Intervention de Alain Gubian

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 1er avril 2015 à 10h30
Audition de M. Alain Gubian directeur financier directeur des statistiques des études et de la prévision de l'acoss agence centrale des organismes de sécurité sociale

Alain Gubian :

Merci monsieur le président, je tiens à excuser l'absence de M. Jean-Louis Rey, directeur de l'Acoss, qui est en déplacement et ne pouvait donc pas être devant vous ce matin.

Je voudrais, en premier lieu, souligner que l'Acoss centralise non seulement les recettes des caisses du régime général de la sécurité sociale, mais également celles d'autres organismes, dont le RSI ou l'Unedic. Les encaissements de l'Acoss couvrent donc un champ beaucoup plus large que le seul régime général de la sécurité sociale

En 2014, le total des encaissements s'est élevé à 476 milliards d'euros, pour un montant décaissé ou « tirages » de 490 milliards d'euros, soit une variation de trésorerie de 13,7 milliards d'euros. Ce dernier chiffre peut certes être mis en rapport avec le déficit de la sécurité sociale mais avec précaution. Dans le champ de l'Acoss, les recettes sont en effet mesurées en encaissements. Pour autant, l'Acoss contribue à la production des comptes en droits constatés qui sont en cours de réalisation.

La préoccupation de l'Acoss porte avant tout sur la trésorerie ; le paiement des retraites suppose par exemple de mobiliser 9 milliards d'euros en une journée.

Les chiffres des encaissements ne donnent pas une vision globale des comptes de la sécurité sociale et il convient d'attendre la publication du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) en juin prochain.

Avant d'aborder les recettes, il convient d'évoquer la conjoncture, en particulier l'évolution de la masse salariale et de ses deux composantes, l'emploi et le salaire moyen par tête (SMPT).

Les chiffres du 4ème trimestre 2014, connus depuis le 10 mars 2015, offrent une vision complète sur l'ensemble de l'année. Le produit intérieur brut (PIB) n'a cru que de 0,4 % en 2014, comme en 2012 et en 2013, contre une prévision de 0,9 %. Dans ce contexte pour autant, l'emploi est resté globalement stable alors qu'il avait baissé de 0,6 % en 2013. Cette relative bonne tenue de l'emploi, malgré la faiblesse de la croissance, doit être soulignée : il y a 15 ou 20 ans, il fallait 2 % de croissance pour ne pas détruire de l'emploi. La contrepartie de cette relative stabilité de l'emploi est la faiblesse des gains de productivité.

La croissance du salaire moyen par tête est très modérée, s'élevant à 1,6 % au lieu de 2,1 %. La masse salariale ne progresserait donc que de 1,5 % en moyenne annuelle au lieu de 2,2 %. Par rapport aux estimations élaborées au moment du vote de la LFSS initiale, ce faible dynamisme de la masse salariale, inférieur de 0,7 % aux prévisions, se traduit par des recettes assises sur les salaires moins élevées que prévu à hauteur de 1,4 milliard d'euros. La prévision d'évolution de la masse salariale avait toutefois été révisée en septembre 2014 à 1,6 %. Cette évolution n'a donc que peu d'impact sur les écarts par rapport aux prévisions de septembre.

Dans le même temps, l'inflation a été nettement inférieure aux prévisions (0,5 % en moyenne annuelle au lieu de 1,3 %). Il résulte de la croissance du salaire moyen par tête et de la faiblesse de l'inflation une hausse du pouvoir d'achat de 1,1 %, identique à l'évolution constatée en 2013 mais moindre qu'en 2011 et 2012.

Nous sommes donc dans une situation très atypique où le ralentissement des salaires nominaux permet néanmoins des gains de pouvoir d'achat.

La mise en relation de ces éléments avec les soldes annoncés par le Gouvernement n'est pas un exercice aisé. Il convient d'attendre la CCSS de juin pour connaître le détail du milliard d'euros supplémentaire. Je peux toutefois vous donner d'ores et déjà quelques éléments en recettes.

Sur l'année, on peut noter l'impact important du ralentissement de la masse salariale sur cotisations et la CSG du secteur privé. On peut également noter le moindre rendement des prélèvements sur les revenus du capital, pour des raisons d'assiette mais aussi d'impact des mesures prises précédemment. Cet élément était toutefois déjà pris en compte au moment de la révision des prévisions (baisse de 4 %), effectuée en septembre, et ils ne permettent donc pas d'expliquer l'écart entre ces prévisions révisées et les chiffres que nous découvrons aujourd'hui.

Sur le secteur privé, on observe une dynamique globale des cotisations de 2 %, variable selon les branches. Elle est ainsi de 3,4 % pour la branche AT-MP, encore plus forte pour la cotisation « vieillesse déplafonnée » mais moindre pour la branche famille.

Ces évolutions différenciées selon les branches ne font que traduire l'évolution des taux. Hors mesures nouvelles, les cotisations sont au rythme de l'assiette de 1,5 %, en phase avec la prévision de septembre. Il n'y a donc pas d'écart significatif à la prévision pour ce qui concerne les cotisations assises sur la masse salariale du secteur privé.

Par rapport aux prévisions du mois de septembre, on peut en revanche citer le dynamisme de la masse salariale dans le secteur public, qui a cru de 2 % en moyenne, porté notamment par la fonction publique territoriale (3 %), les hôpitaux (2 %) beaucoup plus faiblement par l'Etat (1,4 %). Cette évolution se traduit par un écart favorable de l'ordre de 200 à 250 millions d'euros.

La croissance des rendements de la CSG acquittée par les travailleurs indépendants a également été plus rapide que prévu. La complexité des prévisions en la matière incite à une certaine prudence qui peut expliquer l'écart.

Enfin, parmi les autres ressources de la sécurité sociale, il convient de noter le dynamisme du forfait social (+ 4 %), alors que la commission des comptes tablait sur une certaine stabilité. Cela représente de l'ordre de 200 millions de recettes supplémentaires.

La TVA, les droits « tabacs » figurent parmi les 140 milliards encaissés directement par l'Acoss. Les recettes ont été conformes aux prévisions de septembre.

Les recours contre tiers peuvent aussi avoir généré des recettes supplémentaires mais elles figurent par définition dans les comptes des branches sur lesquels l'Acoss n'a pas de vision.

Les principales mesures nouvelles sont, pour l'essentiel des mesures d'évolution des taux.

Le décret de juillet 2012 sur les retraites prévoyait une augmentation du taux de cotisation de 0,1 % qui se traduit par 500 millions d'euros de cotisations supplémentaires dont 450 pour la Cnav et 50 pour le RSI.

Au 1er janvier 2014 la hausse de 0,15 point de la cotisation vieillesse patronale était compensée par une baisse équivalente de la cotisation famille ce qui n'a donc d'effet qu'entre les branches.

En revanche, la hausse de 0,15 % des cotisations salariales se traduit par 480 millions d'euros supplémentaires.

Le déplafonnement du risque vieillesse des travailleurs indépendants se traduit par 10 à 15 millions d'euros.

Parmi les mesures de transfert de l'Etat, on peut citer la hausse de la part nette de TVA affectée à la branche maladie à hauteur de 3 milliards.

Autre élément qui peut aussi compliquer l'analyse : 2014 a été la première année où l'Acoss a centralisé l'ensemble des recettes de la sécurité sociale. Sur l'ensemble de l'année, elle a ainsi reçu 5,4 milliards d'euros pour les reverser à des partenaires (Cades, Fsv, Cnsa, Fnsa), dont la moitié à la Cades.

Les exonérations de cotisations, qui progressent globalement de 3 %, constituent un facteur important pour les recettes de la sécurité sociale. Elles représentent 26,4 milliards d'euros en 2014 contre 25,6 milliards en 2013. Elles se répartissent en :

- 19,8 milliards d'euros au titre des exonérations « Fillon » qui progressent de 2,2% soit une augmentation de 300 millions ;

- environ 3 milliards d'exonérations compensées par l'Etat, en baisse de 2,2 % ;

- 3,5 milliards d'exonérations non-compensées, soit une augmentation de 13,7 %, qui traduit la montée en puissance des contrats aidés comme les contrats uniques d'insertion et les emplois d'avenir, dans une conjoncture de l'emploi déprimée. Ces mesures sont rattachées à des mesures antérieures à la loi de 1994 qui a posé le principe de la compensation intégrale à la sécurité sociale.

Les montants d'exonération avaient bien été anticipés en septembre et ne contribuent donc pas à l'écart constaté.

Le solde financier de l'Acoss avant financement du déficit est de - 27,5 milliards d'euros, contre -23,8 milliards en 2013, - 16,6 milliards en 2012, - 4,7 en 2011 après une reprise de dette exceptionnelle. Ce niveau reste nettement inférieur à celui atteint en 2010 (- 49,5 milliards d'euros) avant qu'un nouveau transfert à la Cades ne soit décidé.

L'écart par rapport à 2013 est donc de 3,7 milliards, une variation de solde qui traduit à la fois, comme vous l'avez dit monsieur le président, une reprise de dette à hauteur de 10 milliards d'euros et 13,7 milliards de dépenses supérieures aux recettes sur le champ de la sécurité sociale. A l'horizon 2016, si la conjoncture économique est au rendez-vous, nous devrions nous retrouver avec un montant de déficit égal à la reprise de dette. Je rappelle que la loi de financement pour 2011 a permis des reprises de dette au-delà de la seule branche vieillesse qui a été rendue destinataire de recettes nouvelles, qui peuvent bénéficier à la branche maladie ou à la branche famille. La branche maladie a ainsi bénéficié de 4 milliards de reprise de dette en 2014.

Le solde de 27,5 milliards à fin 2014 est réparti de la façon suivante :

 - 16,9 milliards d'euros pour la branche maladie ;

 - 1,26 milliards d'euros pour la branche AT/MP ;

 - 5,8 milliards d'euros pour la branche famille ;

- 4,4 milliards d'euros pour la branche vieillesse.

Ce qui représente un total de 28,4 milliards pour les branches. Les organismes partenaires contribuent positivement au solde de l'Acoss à hauteur de 900 millions d'euros.

D'un point de vue technique, l'Acoss sait faire face à un tel solde qu'elle finance en faisant notamment appel à des emprunts auprès de la Caisse des dépôts (18 % du déficit en 2014) mais surtout en s'appuyant sur des titres du marché monétaire via l'Agence France Trésor pour partie. Les conditions actuelles de marché permettent un financement à très faible coût. La contrepartie d'un financement à court terme est d'être exposé à un risque de taux. Mais tant qu'ils restent faibles, les gains financiers sont importants. Le taux d'intérêt à court terme auquel s'est financé l'Acoss en 2014 s'élève ainsi à 0,2 % en moyenne annuelle, plutôt le double pour des taux bancaires, et a même été négatif en fin d'année. Le montant des intérêts débiteurs versés en 2014, 44 millions d'euros, a été plus important qu'en 2013 (26 millions d'euros) pour plusieurs raisons : le solde à financer était plus important, la part des emprunts bancaires était plus élevée. On peut rappeler que le solde à financer en 2014 (22 milliards) était relativement comparable à celui de 2008, 21 milliards d'euros. Mais l'année 2008, avec un montant d'intérêts débiteurs beaucoup important, 832 millions d'euros illustre bien l'effet des taux d'intérêt à court terme : ils étaient alors de 4 % en moyenne annuelle, ce qui représente une évolution très importante sur une période assez courte.

Il n'appartient pas à l'Acoss de se prononcer sur l'opportunité d'une nouvelle reprise de dette par la Cades, qui devrait s'accompagner d'un transfert de ressources nouvelles afin de ne pas prolonger la durée de vie de cette caisse au-delà de 2024. L'avantage d'une reprise par la Cades est évidemment une consolidation à long terme sur des taux bas. L'Acoss peut simplement faire valoir une compétence en matière de financement, validée par les agences de notations. Sur les trois dernières années, les taux d'intérêts débiteurs sont restés inférieurs à 0,2 %.

S'agissant spécifiquement de la branche AT/MP, on observe une réduction continue du déficit cumulé, qui s'explique par les excédents dégagés chaque année.

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