Intervention de Jean-Yves Forel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2016 à 9h10
Évolutions de la banque de détail — Auditions

Jean-Yves Forel, directeur général de BPCE :

Le groupe Banque populaire-Caisse d'Épargne, créé en 2009, représente deux des grands réseaux de banque de proximité.

La situation de la banque de proximité, en France, se trouve devant trois défis.

Le premier défi concerne la situation macroéconomique et les taux, qui sont extrêmement bas, où l'écart entre les taux courts et longs n'a jamais été aussi faible. Ceci pose une question importante sur le modèle économique de la banque de proximité, dont le métier est de faire de l'intermédiation, c'est-à-dire de collecter l'épargne, qu'elle rémunère et prête ensuite aux investisseurs, particuliers, professionnels ou entreprises.

À ce stade, j'appelle votre attention sur le fait que, contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres pays, les banques françaises ont continué à soutenir l'économie réelle, et que les encours de crédits ont progressé.

Néanmoins, la banque de proximité, en France, est soumise à une difficulté particulière, les crédits immobiliers représentant une grande partie des crédits à nos bilans. En France, ces crédits immobiliers sont à taux fixe, mais révisable à la baisse, la concurrence et les consommateurs ayant profité de ce mouvement régulier de baisse des taux que nous connaissons depuis plusieurs années pour renégocier leur crédit très régulièrement, à des taux plus favorables, ce qui a abaissé le rendement au-delà du fait que les nouveaux crédits se font à des taux très bas.

Dans le même temps, dans les bilans de la banque de proximité en France, une grande partie des ressources est réglementée - livrets, plans d'épargne logement - et il faut bien reconnaître que l'évolution du coût de ces ressources n'a pas suivi le même trend, pour des raisons que vous connaissez, que celui imposé par le marché.

La compression de la marge d'intermédiation, c'est-à-dire l'écart entre le rendement des crédits et le coût de la collecte, qui met nos revenus sous pression, est donc extrêmement rapide et très significatif.

Le deuxième défi, que je qualifierais de réglementaire, comporte deux dimensions.

Depuis de nombreuses années, toute une série de réglementations ont encadré et limité les possibilités, pour la banque de proximité, de faire payer le service à son juste prix, incitant d'ailleurs à faire des péréquations entre l'activité d'intermédiation et les activités de services. Il s'est notamment agi des réglementations sur les frais d'incident. Certaines réglementations ont également pu nous imposer des dispositifs, qu'ils soient destinés à tel ou tel type de clientèle ou de situation. Ces dispositifs ont généralement des coûts très significatifs, alors même qu'ils ont parfois rencontré peu de succès auprès des publics auxquels ils étaient initialement destinés.

Le deuxième impact réglementaire est plus générique : il concerne la banque de proximité, mais aussi l'ensemble des activités financières. Il s'agit de l'alourdissement des exigences en fonds propres, des réglementations et des coûts de supervision et de résolution au niveau européen.

Ce deuxième défi a tendance à alourdir nos charges et à ne pas faciliter notre action par rapport à notre troisième défi, qui est pour moi le plus important, celui de l'évolution des comportements de nos clients.

Que veulent nos clients ? Ils veulent être plus autonomes, avoir accès à des produits plus simples, à des tarifications plus compréhensibles, et pouvoir interagir de la manière dont ils le souhaitent.

C'est un mouvement qui ne concerne pas que la banque, mais beaucoup de secteurs économiques. La banque de proximité se doit évidemment d'y répondre car, pour toute entreprise, il faut s'intéresser à ce que souhaitent les clients et leur apporter satisfaction.

Cela nécessite des investissements extrêmement significatifs et une redéfinition du modèle de relations que nous avons avec l'ensemble de nos clients.

Nos clients veulent à la fois de l'autonomie, de la simplicité, mais aussi parfois avoir recours à un conseiller. Ceci peut se produire de manière impromptue - besoin d'investissement, rentrée d'argent inattendue. Il faut donc que nous sachions allier à la fois l'autonomie exigée par les clients et la présence du conseiller, même si celle-ci est très différente de celle que l'on constatait par le passé. Le conseiller aura lui aussi accès à des outils d'analyse, afin de mieux définir les attentes du client et les réponses que nous pouvons lui apporter.

C'est le troisième défi que connaît la banque de proximité, dans lequel nous sommes engagés.

Du fait des conditions et de la situation économique et de la politique monétaire conduite aux niveaux européen et mondial, la pression sur nos revenus va continuer à s'exercer sans doute quelques années.

L'évolution des comportements des clients va se poursuivre. D'ores et déjà, 20 % à 25 % de nos clients sont des utilisateurs très réguliers de l'ensemble des outils digitaux. Cette part de notre clientèle enregistre un taux de progression, en 2015, de l'ordre de 15 % à 20 %. Ce mouvement va continuer et nécessitera de poursuivre les investissements.

Je ne peux qu'appeler votre attention sur le poids de la réglementation. Je pense en effet que la banque de proximité et la présence des conseillers dans des territoires constituent un enjeu extrêmement important en termes d'aménagements du territoire, de sociabilisation et de développement économique. Il ne faut pas uniquement considérer les concentrations urbaines. Comme cela a été rappelé par Sébastien Declercq, cette adaptation, qui portera forcément sur les coûts, ne doit pas entraîner une disparition trop massive de la présence des conseillers, que les clients plébiscitent - toutes les études le démontrent - mais pour lesquels il faut évidemment que le modèle économique, et notamment le service rendu, puisse être facturé au juste prix.

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