La question des documents de planification est extrêmement complexe.
Comme nous avons voulu le montrer dans le rapport, cette question reste floue. Oui, ces documents de planification prennent en compte les ZDUC. Je pense notamment au schéma départemental d'orientation minière (SDOM), qui nomme ces zones et les place hors des zones exploitables.
Certains PLU situent notamment les ZDUC dans des zones naturelles, ce qui pose un problème d'exploitation par les communautés.
Cela me permet de rebondir sur votre question concernant l'utilisation des ressources naturelles. Celle-ci est-elle freinée par les dispositifs juridiques existants ? Tout dépend de la notion de subsistance et de son interprétation.
On a vu, notamment lors de nos entretiens avec les autorités déconcentrées de l'État, qu'une notion très restrictive de la subsistance domine aujourd'hui. Selon cette interprétation, la subsistance ne permet pas une exploitation économique des ressources, même en respectant certains seuils ou certains protocoles. Les ZDUC sont alors cantonnées à l'utilisation des ressources naturelles pour une consommation propre et ne permettent en aucun cas une vente de gibier ou de poisson à l'extérieur de la communauté.
La France pourrait cependant s'inspirer de l'exemple brésilien, où les deux sont possibles, mais selon des modalités différentes. Au Brésil, sur les terres indigènes, dès lors qu'il s'agit d'une consommation propre, la communauté s'organise comme elle l'entend. À l'inverse, dès lors que le but est de vendre à l'extérieur, il faut impérativement que la communauté élabore, en concertation avec un organisme étatique, un plan de gestion qui prenne en compte notamment l'état de la ressource et les méthodes de prélèvement. Nous avons essayé de démontrer dans notre rapport que cela permettrait de concilier un certain développement économique dont les communautés ont de plus en plus besoin, et une protection de l'environnement qui est extrêmement importante, à la fois pour l'humanité, mais aussi pour les communautés elles-mêmes.
S'agissant de la personnalité morale, on peut avoir là aussi différentes interprétations. Un de mes collègues du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), Philippe Karpe, pense que le dispositif de 1987, qui parle des « communautés d'habitants tirant traditionnellement leur subsistance de la forêt », leur donne des droits d'usage et leur confère une personnalité morale sui generis qui leur permettrait de passer des contrats, mais également d'ester en justice. À l'appui de cette interprétation, on peut citer la jurisprudence de la Cour de cassation, qui affirme que l'octroi de la personnalité civile n'est pas l'apanage de la loi mais qu'elle peut être reconnue en principe à tout groupement d'individus pourvu d'une expression collective pour la défense d'intérêts licites (arrêt Comité d'établissement de Saint-Chamond du 28 janvier 1954). D'autres décisions vont dans le même sens concernant des comités d'entreprise de groupes en 1990 ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.
En tant que chercheur, je serais curieux de voir comment un juge guyanais recevrait une requête d'une communauté d'habitants tirant sa subsistance de la forêt. Estimerait-il qu'il s'agit d'une personnalité juridique sui generis ? Penserait-il qu'il faut que la loi borne cette dernière ? Il est vrai que, contrairement à un comité d'hygiène et de sécurité où les membres sont nommés, où il existe des règlements intérieurs écrits, une communauté amérindienne ou bushinengue relève de l'ordre coutumier. On ne sait pas a priori qui y participe, ni comment les décisions sont prises.
Concernant votre question sur le GDPL, j'avoue ne pas assez bien connaître l'exemple néocalédonien pour vous répondre. C'est peut-être une piste à explorer et il serait intéressant que Philippe Karpe ou moi-même amorcions un dialogue avec les spécialistes de la question en Nouvelle-Calédonie.