Intervention de Christophe Lecourtier

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 27 avril 2016 à 9h32
La place de la france dans le nouveau monde — Audition de M. Christophe Lecourtier ambassadeur de france en australie

Christophe Lecourtier, ambassadeur de France en Australie :

Merci pour vos encouragements. Je crois que la règle d'or est bien de garder la tête froide, d'autant qu'une fois l'accord obtenu, l'essentiel est encore à venir.

Notre méthode a effectivement renversé des habitudes et des façons de faire. Le génie français a trop souvent consisté soit à foncer dans la mêlée, sabre au clair comme dans la bataille de Crécy - pour se retrouver vite à terre -, soit, façon La guerre des Gaules, à offrir la victoire à l'adversaire après s'être épuisés dans la discorde. Ce constat fait, nous avons adopté ce que l'on peut appeler « la stratégie de la tortue » : être modeste, discret, persévérant, avec un fort esprit d'équipe - qui sont autant de valeurs cardinales de la société australienne, les Australiens y sont très attachés et très attentifs, cela se voit dans la vie quotidienne, aussi bien dans leur goût pour les sports d'équipe que dans les récits de la Première guerre mondiale qui valorisent avant toute chose la camaraderie entre soldats, le fait de ne laisser personne sans secours. Ces qualités ne sont pas celles qu'on associe au génie français, nous les avons cultivées d'autant plus facilement que nous étions en position d'outsider et que nous savions que rien ne nous était acquis, que nous devions travailler beaucoup, tâcher de convaincre, persévérer. Nous avons travaillé en équipe, l'équipe France, comme pour l'interprétation d'une symphonie : à chaque instrument sa musicalité, mais avec une partition commune.

Nous avons commencé avec les entreprises elles-mêmes. Vous avez tout à fait raison de souligner l'importance de Thales : pour les Australiens, c'est une entreprise australienne tant le groupe est implanté dans le pays, elle entre dans la fabrication de sonars, de véhicules blindés, de fusils, de munitions, ou encore dans la réparation navale, c'est une entreprise emblématique de l'industrie de défense australienne. Le PDG de Thales, Patrick Caine, s'est très vite engagé. Nous avons élargi le cercle à Safran et à Schneider, mais aussi à une trentaine de PME françaises que j'ai fait venir pour associer leur savoir-faire très spécialisé et très largement reconnu : cet ensemble a montré la profondeur du partenariat que nous étions capables de nouer.

Il y a eu ensuite la mission confiée par le Medef à Guillaume Pépy, qui s'est rendue en Australie avec une importante délégation de chefs d'entreprises françaises, tous secteurs confondus. Les Australiens ont été très sensibles à notre bonne articulation entre la recherche et l'entreprise - nous sommes très bien classés par l'OCDE sur ce point, alors que l'Australie accuse un net retard -, et nous avons montré à cette occasion l'écosystème « France » dans son ensemble.

Il y a eu, en parallèle, l'engagement de toutes les administrations concernées, elles ont été coordonnées plutôt que concurrentes, en particulier le Quai d'Orsay et le ministère de la Défense, orchestrés par Laurent Fabius et Jean-Yves Le Drian ; tous les responsables sont venus sur place pour dialoguer avec les Australiens, crédibilisant l'offre globale de la France.

J'ai obtenu la nomination d'un représentant spécial pour l'Australie, en la personne de Ross McInnes, Président du Conseil d'administration de Safran, né australien, naturalisé français et dont le père est un patron de premier plan à Camberra : il a pu dire aux Australiens ce que ni le ministre, ni son ambassadeur, ni les patrons français pouvaient dire, ce lien a été important.

La diplomatie parlementaire a joué tout son rôle, et singulièrement celle de la Haute Assemblée, qui n'a pas ménagé ses efforts : il y a eu la mission conduite par le Président Jean-Claude Lenoir, qui a rencontré tout le monde sur place, il y a l'action du groupe d'amitié France-Australie, conduit par notre collègue Marc Daunis, il y a bien sûr votre commission, qui soutient notre action - le Sénat a été en première ligne.

Quel est le rôle de l'ambassadeur, dans une telle séquence ? Je crois qu'il doit avoir suffisamment d'autorité pour animer l'orchestre dans la durée - pour filer la métaphore symphonique -, tout en évitant l'écueil du caporalisme ; car en réalité, l'ambassadeur n'a aucun pouvoir sur tous ceux qui s'engagent dans le partenariat, qui en sont les acteurs. Chacun vient avec sa propre histoire et il doit pourvoir l'exprimer, la vivre, parce qu'elle n'est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre que celle des autres, et l'ambassadeur est là pour faire partager la vision d'ensemble, proposer à chacun d'y contribuer au bon moment, sans froisser les sensibilités et en laissant à chacun sa part de lumière, de succès. C'est pourquoi, même si je suis très heureux de vos louanges, je sais qu'elles s'adressent à une équipe, le succès est collectif et l'essentiel du travail est devant nous.

Nous avons été choisis comme partenaire préféré, la négociation exclusive doit ouvrir sur la signature d'un contrat d'ici la fin de l'année - c'est le calendrier souhaité par le Premier ministre australien -, il nous faut maintenant honorer nos engagements : technologiques, industriels, mais aussi celui de l'accompagnement étatique - le président de la République a pu, à un moment clé, réaffirmer des engagements de l'Etat français qui ont pesé lourd dans la décision.

Quel sera l'équilibre financier de cet accord et son impact sur l'emploi, en particulier pour notre territoire ? Ces volets sont à construire, nous en connaîtrons le contenu une fois seulement le contrat signé. Ce que je peux vous dire cependant, c'est que les Australiens ont mis l'accent sur la qualité de l'offre plutôt que sur le seul prix...

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