Intervention de Stéphane Seiller

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Régime social des indépendants — Audition de M. Stéphane Seillier directeur général

Stéphane Seiller, directeur général du RSI :

Je souhaite tout d'abord rappeler que le RSI est l'organisme en charge de la protection sociale des travailleurs indépendants. Il sert chaque année 17 milliards d'euros de prestations maladie, d'indemnités journalières, de prestations invalidité et de retraite de base et complémentaire.

Bien qu'il incarne avant tout la sécurité sociale des travailleurs indépendants, il est trop souvent perçu comme un simple collecteur de cotisations, alors même qu'il délègue cette compétence à l'Acoss. Les administrateurs du régime ont, il est vrai, toujours souhaité que les courriers de recouvrement partent avec le logo du RSI, ce qui a pu renforcer le problème de perception. Il y a de ce point de vue une coresponsabilité du régime avec l'Acoss et sans doute avec les pouvoirs publics.

Le recouvrement des cotisations est tourné vers le versement des prestations. Il y a de ce point de vue une différence notable avec le régime des salariés. Ceux-ci sont couverts que leur employeur paie ou non les cotisations sociales. Le travailleur indépendant ne bénéficie des prestations en espèces que s'il est à jour de ses paiements. Il en découle que le RSI ne peut s'intéresser uniquement à son activité de prestations. Il doit pouvoir contrôler que le travailleur indépendant a déclaré ses revenus.

Ce contrôle s'effectue par exemple lors de chaque arrêt de travail, même si nous sommes en train d'assouplir cette mesure pour les prolongations d'arrêt.

Les administrateurs du RSI ont été élus il y a deux ans par 800 000 travailleurs indépendants. Ils s'efforcent d'apporter aux affiliés la meilleure protection possible, notamment en débloquant des aides de premier secours face aux catastrophes naturelles.

Il est regrettable que les problèmes de recouvrement focalisent l'attention des médias qui sont travaillés par un mouvement de contestation souvent porté par les partisans d'un recours aux assurances privées en lieu et place de l'affiliation obligatoire à la sécurité sociale.

Le RSI s'est néanmoins efforcé de résoudre la crise. Lors de la création de l'ISU, en matière d'affiliation, 10 à 15 % des flux d'informations ne passaient pas entre le RSI et les Urssaf. En conséquence, certaines cotisations n'étaient jamais appelées et les personnes n'étaient pas couvertes. A l'inverse, certaines radiations n'étaient pas prises en compte et les cotisations continuaient d'être appelées.

Aujourd'hui la majorité des administrateurs du RSI et l'Acoss ont pour objectif de travailler ensemble et avec les Urssaf afin de surmonter les problèmes parfois posés par des textes qui établissent des frontières impossibles à respecter.

Ce travail est en cours et c'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas ouvrir un nouveau chantier législatif dont l'issue serait incertaine.

Nous avons adopté un plan d'action en 2011 pour sortir de la crise et des textes réglementaires ont été pris qui institutionnalisent des équipes communes RSI-Acoss. Des conventions sont signées au niveau régional selon des modalités définies au plan national.

Six régions se sont engagées dans cette voie dès 2013. A la fin de l'année prochaine, un service commun entre le RSI et les Urssaf disposant d'une direction commune sera mis en place dans toutes les régions de France. Nous procédons de la même façon au niveau national. Au-delà de la bonne entente entre les directeurs généraux, les règles de fonctionnement entre nos deux organismes sont désormais institutionnalisées. En particulier, le RSI et les Urssaf détachent des agents, dont la liste est définie, pour travailler de façon commune en back office.

Nos performances en matière de recouvrement se sont améliorées. Le taux de restes à recouvrer, qui s'était fortement dégradé avec la mise en place de l'interlocuteur social unique (ISU), a diminué de trois points depuis la fin de l'année 2011, ce qui correspond à environ un demi-milliard d'euros. Cette évolution intervient dans un contexte économique dégradé où les restes à recouvrer ont plutôt tendance à augmenter dans l'ensemble des régimes. A-t-on retrouvé pour autant les performances antérieures à la mise en place de l'ISU ? Il est difficile de répondre à cette question car, à l'époque, coexistaient quatre opérateurs de recouvrement différents, qui ne les comptabilisaient pas de la même manière. Certaines régions, comme la Bretagne, ont retrouvé des taux de non-recouvrement historiquement bas. Leurs marges d'amélioration pour les années à venir sont par conséquent réduites. D'autres ont en revanche plus de mal à revenir sur les habitudes qui ont pu être prises au cours des dernières années. Notre objectif en 2014 est de diminuer d'encore un point le taux de restes à recouvrer. Cela sera plus ou moins facile selon les régions.

La Cour des comptes avait parlé en 2012 de « catastrophe industrielle » à propos de la mise en place de l'ISU. Nous sommes aujourd'hui en mesure d'améliorer les choses. Pour ce faire, le RSI encourage les Urssaf à adopter une perspective qui ne leur est pas nécessairement familière afin de tenir compte de deux particularités : d'une part, les cotisations ont pour contrepartie directe le versement des prestations et, d'autre part, elles représentent des sommes peu élevées par rapport à la masse recouvrée par les Urssaf, ce qui implique pour ces dernières d'adopter une approche un peu plus individualisée.

En 2013, le RSI a accordé 320 000 délais de paiement de cinq à six mois en moyenne, ce qui représente un montant de trésorerie de 1,7 milliard d'euros. Il est dans la tradition du RSI d'accorder à ses cotisants de telles facilités. Mais il est vrai que la période de crise que nous avons connue n'a pas facilité la mise en oeuvre de ce type de mesures.

Nous sommes aujourd'hui dans une dynamique d'amélioration du fonctionnement du RSI et de travail en commun avec les Urssaf. De ce point de vue, il ne nous paraît pas nécessaire d'ouvrir à nouveau la boîte de Pandore législative. Revenir au système préexistant constituerait une régression et serait très coûteux. Sans doute aurait-on pu procéder autrement. Je rappelle que l'ISU a été mis en place à une époque où nous engagions un mouvement de fusion de nos caisses sans précédent dans le champ de la sécurité sociale. Nous sommes en effet passés de 90 à 30 caisses et estimons qu'il faudra encore aller plus loin. A l'époque, nous n'avions pas les capacités nécessaires pour envisager un autre scénario qui aurait consisté à effectuer nous-mêmes le recouvrement. Une telle solution aurait d'ailleurs impliqué de reprendre aux Urssaf le recouvrement des cotisations famille et de la CSG, ce qui aurait entraîné des difficultés au sein même de ces structures. Le scénario adopté était donc le plus prudent. Mais la réforme s'est effectuée de façon précipitée et le travail de rapprochement culturel n'a pas été suffisant.

Nous souhaitons par ailleurs porter un certain nombre de mesures de simplification en matière de recouvrement. Jusqu'à présent, les cotisations versées sont calculées sur le dernier revenu déclaré. En pratique, cela crée un décalage de l'assiette de deux ans, situation problématique s'agissant d'activités qui peuvent avoir un caractère erratique. Le Parlement a voté une évolution qui sera applicable en 2015 et permettra de recouvrer les cotisations sur la base des revenus de l'année N-1. En outre, depuis plusieurs années, le travailleur indépendant, lorsqu'il pense que son revenu va baisser, peut en communiquer une estimation afin que les cotisations soient révisées sur cette base. Nous faisons la promotion de ce dispositif qui, bien qu'utilisé par un nombre croissant de cotisants, reste encore trop peu connu. 180 000 personnes y ont fait appel en 2012. Elles étaient 430 000 en 2013. Ces deux changements que je viens d'évoquer permettent de s'approcher du système d'auto-liquidation demandé par certains experts comptables sans remettre en cause notre mode de fonctionnement historique fondé sur l'appel des cotisations.

Beaucoup d'autres mesures de simplification pourraient être mises en oeuvre. Depuis trois ans, le RSI propose chaque année à la direction de la sécurité sociale de ne plus poursuivre les cotisants qui, ayant arrêté leur activité en cours d'année, ne se sont pas acquittés du paiement de leurs cotisations. Actuellement, la réglementation nous oblige à recouvrer ces sommes. Or cela implique, pour des montants très faibles, d'engager un processus complexe à gérer, qui vient augmenter nos restes à recouvrer et suscite de l'incompréhension. Confrontées à l'échec de leur activité, les personnes concernées souhaitent avant tout passer à autre chose et ne coopèrent pas immédiatement, ce qui rend parfois nécessaire l'intervention d'un huissier.

Le RSI porte également un certain nombre de propositions s'agissant des prestations. Je pense en particulier aux règles d'ouverture du droit au versement des indemnités journalières en cas de prolongation d'un arrêt de travail. Dans une logique assurantielle, celui-ci ne devrait pas être subordonné au fait que le paiement des cotisations soit à jour, comme c'est le cas actuellement. Nous travaillons avec l'administration à une mesure de simplification sur ce point.

La dématérialisation constitue également un autre chantier, notamment pour les auto-entrepreneurs. Le RSI salue la simplification du régime applicable aux auto-entrepreneurs, même si la réforme lui semble devoir être mise en oeuvre dans des délais très contraints. Il nous semble cependant que la véritable simplification consiste dans la dématérialisation. Actuellement, 80 % des auto-entrepreneurs continuent d'effectuer leurs déclarations en utilisant des formulaires papiers et de régler leurs cotisations par chèque. Cette situation est très difficile à gérer pour les Urssaf. La simplification des règles applicables aux cotisants devrait donc trouver sa contrepartie dans le fait d'encourager plus vivement ceux-ci à utiliser internet. Si l'on prend l'exemple de l'impôt sur les sociétés, toutes les entreprises ont l'obligation d'utiliser la voie dématérialisée.

Le Gouvernement a annoncé la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Il s'agit d'une mesure que le RSI n'avait pas nécessairement demandée. Nous versons 17 milliards de prestations sans être maîtres de la réglementation applicable aux risques couverts, ce qui justifie l'existence d'un dispositif de solidarité nationale nous permettant d'équilibrer nos régimes de base. Jusqu'à présent, c'est la C3S qui assure cette fonction. En 2012, le déficit du RSI s'élevait à 2,7 milliards d'euros. Il était de 2,15 milliards d'euros en 2013 devrait s'approcher de 2,5 milliards d'euros en 2014. La baisse observée en 2013 est liée à l'augmentation des cotisations décidée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

L'autre raison - moins connue - qui justifie nos réticences face à la suppression de la C3S, tient au fait que c'est le RSI qui assure le recouvrement de cette contribution. Il faudra donc être en mesure d'assurer le reclassement des 150 personnes qui vont perdre leur activité si la C3S est supprimée.

Nos administrateurs ont interrogé le Premier ministre pour savoir comment serait compensée la perte de recette pour le RSI. La piste du relèvement des cotisations semble exclue. Le RSI souhaiterait pouvoir disposer d'une ressource bien identifiée plutôt que de versements effectués dans le cadre d'un mécanisme de compensation inter-régimes.

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