Intervention de Christian Cambon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h32
Rapprochement entre l'agence française de développement et le groupe caisse des dépôts et consignations — Audition de M. Rémy Rioux secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères en charge des affaires économiques

Photo de Christian CambonChristian Cambon :

En tant qu'ancien rapporteur du budget du développement et ancien administrateur de l'AFD, je comprends la décision du Gouvernement et du Président de la République, car nous n'avons cessé d'être confrontés à la problématique des fonds propres.

Toute la pertinence et l'efficacité de l'AFD reposaient pour une bonne part sur les moyens financiers qui étaient à sa disposition, sachant que ceux-ci diminuaient d'année en année.

Cela étant, les interrogations ont toujours porté sur le fait de savoir si l'AFD constituait une banque de développement ou le bras séculier de l'État destiné à aider les pays plus pauvres. Or, il apparaît clairement que la part des dons se contracte. Les chiffres évoqués par Mme Conway-Mouret le confirment : 370 millions d'euros de dons supplémentaires divisés par dix-sept pays pauvres représentent 20 millions d'euros de plus par pays, soit moins que le budget de la ville du Val-de-Marne que j'administre, et qui ne compte que 18 000 habitants.

Quel va donc être à terme l'impact, sur un terrain ou nous sommes très attendus, d'une CDC dont ce n'est pas le métier ?

Vu de Paris, les raisonnements tiennent. Sur place, les agents de l'AFD travaillent de manière totalement indépendante, sont animés par une volonté magnifique en matière d'aide au développement. Je pense donc qu'il va être très difficile de mixer les effectifs pour leur faire acquérir cette culture, la CDC étant par exemple peu habituée aux dons. Je fais appel aux élus locaux ici présents : il est assez rare de la voir se manifester sous cette forme !

Cet élément démontre qu'il existe deux cultures différentes ainsi qu'une différence sémantique. On parle au départ d'adossement ; cela peut se comprendre : on peut être adossé à de grands organismes internationaux, au Fonds européen de développement, etc., pour trouver des financements. En l'espèce, j'ai l'impression que, petit à petit, on va beaucoup plus, ainsi que certains de vos termes le laissent accroire, vers une intégration de l'AFD au sein de la CDC, quelles que soient les précautions oratoires que l'on prend en matière de gouvernance.

Sur le terrain, pour l'avoir vu dans plusieurs pays, je puis vous dire que les choses ne se passeront pas aussi bien qu'on l'imagine. Nous avons connu la même chose avec Pôle emploi : les agences de l'emploi et les Urssaf remplissaient le même rôle, mais ne pratiquaient pas de la même façon. Or, dans ce cas précis, la CDC ne fait pas du tout le même métier que l'AFD.

Les expériences étrangères montrent que bon nombre de pays se sont inspirés de l'expérience de l'AFD qui, à elle seule, cumulait la fonction de banque de développement et la fonction d'aide aux pays en voie de développement. Je connais les orientations du ministre et votre parcours. Vous êtes au coeur de la diplomatie économique développée par Laurent Fabius, et je ne suis pas contre le fait que les aides distribuées par la France permettent aux entreprises françaises de conquérir de nouveaux marchés. On ne va pas recommencer ici le débat sur l'aide liée ou déliée, mais c'est un élément qu'il faut prendre en compte.

En revanche, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat a, depuis des années, montré un intérêt très fort pour l'aide aux pays les plus pauvres, ceux auxquels les prêts ne sont pas destinés pour la simple raison qu'ils ne peuvent les rembourser. Ces pays attendent de la France une aide plus substantielle ; malheureusement, sur le terrain, la France est peu à peu remplacée par la Chine ou par d'autres pays qui interviennent sous forme de dons, et qui ont donc, en termes d'influence, remplacé la France.

Comment allez-vous sortir de cette contradiction ? La présentation quelque peu « lénifiante », si vous me permettez cette expression, que vous offrez de Paris ne correspond pas à la réalité sur le terrain, et n'est pas vécue comme telle par nos interlocuteurs !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion