Intervention de Jean de Kervasdoué

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 15 février 2012 : 1ère réunion
Audition de M. Jean de Kervasdoué titulaire de la chaire d'économie et de gestion des services de santé du conservatoire national des arts et métiers

Jean de Kervasdoué :

Votre question révèle tous les problèmes de l'hôpital : avoir la T2A montre qu'on ne les a pas traités. J'ai rédigé en 1985 un guide de la comptabilité analytique ; et depuis peu, mon équipe au Conservatoire et moi savons traiter techniquement et assez simplement l'ensemble des comptabilités, générale, analytiques et GHM. Si j'avais le pouvoir de décision, je dirai aux hôpitaux : assez plaisanté, vous avez cinq mois pour suspendre trois directeurs d'hôpitaux et trois directeurs généraux, et l'on y arrivera.

Sur les CHU, la meilleure critique de la réforme Debré - je parle du grand-père, Robert - a été formulée... par lui-même, lors d'un discours à l'école de Rennes en 1973. Il a reconnu que son hypothèse était fausse : l'enseignement, la recherche et la pratique hospitalière sont des cercles disjoints, ils ne se recouvrent pas entièrement et n'ont d'ensembles communs que deux à deux. Il y a dix ans, au Royaume-Uni, j'ai participé à un échange d'étudiants anglais et français, qui ont apprécié le système hospitalier de l'autre pays. Les deux étudiantes anglaises nous ont dit : vous formez des généralistes par défaut ! Il est vrai que l'oto-rhino-laryngologie (ORL), la psychiatrie et la gériatrie constituent 50 % de l'activité de bien des médecins de ville, or, on peut n'avoir suivi que vingt heures d'ORL à la faculté. Ce n'est pas raisonnable ! La formation à la médecine doit, en partie, quitter l'hôpital, voire quitter la médecine : nous avons inventé les médecins-économistes, les médecins-informaticiens ; aux Etats-Unis, un tiers des professeurs à l'école de médecine sont des informaticiens, des économistes, ou autres, en tout cas pas des médecins. Là-bas comme au Canada ou en Grande-Bretagne, c'est l'université qui donne le label universitaire à un service. En France, on ne sait pas toujours sur quels critères un établissement possède le label, un autre, non.

Je crois en revanche que nous avons encore la meilleure chirurgie du monde, et cela parce que nos professeurs de médecine apprennent très tôt aux jeunes chirurgiens à opérer. Aux Etats-Unis, notamment pour des raisons de responsabilité juridique, les chirurgiens se forment plus tardivement. Et quand ils commencent enfin, ils ont le bistouri facile : une personne intègre est une personne qui possède tous ses organes parce qu'elle n'a jamais consulté au sein d'un hôpital universitaire, a-t-on coutume de plaisanter... Notre réforme est venue d'un grand résistant, ancien du cabinet de Mendès France, prix Nobel de Médecine qui a tout bien fait dans sa vie : en 1956, René Fauvert avait demandé aux jeunes loups qu'étaient Jean Bernard, Jean Hamburger et Jean Dausset, d'esquisser des pistes de réforme. Il choisira le moins réactionnaire, Robert Debré, pour réaliser la réforme. Beaucoup de progrès sont intervenus alors, comme l'intégration des sciences dans l'enseignement médical. Quarante ans après le colloque de Caen de 1956, nous avons refait en 1996 un colloque, à Caen, avec ceux qui étaient encore vivants. Des propositions de réforme ont été formulées, par exemple pour laisser aux universités la possibilité d'avoir des agents trivalents, bivalents, ou exerçant une seule activité - un chercheur ne faisant que de la recherche, par exemple.

Pour le volet immobilier, peu importe ce que l'on décide. En Allemagne, ce sont les Länder qui financent les investissements. S'agissant de l'hôpital sud-francilien, j'ai un devoir de réserve puisque je suis chargé de rapprocher les points de vue entre Eiffage et l'établissement : un appel d'offre a été lancé, une entreprise sélectionnée, mais l'hôpital n'a pas les moyens de payer le loyer. La presse se livre sur le sujet à des calculs malhonnêtes, comparant les remboursements d'emprunt actualisés et le coût initial de la construction.

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