La diversité de vos interventions montre que le champ est vaste. J'essaierai d'être claire et d'éviter le « baratin » !
Sur la loyauté des plateformes, le Gouvernement a choisi d'agir. Le lobby de l'impuissance publique était fort. Les acteurs économiques s'opposaient à une intervention des pouvoirs publics dans cette sphère virtuelle, ce territoire nouveau : il ne faudrait pas sur-réglementer, disaient-ils. Discours classique... L'obligation de loyauté impose simplement aux géants de l'internet - que nous définissons non plus en fonction du chiffre d'affaires, qui n'a pas le même sens que dans le reste de l'économie, mais selon le nombre de connexions - de fournir aux consommateurs une information transparente. C'est bien le minimum ! Le Gouvernement a choisi d'aborder le sujet par le biais du droit de la consommation, car la directive européenne e-commerce nous laisse davantage de possibilités d'agir que les règles européennes du droit de la concurrence. Le contentieux entre Google et la Commission européenne dure depuis six ans. Ce délai ne correspond pas à la temporalité très rapide du secteur.
À l'Assemblée nationale, un amendement concernait les plateformes d'hébergement - en clair, Airbnb - et un autre imposait la présence physique d'un représentant commercial sur le territoire français. Ces ajouts sont en contradiction avec le droit européen. Le Gouvernement négocie avec la Commission européenne sur ce texte, et cherche à convaincre nos partenaires que la France peut agir sur le droit de la consommation. La France comme l'Allemagne plaident à Bruxelles pour une régulation des plateformes mais ces efforts n'aboutiront pas avant plusieurs années... En attendant, le droit français s'applique, dès lors que les consommateurs français sont concernés. La Cnil a prononcé des sanctions contre deux grandes entreprises du numérique : celles-ci ont payé leurs amendes et ont modifié leurs conditions générales d'utilisation. Toutefois, il est parfois difficile de garantir l'application de nos règles.
Merci, monsieur Frassa, de votre implication dans la préparation de ce texte. La commission des lois s'est saisie de 76 des 99 articles du texte, et en particulier des articles sur l'open data. À ce propos, vous m'interrogez sur la cohérence entre les textes. L'objectif du Gouvernement est d'aller loin dans l'ouverture des données publiques. D'abord, la loi NOTRe a introduit le principe d'ouverture des données publiques par défaut, applicable immédiatement à toutes les collectivités territoriales. Puis, la loi Valter a interdit la vente des données produites par les administrations - à l'exception des établissements publics à caractère industriel et commercial, tels l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) ou Météo France, sous réserve que la redevance ne dépasse pas le coût marginal brut de la production et de la diffusion des données. Mon projet de loi, enfin, pose le principe plus large d'open data par défaut pour l'État et les services publics industriels et commerciaux, et introduit une mission de service public de la donnée.
Pour une meilleure articulation entre ces trois textes, les dispositions de la loi NOTRe ont été intégrées au présent projet de loi : les mêmes articles s'appliqueront aux collectivités territoriales, à l'État et aux établissements publics. Le seuil de 3 500 habitants est toutefois maintenu pour leur application aux collectivités, et nous ajoutons un seuil de 50 agents publics pour les administrations concernées. Enfin, ayant entendu les élus locaux, nous avons introduit un délai de deux ans, par réalisme. Pour accompagner les collectivités territoriales, nous publierons des guides de bonnes pratiques et développerons la formation - je souhaite mobiliser à cette fin les programmes d'investissements d'avenir.
Les entreprises françaises sont-elles pénalisées ? Les géants d'internet peuvent déjà acheter les données publiques. Débourser un million de dollars leur est facile. Ce l'est beaucoup moins pour nos start-up. Ce sont elles qui seront favorisées par l'open data. Puis, le critère d'application de notre droit est la domiciliation des consommateurs.
C'est l'article 43 qui répond aux problèmes rencontrés par les quelque 90 000 personnes malentendantes. Il concerne à la fois les services publics, les services clients des grandes entreprises et les opérateurs de téléphonie. Longuement consultées, les associations ont souligné que la plateforme devait couvrir les trois modes de communication : langue des signes française, langage parlé complété et transcription texte. Nous avons fixé une obligation de résultat et appelé à un partage équilibré des coûts. Aux États-Unis, une plateforme nationale unique de traduction est financée par une taxe sur les abonnements téléphoniques. Cette option aurait chez nous un coût annuel de 53 millions d'euros, ce qui est excessif. Les prestataires existants pourraient arguer qu'elle serait contraire au droit européen. Enfin, un tel système laisserait peu de place à l'innovation, qui foisonne : j'ai ainsi découvert hier une application traduisant en langage texte les « Emoji » !
Merci, madame Mélot, de l'implication de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication dans la préparation de ce texte. Vous avez évoqué le text and data mining (TDM) ou fouille de données, et la liberté de panorama. Le Gouvernement a été très allant sur la publication des écrits scientifiques sur internet, dès lors qu'il s'agit de recherche publique, financée par des fonds publics. Il a annoncé un accompagnement financier important des éditeurs. Tout le monde s'accorde à reconnaître l'utilité du TDM. Faut-il une loi ? Le Gouvernement considère que cela contreviendrait à la directive européenne sur les droits d'auteur, qui sera prochainement renégociée. D'où l'idée de privilégier la voie contractuelle. Une mission a été confiée à M. Charles Huot sur ce sujet.
Quant à la liberté de panorama, elle concerne le droit de photographier les monuments nationaux. La plupart des pays européens ont mis en place une exception au droit d'auteur : par exemple, photographier la tour Eiffel le soir n'est pas autorisé ! Il faut recueillir au préalable l'autorisation des ayants-droit.