Intervention de Yves Guégano

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 21 janvier 2015 à 15h00
Audition de M. Pierre-Louis Bras président du conseil d'orientation des retraites cor sur l'actualisation des projections financières du système de retraite

Yves Guégano, secrétaire général du COR :

Lors de sa réunion du 16 décembre dernier, le COR a rendu publiques ses nouvelles projections financières du système de retraite à l'horizon 2060. Ce sont ces travaux que je vais vous présenter aujourd'hui en cinq points : les hypothèses sur lesquelles se fondent nos projections, les résultats à court terme de ces projections, leurs résultats à l'horizon 2060, l'impact d'un taux de chômage restant durablement à 10 % sur les résultats obtenus et, enfin, les conditions de l'équilibre financier du système de retraite.

Le décret du 20 juin 2014 fixe la liste des indicateurs dont nous devons assurer le suivi. Parmi eux figure le solde financier du système de retraite sur 25 ans. Pour réaliser nos projections financières, nous utilisons les hypothèses démographiques de l'Insee. Nous tenons compte de l'ensemble du cadre juridique existant. Enfin, nous envisageons différents scénarios économiques : d'une part, plusieurs niveaux de croissance des revenus d'activité, dans une fourchette allant de 1 à 2 % de croissance ; d'autre part, un taux de chômage qui est selon les cas de 4,5 ou de 7 %. Le COR ayant été régulièrement critiqué pour son volontarisme sur les chiffres du chômage, nous avons décidé pour la première fois d'envisager également les effets d'un taux de chômage qui se maintiendrait durablement à 10 % de la population active. Nous obtenons ainsi toute une série de projections possibles, dont la plus favorable envisage une croissance des revenus d'activité de 2 % et un taux de chômage de 4,5 % et la moins favorable une croissance des revenus d'activité de 1% et un taux de chômage de 10 %.

A court terme, nous sommes tenus juridiquement de nous baser sur les hypothèses économiques retenues par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Ces hypothèses demeurent incertaines, ainsi que l'a rappelé dans son avis le Haut Conseil des finances publiques.

A court terme, le résultat de nos projections montre que le besoin de financement du système de retraite serait compris entre 7 et 9 milliards d'euros, soit entre - 0,3 et - 0,4 % du PIB à horizon 2018, dont environ 1,4 milliard et 5,5 milliards de déficit respectivement pour les régimes de base et les régimes complémentaires. Par construction, le régime de retraite des fonctionnaires, qui relève du compte d'affectation spécial « Pension », est à l'équilibre. Toutefois, le COR essaie de mettre en lumière l'effort supplémentaire auquel devra consentir l'Etat pour équilibrer ce régime en 2018 à hauteur de 2 milliards d'euros.

Le solde financier du système de retraite dépend de trois grands indicateurs : le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités, le taux de prélèvement global et la pension moyenne de l'ensemble des retraités. Le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités diminue continûment et la baisse s'est accélérée depuis 2006 avec le départ à la retraite des générations nombreuses du baby-boom. La hausse de la pension moyenne s'explique par des effets de structure : des revenus plus élevés et l'augmentation du taux d'activité des femmes expliquent que les jeunes retraités bénéficient de pensions plus importantes que celles des générations précédentes. Il faut aussi tenir compte de la diminution de la part du non-salariat dans l'économie, ainsi que du développement des régimes complémentaires.

En termes de prévisions à court terme, la baisse du nombre de cotisants va se poursuivre mais à un rythme plus ralenti, en raison des effets de la réforme des retraites de 2010. Le taux de prélèvement global a connu une très forte hausse ces dernières années, et il devrait augmenter encore légèrement puis stagner dans les années à venir. Enfin, le rapport entre la pension moyenne et les revenus d'activité devrait connaître une légère baisse car les pensions augmenteront moins rapidement que les salaires.

Il est important de décomposer le déficit des régimes de retraite entre déficit conjoncturel et déficit structurel. L'analyse du déficit ces dernières années montre que celui-ci était structurel dès 2006 en raison des premiers effets du papy-boom. La dégradation du solde a culminé en 2010 puis a été réduite grâce aux différentes réformes des retraites adoptées à partir de cette date, notamment les hausses de cotisations et le relèvement de l'âge légal de 60 à 62 ans. A partir de 2017, le relèvement de l'âge légal à 62 ans sera terminé et le déficit structurel repartira à la hausse dès 2018. A l'heure actuelle, le déficit est aussi en partie conjoncturel. A plus long terme, nous analysons uniquement le déficit structurel puisque nous nous basons sur différentes estimations possibles de la croissance potentielle du pays.

Si nous nous plaçons à présent à l'horizon 2060, nous voyons que le rapport entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités diminuera plus ou moins en fonction du taux de chômage. Le taux de prélèvement global diminuerait légèrement pour des raisons de structure, car la masse salariale du secteur public serait moins dynamique que celle du secteur privé. Le plus marquant est la baisse des pensions par rapport aux revenus d'activité et cette baisse sera par construction d'autant plus importante que les salaires augmenteront : ce phénomène résulte du choix d'indexer les pensions sur les prix.

Un des principaux facteurs explicatifs de l'évolution du ratio entre le nombre de cotisants et le nombre de retraités est l'âge effectif de départ à la retraite des Français. Cet âge dépend des relèvements de l'âge légal, des hausses de la durée de cotisations et des hypothèses de comportements des individus. Aujourd'hui, cet âge effectif est environ de 61 ans. En 2018, il devrait être de 62 ans. Sous l'effet des réformes de 2010 et de 2014, il devrait atteindre 64 ans en 2040. Il n'évoluerait plus au-delà de 2040 en cas d'absence de nouvelles réformes. Les ressources consacrées au système de retraite resteraient stables aux environs de 13,5 % du PIB. La part des dépenses dans la richesse nationale sera en revanche très sensible à la croissance des revenus d'activité : plus ceux-ci connaîtront une croissance élevée, plus la part des pensions dans le PIB sera faible.

L'analyse de nos projections montre la sensibilité du système de retraite à la croissance. Si les scénarios les plus favorables se réalisent, le système reviendrait à l'équilibre, voire connaîtrait des excédents à partir de la deuxième moitié des années 2020. L'impact du taux de chômage est nettement moins important que celui de la croissance des revenus d'activité. Un taux de chômage se maintenant à 10 % à long terme entraînerait par exemple un creusement du déficit du système de retraite de 0,1 % du PIB en 2020 alors qu'1 % d'incertitude sur la masse salariale du secteur privé représente un aléa de 5,5 milliards d'euros pour les ressources du régime général !

Les projections que nous venons de vous montrer doivent servir au Comité de suivi des retraites pour formuler des recommandations ainsi qu'aux décideurs, afin de leur permettre de réfléchir aux meilleurs moyens de ramener notre système vers l'équilibre financier. Dans tous les cas de figure, il faudra faire des choix : comment revenir à l'équilibre si la situation financière n'est pas favorable ? Si l'équilibre est atteint, cet équilibre sera-t-il satisfaisant du point de vue de l'équité ? Si le système enregistre des excédents, comment seront-ils redistribués ? Pour répondre à ces questions, il convient de regarder attentivement les trois indicateurs que je vous ai détaillés au cours de mon intervention.

Il n'existe pas de consensus sur les mesures à prendre mais nous avons un ordre de grandeur de l'impact financier des différents leviers à disposition des décideurs publics. Ainsi, relever d'un an l'âge effectif du départ à la retraite améliore le solde du système de 0,6 % du PIB pour l'année 2040. Le pilotage du système doit en tout état de cause tenir compte du double objectif de pérennité financière et d'équité.

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