Intervention de Bruno Bézard

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 6 avril 2016 à 10h03
Banque asiatique d'investissement dans les infrastructures — Audition de M. Bruno Bézard directeur général du trésor

Bruno Bézard, directeur général du Trésor :

Pour répondre au sénateur Cambon, les États-Unis, le Japon et le Canada ont été réticents à la création de l'AIIB, mais pour des raisons différentes. Les États-Unis, pour une question de politique intérieure, le Congrès versus l'administration, dont je ne suis pas certain qu'elle soit fondamentalement hostile à ce projet. Cela traduit une peur de la Chine, mais aussi le sentiment de la remise en cause d'un système international perçu comme dominé, jusqu'à présent, par les États-Unis. Pour le Japon, la raison est totalement différente. Le Japon domine la Banque asiatique de développement, qui, elle, y a vu, initialement, une concurrente. J'ai reçu son Président, avec qui nous avons discuté des enjeux de l'apparition de ce nouvel acteur. Vous connaissez l'extrême sensibilité des relations entre la Chine et le Japon. Je pense toutefois que ces pays finiront par rejoindre l'AIIB. Il y a des signes. Ainsi, lors de la visite du Président Xi Jinping à Washington, à l'automne dernier, il y a eu une déclaration conjointe disant que la contribution de la Chine au financement du développement des infrastructures en Asie était la bienvenue. Sur la question du partenariat transpacifique, je ne suis pas certain que la création de l'AIIB ait été le facteur déclenchant, même si cela a pu être une incitation à avancer. On ne peut nier qu'il y a des jeux de pouvoirs géopolitiques dans cette région du monde. Pour répondre à Mme Perol-Dumont, je suis d'accord avec vous sur le fait que les « lourdeurs » de la Banque mondiale sont aussi des gages de sécurité et de respect des procédures. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité pour la nouvelle banque de respecter les procédures d'appel d'offres, la transparence des candidatures et de mener des études d'impact - la France a été un des pays les plus exigeants, avec ses partenaires européens, s'agissant des études d'impact -. J'ai aussi beaucoup apprécié le livre de Guillaume Poitrinal. En Chine, le prix à payer pour la rapidité, c'est parfois l'absence de contrepouvoir, d'études d'impact et les petits arrangements. On ne peut pas associer le nom de la France à cette banque si elle n'est pas « propre ». Les lourdeurs sont donc parfois justifiées. En revanche, on n'est pas obligé de faire des conseils d'administration résidents surabondants qui coûtent cher. Sur l'opportunité d'une coopération entre l'AIIB et la Banque mondiale et ses « petites soeurs » régionales, il faut aller dans ce sens et cela commence. La Banque asiatique de développement a compris qu'il fallait composer. Il y aura clairement des accords de coopération entre l'AIIB et les institutions financières internationales existantes. Pour répondre à M. Lorgeoux, la Chine n'a rien demandé à la zone euro, même si elle a toujours soutenu la zone euro et l'euro, notamment pour une raison d'équilibre avec les États-Unis. La Chine aurait pu le suggérer mais ce n'est pas le cas. L'idée est venue de quelques Trésors des pays de l'Union européenne qui ont évoqué l'idée entre eux avant d'en parler aux autorités politiques. Pour répondre à la question « que peut-on attendre ? », nous pouvons attendre plusieurs choses. Il y aura bien sûr des retombées économiques, si nos entreprises savent être présentes, notamment dans les secteurs de l'assainissement de l'eau, des villes propres et pour certains projets d'infrastructures. Il sera sans doute difficile de se positionner sur des travaux publics au Laos ou en Birmanie par exemple, en raison d'une forte concurrence. D'une façon générale, les retombées économiques ne seront pas automatiques car il existe une forte concurrence. Toutefois, il n'y a pas que des retombées économiques. Le fait d'être « en accompagnement » critique et vigilant de la Chine, dans son développement international, dans cette partie du monde, où nous avons aussi une partie de notre histoire, est très positif. Je pense au Laos, au Cambodge et au Viêt Nam. Si la France pouvait être en « accompagnement » de certains projets de l'AIIB dans cette partie du monde, ce serait un merveilleux symbole. Ces pays ne souhaitent pas être seuls face à la Chine et sont désireux d'avoir un partenaire dont ils connaissent la culture, à côté du partenaire chinois. Je suis très favorable à des partenariats entre l'AFD et l'AIIB, mais il faudra se battre car la concurrence sera rude. Vous me demandez qui a pris la décision ? Je répondrai que c'est le Gouvernement qui a décidé, mais je rends un hommage particulier à Laurent Fabius qui a eu une vision politique forte sur ce sujet. En ce qui concerne les DTS, je crois qu'ils vont se développer, mais encore une fois vous ne les aurez pas demain dans votre porte-monnaie. J'ai oublié de vous dire que la Chine préside le G20 et que c'est historique. Nous avons mis en place une collaboration technique très forte avec la Chine pour l'aider dans sa présidence. Vendredi dernier, s'est tenue à Bercy une réunion de 35 ministres des finances et gouverneurs de banque centrale pour discuter de l'architecture financière internationale. Ce séminaire était présidé par la France - Michel Sapin et le gouverneur de la Banque de France - ainsi que par le gouverneur de la Banque centrale chinoise. De nombreux ministres des finances étaient présents, notamment ceux de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Italie, de l'Espagne, de pays d'Afrique et de pays émergents, ainsi que des économistes pour discuter de l'évolution du système monétaire international. La place du DTS est un sujet à traiter et la Chine insiste - le renminbi vient d'être intégré au panier de devises qui sert de base à son calcul - pour que le DTS ait une place plus importante.

Concernant l'impact de la non-livraison du BPC, nous sommes en discussion avec les industriels. J'ai reçu le président de DCNS il y a quelques semaines. Il y a un équilibre à trouver, l'Etat doit être vigilant dans l'analyse quantitative précise des fonds qui doivent être remboursés aux industriels. Il y a une expertise du sinistre en cours et des échanges entre DCNS et la Coface. Nous avons fait une avance sur indemnités, très importante pour la trésorerie de DCNS.

Concernant l'AFD, le président de la République a pris des décisions et fait des annonces pour donner plus de moyens à l'AFD, pour qu'elle fasse plus de prêts et de dons, notamment en faveur du climat. Pour cela, il faut que l'AFD voie son haut de bilan renforcé. L'Etat fera son devoir d'actionnaire. L'AFD, qui est un établissement public et a vocation à le rester, verra son bilan renforcé grâce à l'action financière de l'Etat. Parallèlement, le Président de la République a annoncé l'établissement de relations entre l'AFD et la CDC. Des conventions seront mises en place. L'AFD doit être plus proche des territoires, ce qui est précisément une caractéristique de la CDC. L'AFD, qui a un réseau international, et la CDC, doivent pouvoir se compléter. Nous pensons qu'il y a beaucoup de synergies possibles entre les deux établissements publics et nous sommes en train de travailler à les mettre sur le papier. La CDC n'aura pas à apporter des financements, de sorte que les craintes qu'elle avait exprimées à cet égard sont désormais sans fondement. La crainte qu'avait la CDC d'une « contagion des bilans » est également dissipée.

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