Depuis plusieurs années, la valorisation de la vinasse se pose comme une problématique insulaire d'économie circulaire. Trois distilleries s'inscrivent aujourd'hui dans la filière « canne, sucre, rhum et énergie » et la vinasse est caractérisée comme un effluent des distilleries. Nous avons lancé en 2001 une étude avec le CIRAD pour étudier comment les résidus de la distillerie pouvaient être apportés aux champs, la vinasse étant très riche en potasse. Cette étude a abouti à l'issue de la cinquième année sur un protocole d'épandage et elle a donné lieu à une publication au titre de la fertilisation organique à La Réunion.
Depuis 2005, la distillerie du Groupe Isautier produit 10 000 à 12 000 m3 de vinasse par an, les deux autres en produisant davantage. Ces modèles n'apportent toutefois pas de solutions adaptées et économiques à l'agriculture, malgré les partenariats d'étude qui ont été conclus, par exemple, en Afrique du Sud. Une distillerie sud-africaine à Durban développe en effet une pratique qui serait très pertinente pour notre territoire, à savoir un procédé d'énorme concentration. Cette vinasse concentrée est ensuite épandue dans les champs de canne à sucre sur 120 000 hectares comme élément fertilisant. Elle pourrait être utilisée dans toutes les productions agricoles qui ont un besoin majeur de potasse comme les bananes ou l'ananas, mais également dans les circuits d'irrigation en plein champ et surtout sous les serres.
Les pratiques de l'OCDE faisant l'objet d'une grande vigilance de la part de la CIRAD, la validation du procédé est encore en cours. À partir de janvier 2017, la distillerie d'Isautier lancera la mise en oeuvre d'une évapoconcentration pour obtenir une vinasse concentrée, stabilisée et conservant sa teneur en potasse. Nous souhaitons également faire reconnaître ce procédé en norme française, sur la base de l'étude du CIRAD. Bien que cette démarche s'inscrive dans l'économie circulaire, que le produit ait fait l'objet d'une étude vérifiée et que ce modèle soit vertueux pour nos îles, il est troublant de constater que la durée de reconnaissance de la norme NF s'élève à huit mois. Une autre distillerie, la plus importante de l'île, s'est en parallèle lancée sous la pression de la réglementation dans la mise en oeuvre de méthanisation, ce qui suppose un certain volume et une certaine durée de production dans l'année. Elle tentera de faire reconnaître les résidus post-méthanisation comme des engrais.
Je souhaite témoigner d'une difficulté liée à la mise en oeuvre des reconnaissances dans des délais adaptés à nos économies et aux enjeux de nos filières. Les temps nécessaires à l'obtention des normes sont en décalage avec ce qui se pratique aujourd'hui dans d'autres pays, ce qui fait peser une pression sur l'industrie qui suit l'effort de la filière qui est de nature à déstabiliser celle-ci.