Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, arrivés au terme de notre débat concernant le projet de loi de programme pour la recherche, nous restons déçus malgré le travail attentif de la commission des affaires culturelles et celui de la commission spéciale, présidée par notre collègue Jacques Valade.
En effet, si nous percevons bien l'intention de piloter la recherche par l'intermédiaire du pouvoir politique en privilégiant l'articulation avec le secteur privé, nous ne voyons pas ici de projet de renforcement d'un secteur public dont les grands laboratoires de recherche sont reconnus internationalement aujourd'hui afin que la recherche privée s'y adosse.
La croissance des dépenses publiques rapportées au PIB n'est pas à la hauteur des besoins de notre recherche, ni des exigences de Lisbonne.
L'absence de plan pluriannuel sur cinq ans fait de ce texte plus une loi d'orientation qu'une loi de programmation.
C'est d'autant plus vrai que les six milliards d'euros en trois ans que vous avancez ne seront pas consacrés à la recherche publique et se divisent entre déductions fiscales, Agence nationale pour la recherche et crédits récurrents.
En privilégiant le financement sur projet, vous faites courir un autre risque à la recherche publique puisque vous orientez l'investissement de l'État vers le secteur privé.
Quant aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, comme la mise en place des campus de recherche, nous n'y retrouvons pas ce que les états généraux proposaient, à savoir la création de structures de coopération pluridisciplinaires pour permettre une réelle mise en réseau d'équipes de recherche et de laboratoires.
Les recherches fondamentales de long terme qui devraient être financées par l'État dans le cadre de cette harmonisation public-privé proposée ne sont pas mises en évidence.
L'université, élément important d'une recherche bien organisée et efficace dans la chaîne de la connaissance et de la recherche, est laissée en dehors du texte ou presque ; j'ai en effet envie de dire que vous ne touchez pas à la loi de 1984 sur l'organisation de l'enseignement supérieur ; vous la contournez... pour l'instant !
Quant au secteur privé, il est encouragé à renforcer ses positions technologiques et incité à augmenter ses dépenses de recherche ; mais, là encore, la loi reste déclamatoire, comme les choeurs de l'Opéra qui chantent : « Marchons, marchons ... » tout en restant sur place !
Les nouvelles instances créées devront s'articuler avec le système déjà existant et soulèveront des problèmes que nous ne voulons pas préjuger ; mais l'empilement de structures ne résoudra pas les difficultés de concertation horizontale entre structures publiques, ou structures publique et privée, concertation qui existe et qu'il fallait certainement encourager à travers les organismes existants.
La question de l'emploi, dans l'ensemble de la recherche, dans le public comme dans le privé, la question du statut des enseignants-chercheurs, la question du développement des carrières, toutes ces questions sont abordées sans engagement clair.
Les normes européennes évaluent à 44 000 emplois le déficit d'emplois en France. Et alors que des plans pluriannuels de créations d'emplois ont été décidés pour l'armée et la justice, vous proposez à la recherche 3 000 emplois en 2006, des CDD et des ATER, qui précarisent le statut de chercheur associé. Je ne parlerai pas des 70 000 jeunes doctorants, tant vos décisions n'ont aucune commune mesure avec l'urgence de la situation de notre recherche.
Je ne m'étendrai pas sur le projet européen de la recherche que notre pays doit intégrer ni sur les enjeux mondiaux pour l'espèce humaine d'une politique avisée de la recherche, sauf à citer à ce sujet le Premier ministre de l'Inde indépendante, M. Nehru : « Seule la science peut résoudre les problèmes que posent la faim et la pauvreté, l'insalubrité et l'analphabétisme, la superstition et les coutumes et traditions paralysantes, le gaspillage des ressources, le peuplement d'un pays riche par des hommes qui meurent de faim... Qui donc pourrait se permettre d'ignorer la science d'aujourd'hui ? À chaque instant, nous devons rechercher son aide ... L'avenir appartient à la science et à ceux qui s'en veulent les amis ! »
Je terminerai en rappelant ce que le Conseil économique et social souligne de façon insistante dans son appréciation : « la mise en oeuvre sera cruciale ... il convient d'avancer à un rythme soutenu, tant le retard accumulé sur certains pays est important ... ».
Croyez bien, monsieur le ministre, que mes amis du groupe CRC et moi-même resterons vigilants. En attendant, nous ne pourrons pas voter ce texte.