Pour répondre sur les conditions de déploiement et d'hébergement des troupes affectées au dispositif Sentinelle, à Paris, l'articulation des moyens relève directement du préfet de police. Dans les régions, elle revient aux préfets et sous-préfets.
Sur les conditions de coopération et de communication avec la communauté juive, il me semble qu'après un traitement en urgence d'une situation qui nécessitait des mesures de réassurance, le dialogue qui s'est instauré depuis un an doit permettre de rechercher et mettre en place des réponses adaptées et pérennes.
Dans le domaine de l'intervention des forces armées sur le territoire national, comme dans d'autres d'ailleurs, l'information des maires est effectivement essentielle et relève, une fois encore, de la compétence des préfets. Il me semble qu'une information la plus rapide possible doit être envisagée.
Je vous rappelle que près de 85 % des militaires engagés dans l'opération Sentinelle sont hébergés sur des sites appartenant au ministère de la défense, des emprises militaires qui ont été aménagées en urgence pour répondre au besoin. Je pense notamment au Fort de Vincennes, que vous irez prochainement visiter, mais aussi à l'îlot Saint-Germain dans lequel des travaux, certes limités, furent néanmoins rapidement réalisés après le déménagement à Balard. Les 10 à 15 % de sites restants relèvent des collectivités territoriales qui font des efforts substantiels pour accueillir convenablement les troupes. Une question annexe est néanmoins à considérer. Elle concerne les aires de repos où les troupes effectuent la relève et prennent une pause repas. Ces sites et ces locaux sont au plus près du terrain et ne sont donc pas tous d'un niveau de confort satisfaisant. Certains pelotons sont bien lotis, d'autres bénéficient à peine des conditions minimum leur permettant d'effectuer correctement ces temps de repos. C'est un sujet qui doit être creusé dans la mesure où l'opération Sentinelle s'inscrit dans le temps long.
Concernant la question de l'usure, c'est-à-dire de la durée et de la répétition des rotations des effectifs dans le dispositif de sécurisation du territoire, je rencontre comme vous des militaires qui ont parfois effectué cinq à six missions Sentinelle cette année. Ce rythme n'est pas compatible avec une action qui s'inscrit dans la durée. Le desserrement de ces contraintes ne pourra cependant intervenir qu'avec le recrutement des nouveaux effectifs, perspective qui s'inscrit dans le temps moyen, ce qui nous interdit d'espérer une amélioration immédiate de la situation. L'opération Sentinelle a requis 40 à 50 % du temps de certaines unités en 2015. C'est sans doute trop, mais un meilleur équilibre devrait être possible grâce à l'arrêt prévu de la déflation des effectifs. Dans cette attente, il est important que vous visitiez les lieux d'hébergement des militaires affectés à cette tâche et que vous fassiez remonter vos remarques vers les autorités civiles et militaires. Il est certain que les militaires sont habitués à une certaine rusticité de leurs conditions de vie, il ne faut cependant pas que ce dispositif pérennise des sujétions injustifiables ou des modes de vie très dégradés par rapport à ceux que connaissent les policiers des CRS ou les gendarmes mobiles déployés dans des conditions comparables. Les responsables militaires et ministériels prêtent une réelle attention à ces sujets.
S'agissant des questions relatives aux règles d'ouverture du feu, sujet qui a été très étudié, vous aurez à en débattre lors de la discussion de l'article 20 du projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale actuellement en cours d'élaboration à la chancellerie qui, à ce jour, traite des conditions de mise en oeuvre de la responsabilité pénale des militaires plus que des règles d'engagement. Dans ce domaine, il convient de ne pas ébranler les principes qui fondent l'action des militaires. Nous ne sommes pas une société de libre circulation des armes à feu comparable à la société américaine. Certaines évolutions ne semblent donc pas envisageables. L'usage du feu, d'une arme létale, doit rester encadré par des conditions de précaution, de prudence et de vigilance. Ce débat doit cependant avoir toute sa place au Parlement. Un équilibre doit effectivement être trouvé entre, d'une part, une définition plus stricte de la mission des forces armées dans le cadre d'un dialogue entre les autorités civiles et militaires, d'autre part, les règles d'engagement fixées par les autorités militaires selon le principe de commandement et, enfin, l'encadrement juridique qui doit prévoir, dans certaines situations d'urgence, une harmonisation des modalités de mise en cause de la responsabilité pénale des policiers, des gendarmes et des militaires. En effet, la légitime défense est une question d'appréciation des circonstances et de jurisprudence, et l'évolution de la loi dans ce domaine doit toujours être « pesée au trébuchet ». Il ne paraît cependant pas acceptable que des différences existent dans ce domaine entre les gendarmes, les militaires des armées et les forces civiles lorsqu'ils participent ensemble à la même mission -à la suite d'un attentat par exemple- et qu'ils sont confrontés à la même situation de nécessité absolue.
Au sujet de l'écart entre le nombre de théâtres d'opérations prévus par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale et ceux actuellement ouverts, je ne conteste par le décompte de M. Claude Malhuret. Il a raison, mais il est évident que le niveau d'engagement et de disponibilité des forces diffère entre les différents théâtres. Les actions poursuivies au Liban ne sont pas celles menées dans le cadre de l'opération Barkhane. Il me semble que les trois théâtres opérationnels évoqués par le livre blanc doivent être entendus comme des théâtres où la France est nation-cadre ou alors intervient de façon exclusive. Pour la première fois, nous comptons aujourd'hui presque autant de forces en OPEX que de forces en fonction sur le territoire national. Cette charge est lourde pour nos armées et implique probablement des choix en matière de relève ou de déploiements. Le début d'année est le moment du réexamen de nos engagements. En République centrafricaine, la situation semble s'améliorer et pourrait conduire à une réduction des effectifs. La répartition des hommes entre théâtres d'OPEX, forces de souveraineté et forces prépositionnées pourrait par ailleurs évoluer, étant précisé que les théâtres essentiels pour la France sont le Levant et la bande sahélo-saharienne.
S'agissant du nombre de journées de préparation opérationnelle, leur baisse a été constatée en raison d'une certaine surchauffe des activités en 2015. L'objectif des autorités politiques et militaires est bien entendu de retrouver un niveau proche des 90 jours par an.
Concernant la réserve, évoquée par nombre d'entre vous, le ministre de la défense doit intervenir sur ce sujet très prochainement. Son département, qui travaille depuis plus d'un an à la revue des forces de la réserve, abandonne progressivement une « vision parcimonieuse de la réserve » qui assimilait cette dernière à un risque de « détournement » des crédits et des moyens humains pour assurer l'équipement, la formation et l'encadrement des réservistes. Aujourd'hui, face à l'accumulation des défis, la réserve apparaît plutôt comme une solution particulièrement intéressante permettant de gagner en flexibilité, ce qui va à l'encontre du choix longtemps établi de ne maintenir qu'une « réserve utile », étroitement définie et conçue seulement comme un vivier étroit de compétences indispensables pouvant être mobilisé en cas d'urgence. S'ajoute à ce premier point, et cette notion a été évoquée de façon large dans le spectre de vos questions, la question de la réserve de sécurité nationale prévue dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. La mission qui pourrait lui être assignée va au-delà du programme Sentinelle et correspond à la nécessité de développer une logique de protection large du territoire, notamment celle des sites Seveso que j'évoquais précédemment. Il est donc certain qu'il faut réouvrir un grand chantier de réflexion sur ce thème et revenir au rapport publié par votre commission il y a quelques années.
S'agissant enfin du renseignement, le retour d'expérience après les attentats de janvier a donné lieu à une remise à plat de l'organisation des différentes forces de renseignements qui permet aujourd'hui une coordination satisfaisante. La loi sur le renseignement vient néanmoins d'être votée, les textes d'application viennent d'être pris et il faudra donc quelque temps pour pouvoir en évaluer l'impact. Des failles existent par ailleurs dans le système de coordination européenne. Les attentats ont ainsi mis au jour la nécessité de mieux alimenter les bases de données et les fiches de signalement au sein de l'espace européen. Mais ils ont également permis de débloquer les discussions jusqu'alors enrayées sur les données des dossiers passagers ou PNR (Passenger Name Record). Je vous rappelle enfin que le budget de la mission Défense prévoit la création de 1 000 emplois supplémentaires dans le domaine du renseignement dans le cadre de la réévaluation de la loi de programmation militaire.
De fait, il est indispensable de réinvestir dans le renseignement de proximité. Il y a un paradoxe à voir la sophistication des moyens de nos services et leur capacité à recouper du renseignement via des collaborations internationales et, en même temps, le fait que certains signaux faibles n'aient pas été captés suffisamment tôt sur notre territoire. Par ailleurs, depuis 2005-2008, les services de renseignement ont appris à coopérer étroitement au sein de la communauté du renseignement, mais les services du « second cercle », tels le renseignement pénitentiaire ou la gendarmerie, ont moins bénéficié de cette nouvelle articulation. Il faut également être attentif au fait que les données recueillies sont parfois utilisées dans des procédures judiciaires.
Concernant enfin la question des avantages fiscaux, il n'en existe pas de particulier pour les militaires sur le territoire national.