Intervention de Jean de Kervasdoué

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean de Kervasdoué titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers

Jean de Kervasdoué, titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé au Conservatoire national des arts et métiers :

La réponse à vos questions est simple et brève. Laissez-moi vous dire une banalité qui n'en est pas une et qui évitera bien des bêtises et des contresens : dotation globale ou système de tarifs, on a toujours besoin de mesurer l'activité de l'hôpital, en journées, en actes et en groupes homogènes de malades, les GHM - notion inventée par mon ami Robert Fletter et que j'ai importée des Etats-Unis.

Mesurer en journées revient à dire que l'hôpital ne sait pas soigner et qu'essentiellement, il héberge, comme s'il était plus important de garder un opéré de la cataracte dans un lit que d'améliorer sa vision... Il y a eu d'abord le prix de journée, en vigueur il y a une quarantaine d'années ; puis le prix de journée par spécialité, dans les années 70. Celui-ci ne fonctionnait pas : pour les quinze services de cardiologie de l'AP-HP, par exemple, il était impossible d'établir un prix de journée homogène, car ils ne faisaient pas tous la même chose. Bref, pour le dire en économiste, à l'hôpital, il n'y a pas de fonction de production.

J'ai rédigé le décret du 11 août 1983. Il précisait que les dotations globales étaient « calculées en fonction de l'activité ». Toute la question est de savoir ce qu'est l'activité. En ce domaine, la continuité républicaine est remarquable : l'idée venait de Mme Veil, M. Barrot a fait voter la loi, ensuite ont été menées des évaluations et expérimentations sur la tarification. Le but était clair, stopper l'inflation des coûts : 29 % en 1973 ! Quelles bagarres avec le directeur de la sécurité sociale, qui voulait une réforme purement financière quand je voulais aussi une réforme de la gestion. J'ai gagné en droit, perdu en fait ; les choses n'ont pas évolué rapidement et les inégalités de dotation sont demeurées.

Quel que soit le système proposé, un indicateur de mesure de l'activité est nécessaire. Sinon, voyez le cas de la prise en charge des handicapés : on ne parvient pas à établir le moindre lien entre gravité des pathologies et financements, et c'est la pagaille.

La tarification à l'activité est un indicateur de la crise à l'hôpital, non l'inverse. On peut tout demander à un système de financement. Le problème aujourd'hui est que l'hôpital court avec un boulet au pied, tandis que les cliniques, ne traînant pas ce boulet, galopent. Je pense le plus grand mal de la loi Bachelot et je ne comprends pas qu'un gouvernement de droite se soit lancé dans une réforme à la soviétique. L'hôpital aujourd'hui subit trop de contraintes : il y a le titre IV de la fonction publique hospitalière, que j'ai rédigé. Il est le plus libéral des trois titres, hélas, un certain nombre de décrets n'ont pas été publiés, notamment parce qu'ils auraient autorisé des licenciements ; il y a ensuite le code des marchés publics ; il y a encore les quarante-trois familles de réglementation qui rendent la vie quotidienne impossible - les infirmières ont droit à une pause café à telle heure, puis une autre à telle heure, etc. : c'est à vous rendre fou. L'Etat, qui se mêle de tout, devrait se borner à vérifier que les missions de service public sont effectuées de façon satisfaisante, or, il entre dans les détails de la gestion. C'est ici qu'on retrouve la loi Bachelot : l'hôpital a disparu parce qu'on a établi une ligne directe entre le ministre, le directeur d'agence et l'hôpital. Les agences régionales de santé (ARS) paient, et les nominations sont le fait du ministre. Les étrangers sont ébahis quand on leur explique qu'un pneumologue de l'hôpital d'Avignon est nommé depuis un bureau de Paris.

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