Je dresserai un constat globalement plus sévère et ce d'autant que les CME de CH étaient favorables à la mise en place des ARS.
Il y a besoin d'une structure permettant d'assurer une cohérence entre la médecine hospitalière, la médecine de ville et le médico-social, la dimension régionale nous apparaissant la bonne échelle. Cependant, après quelques années de mise en place, on ne peut que constater certaines difficultés. Elles sont parfois la conséquence de comportements ou de relations personnelles conflictuelles, nous l'avons dit. Mais au travers de l'analyse faite par le rapport Boiron-Fellinger qui rejoint le constat dressé par notre conférence, ces conflits peuvent renvoyer aussi aux missions assignées aux ARS par le législateur, à leur pilotage national qui multiplie les circulaires et les indicateurs et au type de relation entre ARS et établissements de santé. S'agit-il de relations contractuelles, tutélaires ou partenariales ?
Vous nous avez interrogés sur les conséquences de la création des ARS sur le fonctionnement des établissements de santé, y compris sur les équipes soignantes. Tout dépend du degré d'implication des ARS dans le fonctionnement des établissements. Trois constats s'imposent à notre conférence :
1. Il y a un problème de compréhension de la politique des ARS. Elle n'est ni transparente ni lisible. Si l'on prend par exemple la question de la vision territoriale de l'offre de soins, on rencontre des cas d'incitation à créer des communautés hospitalières de territoire et d'autres où, au contraire, il y a injonction de faire.
La dissociation entre les projets, même une fois validés, et leurs financements, qui parfois ne suivent pas, est également très mal ressentie.
Enfin, il y a un sentiment, de la part des équipes soignantes, d'une ingérence dans l'organisation des établissements de santé que ce soit en matière de politique d'achat, que certaines ARS voudraient uniformiser sur l'ensemble du territoire, ou de ressources humaines lorsqu'il y a conflit. Ceci paraît entraîner une perte d'autonomie des établissements de santé.
2. Il y a aussi une forte lourdeur bureaucratique.
Les Cpom sont imposés aux établissements avec des délais contraints et un nombre d'indicateurs démesuré, près de 200 dans une région !
Le processus d'élaboration du projet régional de santé (PRS) est également disproportionné et aboutit à des documents de 900 à 1 000 pages, ce qui est contraire à l'objectif de plus large diffusion et d'appropriation du document.
La « culture » de la réunion est aussi décourageante, avec des convocations au dernier moment et souvent des difficultés à obtenir un retour ou une traduction concrète sur le terrain, ce qui conduit inévitablement à s'interroger sur l'utilité de se rendre à la énième réunion sur le même sujet.
Par ailleurs, les délégués territoriaux n'ont pas de marge de manoeuvre. Ils doivent systématiquement rendre compte avant toute décision, ce qui les prive de toute autonomie tout en étant source d'une grande rigidité. On constate toutefois un certain rééquilibrage.
Il est très difficile d'identifier les acteurs dans les ARS et ils ne communiquent pas entre eux de façon transversale.
3. On constate aussi un échec du décloisonnement.
Les ARS n'ont pas une implication suffisante dans la médecine libérale et dans le médico-social et on a parfois le sentiment que les agences s'occupent des établissements pour lesquels elles ont un levier d'action, c'est-à-dire l'hôpital. Sur ce point, il n'y a toutefois pas d'homogénéité entre les régions.
Sur la démocratie sanitaire, elle fonctionne dans l'ensemble. Le directeur d'ARS s'appuie sur les commissions spécialisées. La commission permanente qui est mensuelle approuve le Schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (Sross) et, en Aquitaine, assure le suivi. La conférence territoriale ne dispose d'aucun moyen.
S'agissant des contrôles relatifs à la tarification à l'activité, les ARS informent généralement les établissements mais il y a un problème de méthode. Les contrôles dépendent beaucoup de la personnalité des contrôleurs qui n'aident pas toujours les établissements à se préparer. Les échanges avec les départements de l'information médicale (DIM) sont problématiques. Les contrôles ciblent trop souvent des atypies, des actes frontières et cette pratique est diversement ressentie.
Sous prétexte de régulation, rôle que par ailleurs nous ne remettons pas en question, les ARS ont parfois tendance à s'immiscer dans la gestion des établissements, ce qui suscite incompréhension et pose la question du périmètre de leurs compétences.
Nous recherchons avec les ARS un véritable dialogue stratégique, voire des initiatives dans le but de favoriser la coopération, les réseaux et le décloisonnement entre les différents acteurs de santé.
En fait, cela revient à se demander si les ARS doivent avoir une relation de partenariat ou de tutelle avec les établissements. Comment un directeur d'établissement public de santé peut-il manifester des désaccords lorsqu'il sera ensuite évalué par la même autorité ? C'est là que le président de CME peut jouer un rôle en participant aux discussions avec la tutelle et en exprimant les préoccupations partagées avec le directeur. Dans cette perspective, il pourrait cosigner les Cpom, ce qui est une de nos propositions en faveur d'un rééquilibrage.
Il faut aussi reconnaître que les ARS sont dépendantes du pilotage national. Elles ont de nombreuses missions qui leur ont été confiées par le législateur et font elles-mêmes face à une multiplication des indicateurs. Ceci les conduit à s'éloigner de l'objectif de mise en place d'une véritable stratégie régionale.
La question de l'autonomie des ARS rejoint la problématique des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) et du fonds d'intervention régional (FIR).
Notre conférence fait le constat d'un manque de transparence sur la répartition des Migac et s'interroge sur le caractère totalement fongible de l'enveloppe FIR dont on ne connaît pas les « clés » de distribution. De plus, il faut, à un niveau supérieur, s'assurer d'une certaine équité entre les régions : un contrôle national nous semble opportun, associé à une exigence de transparence.
Sur l'organisation administrative et politique, nous pensons qu'aujourd'hui le système mis en place est extrêmement rigide entre l'échelon national, l'échelon régional et le local, c'est-à-dire les territoires.
On observe des injonctions venant d'en haut que les ARS doivent appliquer en exerçant un rôle de tutelle et en gommant toute notion d'autonomie des établissements de santé. Ceci crée un problème de confiance avec les acteurs de terrain.