La T2A, c'est le petit bout de la lorgnette... Elle n'est qu'un outil parmi d'autres. Il convient de relier entre eux les éléments qui posent problème. En dehors de la T2A, la loi HPST a été mise en oeuvre par petits morceaux. Tout ce qu'elle préconise pour l'hôpital public a été mis en oeuvre, mais pas ce qui concerne l'amont ni l'aval de l'hôpital. Son application pèse uniquement sur l'hôpital, alors que le parcours de soins, qui est au coeur du dispositif, a été oublié ; l'hôpital ne peut tout prendre en charge.
La T2A est arrivée parce que nous avions des problèmes avec le budget global. Les a-t-elle résolus ? Sûrement, sur la transparence et la connaissance de l'activité des établissements ; c'est sur ce plan un outil intéressant. Mais le reste n'a pas suivi. Des zones d'opacité demeurent : comment calcule-t-on les tarifs ? Pourquoi ne prennent-ils pas en compte la qualité et d'autres éléments encore ? Une de vos auditions a montré que la T2A était pratiquée différemment à l'étranger. C'est dire qu'un autre mode de calcul est possible. Ce n'est pas l'outil qu'il faut remettre en cause, mais la façon dont il est mis en oeuvre. La conséquence su système actuel, c'est la course à l'activité ; mais plus il y a d'activité, plus les tarifs baissent ; et plus ils baissent, plus on cherche à accroître l'activité ! Où est la masse salariale dans les tarifs ? Comment les coûts de production du soin sont-ils calculés? Comment y prend-on en compte l'évolution de la masse salariale, les conséquences du LMD ? Quid des quotas de personnel par activité ?
Les négociations sont en panne dans le secteur, c'est vrai par exemple pour la convention de 1951. Le dialogue social est moribond.
La T2A est liée à l'Ondam. Toutes les personnes que vous avez auditionnées reconnaissent que nous avons un problème avec le caractère fermé de l'enveloppe. Tant qu'il ne sera pas réglé, nous serons coincés ! Quand bien même on transférerait des fonds de l'hôpital vers l'aval, vers le domicile, les besoins continueront d'augmenter. La question de l'augmentation des ressources de l'assurance maladie est fondamentale.
La T2A a-t-elle des conséquences sur l'organisation du travail ? Oui, mais il y a bien d'autres problèmes, plus anciens. Nous avons lancé une enquête sur les conditions de travail à l'hôpital : nous avons reçu 56 400 réponses, ce qui est un problème en soi ! Ce qu'on y décrit atteste de l'ampleur du problème, qui touche aussi aux comportements, au défaut de management, aux rapports entre professions médicales et paramédicales : tout cela va au-delà de la tarification et n'y est pas forcément lié. Ce qui est sûr, c'est que la course à l'activité, avec de moins en moins de personnel, détériore les conditions de travail.
Faut-il introduire des critères de qualité dans les tarifs ? Oui, à condition de s'entendre sur ce qu'est un « soin de qualité ». Est-ce un bon diagnostic et un bon médicament ? Un soin qui guérit ? Une prise en charge globale ? Les critères sont difficiles à cerner. Il est certain que les conditions de travail des personnels ont une influence. Dans d'autres pays, la tarification prend en compte la qualité du soin et de la prise en charge. Il semble que la HAS y travaille ardemment. C'est intéressant et nous y contribuons.
Nous pensons qu'il faut réfléchir globalement. Qu'attend-on de l'hôpital ? Tout doit-il pris en charge par lui ? Sinon, par qui ? Quid des maisons de santé et de leur modèle économique ? Si l'on doit y payer autant qu'en médecine de ville, cela ne marchera pas. Quand des patients viennent à l'hôpital pour y recevoir des soins qui ne relèvent pas de l'hôpital, c'est avant tout parce qu'ils ne paient pas. Si l'on ne réfléchit pas au modèle économique des maisons de santé, l'échec est certain. L'hôpital ne doit pas soigner tout et n'importe quoi.
Le modèle économique des établissements de santé est lié à leur financement. Lorsque vous avez auditionné le directeur de la sécurité sociale, il a souligné qu'il faudrait examiner les modes de financement de l'hôpital public à l'aune des contraintes pesant sur les services d'intérêt général en Europe. Nous n'avons pas du tout réfléchi à cette question. Quel modèle veut-on en France ? L'hôpital est-il un service d'intérêt général ? S'il ne l'est pas, qu'est-il ? Ce débat devra être ouvert rapidement. Trois modèles économiques coexistent aujourd'hui pour faire la même chose, avec des statuts et des régimes fiscaux différents. On rejoint là la question de la convergence : est-elle intéressante ? Je ne suis pas certaine qu'elle soit possible, ni pertinente. Si l'idée est abandonnée, que fait-on des groupements de coopération sanitaire créés par la loi HPST, alors que le personnel circulera entre établissements privés lucratifs, privés non lucratifs et publics ? Comment comprendre un modèle qui fait converger les coûts de production alors que les établissements n'ont rien en commun ?
Les Migac sont une soupape, on y met tout ce qui n'est pas inclus dans les tarifs ; en réalité, on est en train de recréer de petits budgets globaux... Plus on gonfle les Migac, plus on s'expose à cette dérive. Nous avons travaillé sur le développement durable : il n'y a pas assez de financement pour mettre en oeuvre les investissements imposés par le Grenelle. Pourquoi pas une ligne Migac spécifique ? Il ne reste plus que cela pour permettre aux établissements de fonctionner. Mais on risque de retrouver les problèmes que nous avons connus avec les budgets globaux.
Je m'interroge enfin sur la gouvernance du système. La direction générale de l'offre de soins (DGOS) travaille sur les tarifs ; elle négocie les évolutions salariales. De son côté, le ministre de la fonction publique nous explique que les salaires ne vont pas augmenter. A la fin, c'est Bercy qui décide. Comment gérer les tarifs, avec tous ces gens qui interviennent sans rien connaître du fonctionnement de l'hôpital ? Qui plus est, dans le cadre d'une enveloppe fermée ! Il faut rationaliser tout ça.