Intervention de Sarah Rachi

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 24 mars 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture des outre-mer — Audition du syndicat du sucre de la réunion

Sarah Rachi, chargée de mission Affaires européennes et réglementaires du syndicat du sucre de La Réunion :

Dans l'état actuel des connaissances et compte tenu du coût de la main d'oeuvre, la production de canne biologique n'est envisageable ni à La Réunion ni en Guadeloupe. Des pays tels que l'Inde, le Paraguay, la Colombie et Cuba produisent du sucre bio, parce que les coûts de main d'oeuvre sont bien plus faibles ce qui permet notamment le désherbage manuel. Les DOM rencontrent aussi d'autres difficultés qui sont d'ordre technique et organisationnel.

L'itinéraire technique de production de la matière première représente une première difficulté. La canne à sucre s'inscrit dans une relation de complémentarité avec les autres filières agricoles. À La Réunion, la filière constitue le réceptacle des résidus de la filière animale, avec les effluents d'élevage. Or, l'élevage biologique est inexistant à La Réunion et il serait nécessaire de convertir toute l'agriculture réunionnaise au bio pour pouvoir produire de la canne biologique, tout en maintenant l'équilibre entre les filières. Il faudrait également préserver, voire augmenter la fertilité et l'activité biologiques des sols en utilisant les matières organiques des effluents d'élevage bio, mais les gisements ne sont pas assez significatifs pour réaliser cette conversion sur toutes les surfaces.

La deuxième contrainte technique a trait à l'enherbement. Aujourd'hui, il n'est pas possible de désherber sans herbicides, même si la filière cherche à diminuer leur utilisation. La canne souffre en effet de la concurrence des graminées qui foisonnent dans la zone tropicale, avec 210 espèces de mauvaises herbes à La Réunion. Un champ perd en moyenne entre 300 kg et 500 kg de canne à l'hectare par jour de retard de traitement herbicide après un mois de compétition, ce qui équivaut à une perte de 10 % après 15 jours de retard. Le désherbage manuel étant impossible, les productions bio sont conditionnées à la mise sur le marché d'herbicides bio efficaces. En parallèle, des équipes de chercheurs mènent des travaux pour maîtriser la concurrence des adventices grâce aux plantes de couverture et aux plantes intercalaires, ainsi que sur les façons de réduire l'usage des herbicides, en complément de la sélection variétale. Ces travaux n'ont toutefois pas encore permis de s'en dispenser.

S'il n'est pas possible d'envisager la production de canne biologique à l'échelle de l'île, qu'en est-il de la faisabilité du bio à une petite échelle ? Les soutiens industriels qui existent aujourd'hui à La Réunion et en Guadeloupe ne sont pas adaptés à de petits volumes. En moyenne, une distillerie réunionnaise broie 8 000 tonnes de canne par jour. Un planteur réunionnais livrant en moyenne 10 tonnes de canne par jour, il faudrait mobiliser huit cents planteurs pour lui permettre de tourner une journée. L'absence d'un outil industriel dédié nécessite donc de concentrer la production de sucre biologique, mais les planteurs n'accepteraient pas ce qui en résulterait sur l'organisation de la filière. La fertilisation organique, le désherbage manuel, la concentration de la production sur un temps limité engendrent de plus des baisses de rendement. À titre d'exemple, l'île Maurice a tenté l'expérience du bio dans les années 90. Un organisme de certification agronomique a suivi trois propriétés qui se sont converties au bio. Leur production maximale a atteint 558 tonnes, puis elle a été divisée par deux au bout d'un an, avant de chuter à 116 tonnes en 1998, ce qui a conduit à l'arrêt de la production. D'autres essais ont également été tentés à Marie-Galante, avec les mêmes résultats.

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