Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 21 décembre 2005 à 15h00
Loi de programme pour la recherche — Article 17

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Les Académies concernées ont notamment pour mission d'encourager la vie scientifique. L'Académie des sciences, par exemple, réunit savants français et étrangers, organise conférences et débats, conserve la mémoire de la science et des scientifiques, promeut l'enseignement des sciences, mais surtout elle dit « favoriser le développement des sciences pour le bénéfice de la société ».

Eh bien, ce n'est pas pour le bénéfice de la société que l'Académie de médecine a dit que l'amiante ne présentait pas de danger. Vous trouverez cette affirmation au n° 4 du tome 180 du Bulletin de l'Académie nationale de médecine, paru en 1996, alors que tous les travaux scientifiques internationaux concordaient sur les risques liés à l'inhalation de fibres d'amiante.

Ce n'est pas, non plus, pour le bénéfice de la société que l'Académie des sciences s'est déclarée hostile au principe de précaution, en arguant, dans une rédaction d'ailleurs bien peu élégante, qu'« il pourrait induire des effets pervers susceptibles d'avoir des effets désastreux sur les progrès futurs de notre bien-être, de notre santé et de notre environnement ».

C'est faire preuve d'une bien courte vue que de craindre la précaution. Loin de freiner la recherche, elle fournit l'occasion d'approfondissements, de commandes d'expertises nouvelles, voire d'innovations de substitution, si un danger était avéré.

Aujourd'hui, la commission spéciale nous propose de placer les Académies sous la protection du Président de la République. N'est-ce pas d'un autre âge ? Qui peut prétendre ainsi à un statut hors de portée de tout contrôle, voire de tout questionnement des citoyens ? Cela ne s'inscrit-il pas dans la droite ligne de la fondation, par Colbert, de l'Académie des sciences ? Il y regroupa des savants avec mission d'explorer et de rapporter les richesses du monde. De ces expéditions naquirent : la Compagnie des Indes orientales, la Compagnie des Indes occidentales, la Compagnie du Levant, la Compagnie du Sénégal, toutes dédiées au commerce triangulaire, les unes par le commerce des épices, les autres par celui des esclaves.

Ne ranimons donc pas de vieilles notions protocolaires, qui portent la marque d'une culture dont nous subissons encore les séquelles.

À titre personnel, je voterai contre cet amendement qui ne se justifie pas au xxie siècle et qui, du fait de l'expression « sous la protection », risque fort de plonger les victimes de l'amiante dans l'incompréhension totale.

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