Intervention de Ali Ahani

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 20 janvier 2016 à 9h32
Audition de s.e M. Ali Ahani ambassadeur de la république islamique d'iran

Ali Ahani, ambassadeur de la République islamique d'Iran :

Merci de cette appréciation. Je dois dire que c'est un choc pour tout le monde : cette mesure va à l'encontre des lois internationales et de la liberté des échanges entre les pays. Il est évident que cela peut dissuader les entreprises françaises et européennes de se rendre en Iran. Une conférence universitaire sur le cancer est ainsi prévue en Iran à l'initiative de l'Institut Pierre et Marie Curie, dans quelques semaines. Six universitaires ont été invités ; quatre d'entre eux ont renoncé ! Il faut donc faire quelque chose. Je l'ai évoqué auprès du Quai d'Orsay, parce qu'il faut que les autres pays membres de l'Union européenne fassent aussi un effort. Il faut faire annuler cette décision.

Quant aux droits de l'homme et à la démocratie, laissez-moi vous raconter une petite anecdote... Fin 1989, début 1990, jeune ambassadeur, j'allais chaque mois à Strasbourg pour rencontrer les parlementaires européens - car je suis convaincu qu'il faut renforcer le dialogue et le lien avec les instances européennes. Tous les mois, une, voire plusieurs résolutions contre l'Iran étaient déposées et la plupart ont été coparrainées par Claude Cheysson, ancien ministre des affaires étrangères socialiste, député européen, concernant les droits de l'homme, les droits des enfants, les exécutions, le nucléaire, etc. Au cours d'un entretien à Paris avec lui, je lui avais demandé si la situation des droits de l'homme en Iran était pire que celle qui existait en Arabie saoudite, au Koweït, dans les Émirats arabes unis, ou en Irak à l'époque de Saddam Hussein. Il m'avait répondu par la négative. Je l'avais alors questionné sur les raisons pour lesquelles il coparrainait sans cesse des résolutions contre l'Iran, mais jamais contre ces pays où la situation des droits de l'homme était pire. Il m'avait répondu : « ces pays obéissent à nos conseils, contrairement à l'Iran » ! Je lui ai répondu : « j'ai bien reçu le message, nous sommes fiers de notre indépendance bien que nous croyons en la promotion des droits de l'homme ».

J'ai revu Claude Cheysson bien après, alors qu'il n'avait plus de mandat, au cours d'une visite qu'il effectuait en Iran avec sa famille, alors que j'étais vice-ministre. Je les avais invités à dîner et lui avais demandé comment il voyait, à présent, les choses. Il m'avait avoué regretter d'être venu si tard en Iran, car ce qu'il y avait vu n'était pas conforme à ce qu'on lui avait dit.

Deux ou trois ans après, au cours de ma deuxième mission en France, invité à la Sorbonne à une conférence du CNRS pour la présentation d'un livre sur les six cents ans de relations entre l'Iran et la France, édité par le CNRS, j'ai raconté cette histoire et Jean-Pierre Masset, ancien ambassadeur de France en Iran, aujourd'hui décédé, a raconté qu'en raccompagnant Claude Cheysson après notre rencontre à Téhéran, celui-ci lui avait dit que s'il était venu en Iran avant, il n'aurait jamais pris la position qu'il avait prise à l'égard de Saddam Hussein pendant la guerre contre l'Iran !

Regardez ce qui passe actuellement en Arabie saoudite, pays allié de la France, pourtant berceau de la démocratie et des droits de l'homme ! De quel poids ce sujet pèse-t-il dans votre relation avec l'Arabie saoudite ?

C'est vrai, nous connaissons un nombre élevé d'exécutions, mais les décapitations sont courantes en Arabie saoudite !

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