonne collaboration avec tous les sénateurs impliqués pour trouver les solutions disponibles afin d'aller plus vite.

Les sourds et malentendants demandent depuis longtemps des outils de traduction, demande à laquelle il faut donner droit. Le numérique est un secteur encore nouveau, il ne faudrait pas que la France accumule le même retard qu'en d'autres domaines, concernant l'accès des personnes handicapées. Il est temps d'agir avec force. L'accessibilité des sites internet publics et privés pour les malvoyants est une condition pour assurer l'égalité du numérique pour tous. L'État doit être exemplaire, en ayant un niveau d'exigence élevé et en créant des obligations pour les personnes publiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion