Intervention de Claude Malhuret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 janvier 2016 à 9h35
Situation au moyen-orient — Audition de M. Henry Laurens professeur au collège de france chaire histoire contemporaine du monde arabe

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

On a beaucoup de raisons d'alimenter les motifs de désespoir. Je voudrais, quant à moi, soulever d'éventuels motifs d'espoir. Vous avez rappelé avec beaucoup de pertinence la tradition interventionniste dans la région. Elle est tellement développée, aujourd'hui, que le monde entier est en train d'intervenir autour du conflit en Irak et au-delà, depuis les États-Unis jusqu'à la Russie. Les guerres, même la guerre de Trente Ans, que vous avez cité en exemple, finissent par se terminer un jour ; en général, elles s'achèvent avec les diplomates. On est aujourd'hui dans une situation où on sent un frémissement et, pour la première fois, un retour de la diplomatie pour différentes raisons. Vous en avez évoqué certaines, et vous avez tout à fait raison...

En premier lieu, tous les protagonistes s'aperçoivent désormais que la solution qu'ils privilégient ne sera pas adoptée, et qu'il va falloir accepter des compromis. Les Occidentaux, par exemple, voient bien qu'ils soutiennent des rebelles qui, au départ, étaient issus des printemps arabes, et qu'ils sont aujourd'hui en recul par rapport à l'intervention russe, ou qu'ils se radicalisent de plus en plus, ce qui pose un problème pour la gouvernance future. Les Russes et les Iraniens comprennent qu'ils tentent de maintenir à grands frais le régime de Bachar el-Assad, mais que c'est chose impossible.

En second lieu, avec un prix du pétrole divisé par trois, les belligérants locaux n'ont plus les moyens de s'équiper. L'Arabie saoudite a un budget en déficit de 30 % pour la première fois de son histoire, les Russes n'ont plus les moyens de continuer longtemps ce qu'ils sont en train de faire. Ils montrent encore leurs muscles et soutiennent le régime, mais cela ne va pas pouvoir durer longtemps.

Tout le monde est donc en train d'admettre, localement ou internationalement, qu'il va falloir dialoguer. J'en vois, personnellement, les signes.

Je me permets d'avoir une légère divergence de vue avec votre analyse sur le trop grand interventionnisme de George W. Bush et le peu d'interventionnisme de M. Obama. C'est une histoire en trois phases. La première s'est caractérisée par un trop fort interventionnisme de George W. Bush - encore que, sur l'Afghanistan, on peut se demander ce qui se serait passé s'il n'avait pas agi. Le pays aurait été un véritable vivier pour les talibans et à Al-Qaïda. Certes, le président Obama a pratiqué le pull-back, à la suite des échecs en Afghanistan et en Irak. Toutefois, depuis, quelques mois, John Kerry est partout, et l'on assiste à un retour de la diplomatie américaine. D'où l'accord sur l'Iran, qui n'était pas gagné. Vous l'interprétez en estimant que ceci a relancé l'antagonisme entre l'Iran et l'Arabie saoudite, mais cela a en même temps permis la conférence de Vienne...

Même si cette histoire entre l'Arabie saoudite et l'Iran a pu, à un autre moment, se dérouler de façon très conflictuelle, le prince Salmane a bien dit que l'Arabie saoudite n'allait pas faire la guerre à l'Iran à cause de ce qui se passe en ce moment, quelle que soit la violence verbale en cours.

Ma question est la suivante : il faudra en venir un jour ou l'autre à la diplomatie. Malgré toutes les difficultés, n'est-on pas en train d'arriver à cette phase ? Y a-t-il là un motif d'espoir ou pensez-vous qu'il va encore falloir attendre des années pour y parvenir ? Je vois quant à moi quelques perspectives s'ouvrir en matière diplomatique...

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