Les banques de proximité n'ont-elles pas créé leur propre concurrence ? Je ne crois pas que l'on puisse présenter la situation de cette manière. Il existe tout un ensemble d'opérations que, par le passé, le client, par obligation et non par plaisir, devait réaliser en agence et qui peuvent aujourd'hui être totalement automatisées, ce qui est plus pratique. Pourquoi se rendre dans une agence pour effectuer un virement ou un retrait automatique, alors qu'on peut utiliser un distributeur, souvent très facile d'accès ?
Pour autant, toutes les banques n'ont pas développé de centres d'appel. Cependant, depuis quatre ou cinq ans, la nature des contacts a évolué de manière extrêmement significative : il est en effet plus facile de téléphoner ou d'envoyer un courrier électronique. Aujourd'hui, un client considère qu'un courrier électronique qui n'a pas obtenu de réponse en quatre heures, ou qu'un appel téléphonique qui n'a pu être suivi d'un rappel en moins de huit heures, traduisent une difficulté.
Cette évolution n'est pas propre à la banque. Elle concerne tous les secteurs, et révèle une évolution du comportement de l'ensemble de nos concitoyens.
Tous ces efforts ont eu pour but de rendre plus opérationnelle et plus pratique la gestion du flux de ces contacts téléphoniques ou électroniques, qui n'a cessé de croître.
Pour notre part, nous avons décidé, il y a trois ou quatre ans, de supprimer les centres d'appel et de communiquer à nos clients le numéro de ligne directe de nos conseillers. Je ne crois pas que ceci suffise à expliquer qu'on se rende moins dans une agence, au motif qu'il existe un ensemble d'opérations très faciles à réaliser. Les banques, en la matière, ont soutenu une évolution bien naturelle réclamée par les consommateurs.
Pour ce qui est des distributeurs de billets, leur nombre est bien plus significatif en France que dans les autres pays, alors même - et je crois qu'il faut s'en féliciter - que l'usage de la monnaie fiduciaire diminue. Vraisemblablement, le développement de certains dispositifs de paiement, notamment le dispositif sans contact, qui permet de régler facilement de petits montants, va encore réduire l'usage de la monnaie fiduciaire.
Le mouvement a déjà largement été entamé et va se poursuivre. Il va donc y avoir moins de distributeurs de billets en France. Ce sont ceux qui, à travers le monde, enregistrent le moins de retraits par appareil, tout simplement parce qu'il y en a trop.
Qui sont les concurrents ? Ils sont divers. Il existe une concurrence très importante entre tous les acteurs présents, qu'il s'agisse des banques classiques, directes, ou des nouveaux acteurs, en matière de paiement, de gestion de l'épargne, de financement, ou d'assurance.
Le sujet a été très bien décrit par Sébastien Declercq : on aura sans doute à l'avenir des banques universelles et des banques plus modulaires, à l'architecture plus ouverte, qui agrégeront des services verticaux développés pour répondre à telle ou telle attente des clients.
Les défis, s'agissant des PME et des professionnels, sont un peu les mêmes que ceux que nous connaissons avec la clientèle des ménages et des particuliers. La marge d'intermédiation est également sous pression dans cette activité, mais les entreprises restent bien plus attachées que les particuliers à la présence d'un conseiller qui les accompagne dans la mise en oeuvre de leur stratégie de développement, ou en matière de plan de financement. Cette présence physique est sans doute plus indispensable que pour la majorité des clients particuliers.
Cependant, si le digital a sur cette clientèle un impact plus marqué que sur celle des particuliers, c'est que celui-ci va vraisemblablement profondément modifier certaines offres. Jusqu'à récemment, pour un commerçant, il s'agissait de négocier avec sa banque les conditions de remise de son chiffre d'affaires de cartes bancaires, de chèques, ou éventuellement fiduciaire, et l'ensemble de ses paiements. Aujourd'hui, la convergence entre les activités physiques et les activités par Internet va certainement faire évoluer ces métiers et offrir des services globaux d'acquisition, qui constitueront des couches de désintermédiation qui agrégeront l'ensemble des services, avec des différences, comme la tenue d'un fichier clients ou l'exploitation des données clients afin d'assurer la fidélité, ou un ensemble d'actes de gestion relevant du domaine de l'activité commerciale.
Autre exemple : la commande, la facture, le paiement et le financement - et cela peut s'appliquer à beaucoup de secteurs d'activité - peuvent créer des verticalités totalement digitalisées, que des acteurs qui ne sont pas ceux que vous avez nécessairement en tête pourront proposer. Le président de la commission des affaires économiques a parlé de financements à court terme : cela peut être une évolution à moyen terme de ce type de dispositif.
Enfin, dans un secteur comme le secteur médical, on peut imaginer des verticalités destinées à gérer le planning, les rendez-vous, à encaisser le règlement et à assurer le remboursement. Ce rapport bouleverse beaucoup de choses. Cela peut rappeler un des facteurs du développement des plates-formes de VTC : leur règlement, qui était plutôt naturellement dans la partie bancaire, s'est totalement intégré dans un dispositif qui n'était pas du tout financier, et qui est devenu totalement transparent du point de vue du consommateur.
Dans la clientèle professionnelle, les verticalités vont se développer et intégreront une chaîne de valeurs qui ne comportera pas que le paiement, le règlement ou le financement, mais qui remontera en amont ou en aval en fonction des métiers.