La T2A conditionne l'ensemble du fonctionnement des établissements. Lorsque Mme Aubry, alors ministre, a initié les travaux sur la T2A, il est apparu à la commission qui en avait été saisie que la T2A était un mode de transparence et de comptabilité des actes.
Nous nous sommes très vite aperçus de ses effets pervers. La T2A est fondée sur le tarif moyen de l'acte, qui concerne donc au premier chef des malades qui ne le sont pas trop, qu'on est sûr de voir sortir en 48 heures - sinon on risque de les réhospitaliser, ce qui remet les compteurs à zéro ; sans compter les interventions chirurgicales organisées en deux temps...
La T2A présente beaucoup de difficultés, dont le système de santé privé à but lucratif fait son beurre : il détourne les malades les plus « rentables » de l'hôpital, où il laisse les autres.
Malgré ce mauvais fonctionnement, les soins continuent d'être prodigués ; mais les établissements connaissent des déficits qui n'existaient pas auparavant et qui hypothèquent aujourd'hui le dialogue social. Il n'est pas besoin du « un sur deux » dans la fonction publique hospitalière, les emplois diminuent naturellement puisqu'on n'a plus les moyens de financer les salaires ! La tarification à l'activité telle que présentée initialement n'a jamais été mise en place - parce qu'elle est fondée sur un tarif moyen.
Le tri des patients en fonction de leur « rentabilité » est inadmissible. On voit de plus en plus d'établissements privés développer leur activité, en mettant mettre par exemple deux lits dans les chambres à un lit, parce que la demande est importante.
Les réhospitalisations... Dans les maternités, l'assurance maladie a décrété une DMS de trois jours. Nous n'y sommes pas favorables. Un grand nombre de couples mère-enfant sont réhospitalisés. Leur prise en charge est difficile, non plus en maternité mais en médecine, le reste à charge augmente pour les familles. Ce n'est pas acceptable. Si une maman doit rester cinq jours à l'hôpital, il faut qu'elle reste cinq jours.
La T2A a eu un effet restructurant, voulu par la loi HPST. L'organisation de l'offre de soins est telle aujourd'hui que les établissements ont du mal à travailler ensemble. Il y a les établissements qui ont une activité normale et ceux qui ne fonctionnent qu'avec des dépassements d'honoraires. Cette situation conditionne l'accueil des patients. Les ARS ont décidé de supprimer tous les blocs opératoires de nuit et les « petits » services d'urgences. La « bobologie » existe, mais les personnes qui en relèvent, comme celles qui présentent une véritable urgence, doivent être vues par un médecin et recevoir des soins en toute sécurité. Parce que les blocs opératoires sont surchargés et les services d'accueil trop petits, on oublie d'opérer certains patients ! Cette situation ne peut pas durer. Il est vrai que les blocs opératoires moyens pratiquaient peu d'interventions, mais celles qu'ils faisaient n'avaient pas à être réalisées ailleurs ! Il faudra revenir en arrière, rouvrir certains services de chirurgie intermédiaire ; les gros établissements ne peuvent pas tout absorber. Il est anormal qu'une personne convoquée le lundi pour subir une intervention le mardi ne puisse pas entrer parce que son lit a été occupé pendant le week-end par les urgences. Nous souhaitons que tout cela soit revu.
Le circuit de codage des actes a été modifié. Là non plus, la situation n'est pas satisfaisante. Le blocage se situe au niveau de la prise de décision. Chirurgiens et médecins n'ont pas le temps de coder. Selon une étude de la Cnam, les dossiers partent huit jours après la sortie du patient dans le privé, mais trois à quatre mois dans certains établissements publics ! Il y a là un vrai problème de recueil des actes et de circuit.
Nous n'étions pas très favorables aux Migac, car elles financent un peu n'importe quoi. Elles ne financent pas ce pour quoi elles ont été conçues, c'est-à-dire les activités complémentaires à la T2A.
Notre nouveau président nous promet une augmentation des dépenses d'assurance maladie qui ne devrait pas dépasser 3 %. Cela ne fait pas un grand saut par rapport aux 2,5 % d'aujourd'hui ! Dans son rapport pour Hôpital Expo qui doit avoir lieu la semaine prochaine, la Fédération hospitalière de France note que les déficits des établissements ont repris. Il faudra bien un jour retrouver les moyens qui n'ont pas été donnés. On ne fait plus d'économies sur les biscottes aujourd'hui, mais sur le personnel ! Il n'y a plus de formation ni de promotion professionnelles, les moyens humains s'affaiblissent. Les matériels de diagnostic sont usés, l'entretien des établissements de moins en moins assuré, mobilier et immeubles se dégradent. La situation globale se détériore progressivement. Il reviendra beaucoup plus cher de rattraper demain le retard que de consentir aujourd'hui un entretien régulier.
J'en viens au médicament. On a voulu mettre en place dans les établissements une commission du médicament. Il est vrai que l'hôpital n'a pas toujours été à la recherche des génériques, mais il s'y est mis depuis quatre ou cinq ans. Le poste « médicament » augmente néanmoins beaucoup plus vite que les autres. Les économies attendues ne sont pas au rendez-vous. Les budgets sont systématiquement sous-évalués. Dès qu'il y a une épidémie de grippe ou de gastroentérite, l'argent manque. Et le coût des dispositifs médicaux augmente beaucoup plus vite que l'indice des prix.
Nous proposons que les établissements soient rémunérés de la même façon pendant les dix ou quinze premiers jours d'hospitalisation des malades chroniques - en quelque sorte un système intermédiaire entre la T2A et le budget global.
L'assurance maladie ne contrôle plus les établissements. Il y a encore quelques années, les services administratifs conseillaient les médecins et plaçaient les patients. Les hospitaliers ont pris la relève mais le coût n'est pas neutre. Enfin, le conseil médical a été perdu.
La T2A doit être davantage orientée par le généraliste. Aujourd'hui, la démarche clinique est en recul ; des batteries d'examen sont réalisées avant de tenter un diagnostic. Les sociétés d'imagerie se sont multipliées : elles coûtent cher sans que le service rendu soit toujours pertinent.