Je n'ai pas eu l'occasion de lire votre rapport. J'espère pourvoir le parcourir prochainement.
Je suis maire d'une commune de Guyane dans laquelle vivent des populations amérindiennes et bushinengue. Il s'agit de Mana, qui était également naguère constituée de la commune d'Awala Yalimapo, dont j'ai également été maire.
Les zones d'usage sont aujourd'hui la manifestation d'une revendication identitaire plutôt qu'une réalité qu'on peut constater sur le terrain. Toutes ces zones d'usage sont situées dans des territoires communaux. Il s'agit parfois de populations autochtones, avec des maires de la même origine ethnique, comme à Camopi, ou partiellement à Awala Yalimapo, et sur les communes du fleuve, dont les maires sont bushinengue mais les populations issues de plusieurs communautés. Mana compte des populations amérindiennes, bushinengue, mais également d'origine créole - guyanaise ou haïtienne - et métropolitaines.
Sur ces communes du littoral, où existe une pluriethnicité, il est difficile de faire accepter par toute la population le fait qu'on réserve des zones uniquement à une catégorie. Je suis souvent confronté à cette situation. J'ai deux demandes de zone d'usage, et j'hésite à donner satisfaction.
Par ailleurs, le décret parle de populations qui vivent de cueillette, de chasse et de pêche. Or, les choses ont beaucoup évolué en Guyane, tout d'abord avec le RMI, puis le RSA. Il est difficile de dire, même pour les populations amérindiennes et bushinengue de l'intérieur, qu'elles ne vivent que de cueillette, de chasse et de pêche. Lorsqu'elles ont un problème, il est rare qu'elles se tournent vers le chef coutumier, qui n'a plus comme rôle que celui d'intervenir dans les manifestations culturelles et rituelles. Pour tous les autres problèmes, ces populations des zones d'usage s'adressent en priorité aux maires, et leurs demandes portent sur des éléments de modernité - eau, téléphone, éducation.
La difficulté d'intégration de ces populations se pose avec une certaine acuité ; elles sont confrontées, surtout dans l'intérieur, à des problèmes de suicide, qui ont donné lieu à une mission de deux collègues parlementaires, l'une pour le Sénat, la seconde pour l'Assemblée nationale.
La reconnaissance de ces populations en tant que peuples autochtones est leur principale revendication. Le mot même d'« autochtone » ne figure pas dans la Constitution française. Vous avez évoqué le Brésil : la situation y est différente puisque ce pays reconnaît les peuples autochtones. La France, pour l'instant, ne reconnaît pas cette qualité, la République étant une et indivisible. C'est donc le principal problème qui se pose, avec toutes ses conséquences en termes de foncier et de participation à la vie politique de ces différentes populations.
Ce sont les éléments que je voulais ajouter à tout ce que vous avez dit. On ne peut se cantonner au problème des zones d'usage quand on parle des populations autochtones. On doit considérer ce sujet comme un problème plus général d'intégration à la vie guyanaise et française.