Intervention de Rémy Rioux

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h32
Rapprochement entre l'agence française de développement et le groupe caisse des dépôts et consignations — Audition de M. Rémy Rioux secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères en charge des affaires économiques

Rémy Rioux, secrétaire général adjoint du ministère des affaires étrangères en charge des affaires économiques :

Vous avez, monsieur le président, fait un parallèle avec l'albatros : oui, ce nouvel agenda est extrêmement vaste.

Il va falloir choisir et fixer des priorités. Vous l'avez fait, pour certaines, par la loi ; elles sont cohérentes, mais il va falloir se concentrer sur cet élargissement de l'agenda du développement.

L'idée est de créer un instrument plus disponible. Certaines choses pourront naître d'ici quelques années, à mesure que cet agenda se réalisera dans ses différentes dimensions, qui sont pour l'instant en partie inconnues. L'idée est donc de faire bouger les choses afin de ne pas laisser l'AFD toute seule.

J'ai parlé d'un écosystème : il s'agit de placer l'AFD dans un nouvel ensemble où il sera possible de développer des liens, des programmes, des actions et des projets qui n'existent pas afin de servir cet agenda. On verra si l'albatros décolle. Je l'espère...

Beaucoup de questions ont été posées à propos de la gouvernance.

J'ai entendu les ministres que j'ai servis naguère évoquer la volonté de préserver avec soin l'identité de l'AFD, sa marque, sa présence si patiemment construite. C'est un premier message.

J'ai également entendu la commission des finances envoyer un message d'intérêt concernant la puissance financière que ce nouvel instrument pourrait libérer.

J'ai dit qu'il fallait mettre l'AFD à la bonne place ; ce sera votre travail. Il faut à la fois maintenir un endroit clairement identifié, avec un bilan, des compétences, une organisation, mais aussi une forme morale, et faire en sorte que les synergies avec la CDC puissent se développer, et que des liens financiers se mettent en place pour donner plus de moyens à la politique de développement.

La proposition qui vous est faite et qui sera présentée par le Gouvernement est bien de garder l'établissement public que constitue l'AFD, d'en renforcer les moyens, et de le placer par la loi dans le groupe CDC. C'est quelque chose que seul le législateur peut faire. Il l'a fait avec le groupe ferroviaire, je l'ai mentionné. Il doit créer par la loi les liens indispensables pour développer des synergies telles que j'ai essayé de les imaginer dans mon rapport, et telles qu'elles se développeront sans doute à l'avenir, bien au-delà.

Il s'agit d'un aspect des choses très spécifique, qui ne figure pas dans le droit des sociétés classiques, et qui suppose une intervention du législateur. On gardera un conseil d'administration de l'AFD, avec présence de parlementaires. La loi pourra préciser certains points. Le décret statutaire devra tirer les conséquences de la réforme, mais je pense qu'il y aurait un grand paradoxe à vouloir rapprocher l'AFD de la CDC et à voir la place du Parlement dans l'AFD se réduire. Cela n'a évidemment aucun sens !

La place du Parlement dans l'AFD est déjà forte, et les parlementaires peuvent donc apporter leur part à la politique de développement.

J'ai également mentionné dans mon rapport l'idée que les collectivités locales, en tant que telles, et leurs associations, puissent trouver la même place que les ONG dans la gouvernance de l'AFD, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas. Il va donc falloir, compte tenu de la discussion que vous aurez, tirer les conséquences de tout ceci au niveau réglementaire.

Pour ce qui est de la question des fonds propres et de la régulation - je parle sous le contrôle de M. Vincent en particulier - la CDC est déjà un « animal » financier un peu particulier.

L'idée a été évoquée, au titre de piste de travail, de créer une nouvelle section de la CDC - une troisième section. Évidemment, la CDC est très attentive au fait qu'il existe une étanchéité. Celle-ci existe déjà entre les fonds d'épargne et la section générale au sein du bilan de la CDC. On ne trouve d'ailleurs à ce jour aucune consolidation de ces deux bilans.

Quels que soient les cas, la démarche politique ne consistera pas à faire en sorte que l'épargne populaire serve à abonder le bilan de l'AFD.

L'étanchéité consiste donc à conserver des bilans nettement identifiés, avec des missions et des capacités propres, regroupés dans un ensemble, en conservant à la CDC le rôle qu'elle détient aujourd'hui vis-à-vis de l'établissement public mais aussi, périodiquement, vis-à-vis des filiales. Il faudra donc imaginer une façon de rendre des comptes devant la commission de surveillance de la CDC.

S'agissant de la capacité financière de l'AFD elle-même, madame Keller, le choix a été fait au terme des travaux de ne pas solliciter la CDC. On la sollicite en matière de métiers, de nouveaux instruments, plutôt que pour une opération de « sauvetage » de l'AFD, ce qui n'est pas l'objectif, notamment parce que l'État a pris la décision de renforcer l'image des fonds propres de façon très forte.

Mon rapport fournit de façon très transparente tous les chiffres et les éléments qui pourraient contribuer au renforcement du bilan de l'AFD. Deux opérations pourront être réalisées cette année ; elles auront pour effet de le passer d'un peu moins de 3 milliards d'euros à 6 milliards d'euros, ce qui aura en particulier un effet sur le ratio des grands risques et la solvabilité de l'AFD dans son ensemble.

D'autres éléments de restructuration sont encore possibles. Comme vous l'avez indiqué, la volonté du Gouvernement est de revenir sur la politique de redistribution des résultats de l'AFD. J'ai suivi les choses, lorsque j'étais administrateur de l'AFD, depuis la direction du Trésor. Je vois donc beaucoup de vertus au fait de verser un dividende à son actionnaire. C'est un élément de discipline important pour la gestion la gestion et le suivi des risques. J'étais chef de bureau lorsqu'on a pris un premier dividende à l'AFD au début des années 2000 ; à l'époque, le taux de distribution qui avait été décidé était de 20 %. Progressivement, on est monté jusqu'à 100 % du résultat.

Les calculs qui ont été faits ici se fondent sur un taux de distribution plutôt modéré. Il reviendra ensuite à l'État, sous votre contrôle, d'en assurer un suivi régulier pendant une longue durée.

Concernant le cadre prudentiel, les choses se font sous le contrôle du régulateur, autorité indépendante. La proposition qui figure dans mon rapport consiste à reconnaître que l'AFD n'a probablement pas toutes les caractéristiques d'un établissement de crédit. Elle ne gère notamment pas les fonds des particuliers. Ce cadre juridique est donc peut-être inadapté à l'objet financier qu'est l'AFD. Il convient alors d'utiliser ce qui a été prévu dans la loi de 2013 et d'utiliser le statut de société de financement créé par le législateur, qui permet de revenir à une régulation par l'ACPR, qui constitue peut-être un régulateur plus proche, tout en conservant un cadre prudentiel de droit commun. On ne serait donc pas, avec cette proposition, sur un cadre ad hoc défini par la commission de surveillance de la CDC, comme c'est le cas des fonds d'épargne.

Pour ce qui est de la responsabilité financière de l'État, l'idée est de garder ce principe à l'avenir.

Certains d'entre vous ont insisté sur les dons. La politique de développement les rend nécessaires, je l'ai dit. L'érosion de ces enveloppes s'est faite progressivement, loi de finances après loi de finances. Vous avez souvent eu un débat entre aide multilatérale et aide bilatérale ; quelles sont les bonnes pondérations, comment articuler les outils bilatéraux avec les outils multilatéraux ? J'ai fait quelques propositions à ce sujet dans mon rapport, en essayant notamment de généraliser le mécanisme du Fonds mondial, où une partie de l'enveloppe est gérée à titre bilatéral.

J'ai constaté que cette réforme a ouvert un espace pour la politique de développement et de solidarité dont vous vous êtes saisis. Il existe un delta de 256 millions d'euros entre le projet de loi de finances tel qu'il a été présenté fin septembre et ce qui a été voté. Je le vois comme une inflexion significative qu'il faudra confirmer, l'ambition étant d'augmenter ces enveloppes de dons de 400 millions d'euros. La décision en reviendra au Parlement.

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