Intervention de Christian Eckert

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 5 avril 2016 à 17h45
Résultats du régime général de la sécurité sociale au cours de l'exercice 2015 — Audition de M. Christian Eckert secrétaire d'état au budget

Christian Eckert, secrétaire d'État au budget :

Vous avez pris connaissance des résultats financiers de la sécurité sociale pour l'année 2015 qui ont été présentés par le Gouvernement, le 17 mars 2016, sitôt que les organismes ont arrêté leurs comptes. L'année dernière déjà, dans le cadre du même exercice, le Gouvernement avait présenté des résultats meilleurs que ceux prévus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette année, de nouveau, les résultats que je viens vous présenter s'avèrent nettement meilleurs que les prévisions récentes. Le déficit du régime général s'est réduit en effet à 6,8 milliards d'euros, soit près de 3 milliards de moins que la prévision. En ajoutant le fonds de solidarité vieillesse, le solde est déficitaire de 10,7 milliards d'euros, soit 2 milliards de mieux que ce que nous avions prévu et une réduction de 2,4 milliards du déficit par rapport à l'année précédente. Bien entendu, il ne s'agit que des chiffres du régime général, et non de l'ensemble des régimes, puisque qu'il faut attendre la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de juin pour disposer d'une vision complète. Toutefois, comme les années précédentes, ce résultat est probablement proche de ce que sera le résultat final de l'ensemble des régimes. La Cour des comptes devra également rendre son rapport sur les comptes de la sécurité sociale au mois de juin prochain. Je rappelle à cet égard que les comptes des années 2013 et 2014 de toutes les branches ont été certifiés par la Cour, ce qui n'était pas arrivé depuis la création de cette procédure, il y a 10 ans maintenant. De même, nous ne disposons pas encore du résultat définitif de l'objectif national de dépense de l'assurance maladie (Ondam) 2015 même si le résultat des dépenses de la branche maladie du régime général et des branches intégrées nous permet déjà de savoir qu'il sera respecté, ce qui est un résultat très important.

Je voudrais dans un premier temps revenir sur les bons résultats de l'année 2015, qui ont été obtenus par des efforts significatifs de maîtrise de la dépense de chacune des branches de la sécurité sociale.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 adoptée en décembre dernier prévoyait pour l'année 2015 un déficit de 9 milliards d'euros pour le régime général et de 12,8 milliards d'euros en incluant le fonds de solidarité vieillesse. Or, le déficit du régime général est finalement de 6,8 milliards d'euros, tandis que le déficit global en incluant le FSV s'élève à 10,7 milliards d'euros. Pour le régime général de sécurité sociale, c'est le meilleur résultat depuis 2002. Les comptes de chacune des branches s'améliorent.

C'est d'abord le cas pour l'assurance maladie. Le déficit est ramené en dessous de 6 milliards d'euros, soit le même niveau qu'avant la crise économique. Cette amélioration de 700 millions d'euros a été obtenue grâce à une progression contenue des dépenses à 2%, soit l'évolution la plus faible depuis 1998. La maîtrise des dépenses a été réalisée sans porter atteinte aux droits des assurés ni réduire le niveau de couverture. Il n'y a pas eu de remise en cause du niveau de remboursement, ni d'augmentation des franchises ou des participations forfaitaires. Les économies ont été réalisées en obtenant une plus grande efficacité des dépenses de santé, que ce soit en ville ou à l'hôpital: plus grand recours aux médicaments génériques, développement de la chirurgie ambulatoire, utilisation de référentiels pour la durée des arrêts de travail. Je profite d'ailleurs de cette intervention, pour rappeler que les dépenses de santé ne diminuent pas en valeur, mais que leur progression est maîtrisée. Cette progression a été limitée à 2 % en 2015. Pour 2016, le secteur de la santé bénéficiera de près de 3,3 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit une progression de l'Ondam d'environ 1,75 %.

S'agissant de la branche famille, le résultat est là aussi évident. Le déficit est divisé par deux en un an et revient à 1,4 milliard d'euros. Là aussi, c'est un résultat qui n'avait plus été vu depuis bien des années, et qui s'explique par nos mesures d'économies. L'Assemblée nationale a adopté en LFSS pour 2015 la modulation des allocations familiales, qui a permis la réalisation des économies prévues. C'est indéniablement un effort financier pour certains ménages, même s'il s'agit, vu le barème retenu, des plus aisés d'entre eux.

L'amélioration la plus frappante est enfin celle de la branche vieillesse, puisque le solde de la CNAVTS revient, enfin, à un niveau très proche de l'équilibre, soit un déficit de 300 millions d'euros. Ce sont les mesures des réformes des retraites successives qui ont permis cette amélioration. Le recul progressif de l'âge légal de départ, mais aussi les mesures d'économie visant à sous-indexer les prestations versées, décidées en 2014, et l'affectation de prélèvements, notamment les hausses de cotisations salariales et patronales, mises en place en 2012 et 2014, qui constituent un effort équilibré des salariés et des employeurs. En 2015, le résultat s'explique aussi par des dépenses de prestations légèrement moins élevées que prévu.

J'en viens à la situation du fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit demeure élevé, à 3,9 milliards d'euros. Je rappelle que le Gouvernement a déjà affecté en 2014 des ressources supplémentaires au fonds, de près de 1,2 milliard d'euros, correspondant au gain lié à la fiscalisation des majorations de pensions, puisque le financement des majorations de pension est une des charges du FSV. Sans cette mesure, contre laquelle l'opposition s'était alors longuement exprimée, le déficit serait plus élevé encore.

Enfin, et c'est un point sur lequel je souhaite insister, nous avons aussi réalisé des économies substantielles sur les frais de gestion des organismes eux-mêmes. Dans le cadre du plan d'économie de 50 milliards d'euros sur trois ans, nous avons prévu de réaliser près de 500 millions d'euros d'économie en 2015.

Les résultats meilleurs que prévu de la sécurité sociale ne sont pas seulement liés à des efforts de réduction des dépenses, mais aussi à une bonne tenue des recettes, et sans mesures de hausses de prélèvement, à l'exception de celle, déjà programmée, des cotisations d'assurance vieillesse. Le contexte est même celui d'une baisse des prélèvements, dans le cadre du pacte de responsabilité, ces baisses de cotisations et contributions sociales étant compensées par l'Etat à la sécurité sociale. Avec une croissance de 1,2 % au final, ainsi qu'une augmentation de l'ordre de 1,6 % de la masse salariale, en légère accélération par rapport à 2014, les recettes des cotisations sociales se sont établies à un niveau très proche de celui prévu.

Par ailleurs, d'autres contributions ont eu un rendement supérieur à celui sur lequel nous avions fondé les prévisions du PLFSS. Il s'agit notamment des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, puisque la rémunération des contrats d'assurance vie a finalement été meilleure que ce que nous avions anticipé. D'autres recettes, comme le forfait social ou les contributions sur les actions gratuites, ont également eu globalement des rendements supérieurs à nos prévisions.

Notre politique budgétaire prouve également son efficacité en atteignant ses objectifs. C'est en poursuivant selon la même méthode que nous pouvons continuer de financer nos priorités tout en continuant à réduire le déficit.

En 2015, la maîtrise des dépenses a permis d'atteindre un résultat très significatif : il s'agit du remboursement de la dette sociale accumulée, qui est la mission de la caisse d'amortissement de la dette sociale - la Cades. En effet, en 2015, la Cades a amorti, c'est-à-dire définitivement remboursé, plus de 13 milliards d'euros. Ces remboursements sont permis par l'affectation de la CRDS et d'une partie de la CSG. Autrement dit, la Cades a remboursé nettement plus de dette accumulée que le niveau du déficit courant : l'écart est de 3 milliards d'euros sur le champ du régime général et du FSV au global, et sans forcer le trait, on peut même dire qu'en 2015, le régime général et le FSV ont donc réalisé un excédent de 3 milliards d'euros, qui correspond à la réduction nette de leur endettement. Il faut souligner ce résultat, c'est pourquoi je me répète : en 2015, la dette sociale a diminué en euros sonnants et trébuchants, de plus de 3 milliards d'euros.

Vous avez évoqué, M. le Président, la dette de l'ensemble des régimes sociaux. Je ne parle pour ma part, à ce stade, que de la dette de l'Acoss et de la Cades, c'est-à-dire de la dette des quatre branches du régime de base et du FSV. À cette dette, s'ajoute effectivement la dette de l'Unédic et des régimes de retraite complémentaire. Mais je le répète : la dette sociale dans son périmètre « Acoss+Cades » a diminué de 3 milliards d'euros et c'est une première. Je précise que le transfert de la dette de l'Acoss à la Cades n'y change rien puisque c'est bien le niveau global de dette cumulée de l'Acoss et de la Cades qui diminue.

Ces bons résultats, nous les avons obtenus alors que nous avons baissé massivement les cotisations sociales sur les bas salaires et sur les indépendants ainsi que la C3S, pour un total de 6,5 milliards d'euros. C'est la tranche du Pacte de responsabilité que vous rappelez dans votre propos introductif, monsieur le Président.

Ces baisses de prélèvements ont été compensées à la sécurité sociale. La sécurité sociale n'a donc pas supporté le coût de ces pertes de recettes. C'est en effet le budget de l'État qui a intégralement supporté l'effort financier correspondant. Et pourtant, le déficit de l'État s'est lui aussi réduit en 2015, à 70,5 milliards d'euros, soit le déficit budgétaire le plus faible depuis 2008. À ceux qui nous reprochent de ne pas diminuer le déficit de l'État de façon suffisamment vigoureuse, je rappelle que les allègements de cotisations ont été compensés dans le même temps par le budget de l'État.

Tout en réduisant les déficits, le Gouvernement a poursuivi en 2015 la mise en oeuvre des mesures visant à améliorer l'accès aux droits et aux prestations sociales. Ainsi, la poursuite de la mise en oeuvre du plan pauvreté a permis en 2015 une nouvelle revalorisation de 10 % du complément familial versé aux familles de 3 enfants et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté et de 5 % de l'allocation de soutien familial, versée aux familles monoparentales. De même l'expérimentation concernant la garantie contre les impayés de pension alimentaire est généralisée en 2016. Le minimum vieillesse, porté à 800 euros à la fin de l'année 2014, a également conduit à des dépenses plus dynamiques en 2015.

Dans le domaine de la santé et de l'accès aux soins, l'année 2015 a été marquée par la mise en oeuvre de plusieurs mesures : le déploiement des plans autisme et «grand âge», un soutien aux soins de proximité (notamment un renforcement de la permanence des soins), une amélioration de l'accès aux soins des assurés (crédit d'impôt pour les contrats de complémentaire santé « seniors » labellisés, prise en charge à 100 % et confidentielle pour tous les actes relatifs à la contraception pour les mineures), ou encore l'amélioration de la protection sociale maladie des travailleurs indépendants, avec notamment la création du temps partiel thérapeutique et la diminution du délai de carence à 3 jours au lieu de 7.

Il n'est évidemment pas question de relâcher l'effort de redressement des comptes, pas plus cette année que les années précédentes. La démarche budgétaire du Gouvernement ne peut être critiquée ni pour son laxisme, ni pour sa trop grande rigidité. Elle peut encore moins être critiquée qu'elle a désormais fait la preuve, par ses résultats, de ses effets pour réduire le déficit public dans l'ensemble des domaines de l'action publique. La protection sociale participe à cet effort, en demandant des efforts raisonnés et raisonnables à l'ensemble des assurés et des gestionnaires, de manière à assurer la pérennité de notre modèle social. Cette démarche budgétaire sera poursuivie en 2016. Je n'ai pas de doute sur notre capacité, par les mêmes moyens, à respecter l'objectif que nous nous sommes fixé de ramener le déficit de l'année 2016 à 3,3 % du PIB.

Pour reprendre la formule que j'ai déjà utilisée devant votre assemblée : nous nous réjouissons de ces chiffres sans pour autant nous en satisfaire. Il reste à poursuivre le chemin que nous avons tracé pour le retour à l'équilibre.

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