Périmètre trop restreint, focalisation sur le court terme, vision utilitariste de la recherche, complexification du système par la superposition des structures : telles sont les grandes orientations de ce projet de loi. Cette analyse, que nous avions déjà développée pendant la discussion générale, demeure d'actualité, puisque les amendements adoptés ne modifient pas l'économie générale du texte.
J'émets cependant un souhait, celui que les quelques amendements parmi ceux que nous avons proposés qui ont reçu un vote favorable ne soient remis en cause ni à l'Assemblée nationale ni en commission mixte paritaire. Je pense à l'inscription dans la loi de l'ANR comme établissement public, aux règles de déontologie des membres de l'Agence nationale de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, ou à l'indexation de l'allocation de recherche sur l'évolution des salaires de la fonction publique.
Toutefois, ces mesures ne représentent qu'une goutte d'eau par rapport à l'océan de nos besoins en termes de programmation pluriannuelle de l'emploi scientifique et d'attractivité des carrières. Nous n'avons pu, en effet, que modifier le texte à la marge.
Quant à la programmation financière, déjà obsolète dans sa partie rétroactive, elle n'est que poudre aux yeux. Au mieux permettra-t-elle de maintenir les moyens de la recherche. De fait, vous accentuez le décrochage déjà à l'oeuvre par rapport aux objectifs de Lisbonne.
Tout comme l'Europe, l'université est la grande absente de cette réforme, alors que son rôle et sa part dans la recherche française sont essentiels. Elle se trouve au coeur de l'excellence de notre recherche. Or, vous ne lui donnez même pas les moyens de la gouvernance des nouvelles structures de coopération que vous créez ! Les dotations financières risquent également de se concentrer sur quelques pôles insérés dans le tissu économique, au détriment des autres universités.
Parce que vous ne lui garantissez pas des moyens pérennes, vous fragilisez encore davantage la recherche publique. Il est périlleux de tout orienter vers l'innovation et le court terme. Il est dangereux pour notre recherche à moyen et long terme de tout miser sur la recherche par projets, à travers le financement de l'ANR, aux dépens des moyens de base des laboratoires.
D'ores et déjà, le CNRS fait les frais de cette logique. Ses crédits récurrents baissent, sa politique scientifique est fragilisée par la progression des financements indirects, par le biais de l'ANR, parce que les projets sélectionnés ne correspondent pas forcément à ses orientations.
Ce projet de loi constitue avant tout un alibi, pour ne pas démentir, sur la forme, les promesses du Président de la République. En réalité, non seulement votre texte ne répond pas aux enjeux de la recherche pour notre avenir, mais il torpille littéralement l'élan et l'espoir suscités par la mobilisation de la communauté scientifique.
Nous ne pouvons cautionner cette démarche et - vous n'en serez pas surpris - nous voterons donc contre ce projet de loi.