Intervention de Pascal Brière

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Médicaments génériques — Seconde table ronde consacrée à l'évaluation de la politique française du médicament générique

Pascal Brière, président du Gemme :

La politique du générique en France est avant tout un grand succès. Pourtant, elle n'a véritablement démarré qu'en 1999 avec le droit de substitution, accordé aux pharmaciens par le ministre de l'époque, Bernard Kouchner, après l'échec de la politique précédente visant à imposer aux médecins de prescrire des génériques. La position des médecins à l'égard de ces médicaments n'a finalement pas vraiment évolué depuis, si l'on en juge par les prises de position rapides sur l'affaire du Furosémide. Certains ont très vite décrété qu'il s'agissait de génériques, dans leur esprit nécessairement produits en Asie, alors que l'usine concernée se situe à Sens, ville de Chine centrale comme chacun le sait ! En outre, cette usine est approvisionnée par des usines européennes.

Le marché du générique représente certes 20 % du marché en valeur et 27 % en volume mais, lorsque le produit n'est plus breveté, les génériques représentent 80 % des boîtes vendues : peu de pays peuvent se targuer d'atteindre un tel niveau.

Sur le plan sanitaire, cette politique est également un succès, car on n'a jamais eu vent d'un problème réel de tolérance ou d'effets secondaires de ces médicaments, alors que près de 800 millions de boites de génériques sont vendues chaque année dans notre pays. Dans l'exemple récent du Furosémide, qui est très vraisemblablement une fausse alerte, les informations sont remontées en quatre heures seulement à l'ANSM, qui a alors décidé de retirer les produits du marché.

Je remarque que le débat sur la bioéquivalence des génériques ne se pose qu'en France. Je rejoins ici les propos tenus par Sylvain Picard. Peut-être trouve-t-il sa source dans la mise à l'écart des médecins qui a certainement suscité une forme de ressentiment, par conséquent, un déficit d'information des patients et un sentiment de défiance à l'égard des génériques. Les patients doivent être rassurés par leurs médecins sur ces médicaments. Je voudrais dire aux médecins enclins à critiquer les génériques qu'ils doivent, en tout état de cause, faire remonter les éventuels effets secondaires des médicaments au titre des règles de pharmacovigilance qui s'imposent à tous.

Je crois également que les économies sur le générique sont devant nous. Pour cela, il faut rétablir la confiance à travers des actions de communication, comme le souhaitent l'Igas, l'ANSM et les syndicats de pharmaciens. Voilà un an que nous le demandons aussi, mais les pouvoirs publics semblent sourds à nos appels.

Si on atteignait 50 % de génériques, on dégagerait deux milliards d'économies supplémentaires par an. Il faudrait pour cela que la moitié des prescriptions médicales se porte sur des médicaments pour lesquels existent des génériques. Or, actuellement, 70 % de la consommation pharmaceutique porte sur des médicaments encore protégés par des brevets. Le problème ne vient pas d'une durée des brevets plus longue en France qu'ailleurs, mais de la propension des médecins à prescrire majoritairement des médicaments récents qui leur paraissent plus innovants.

La Cnam a par exemple réalisé une étude sur les statines, utilisées pour traiter le cholestérol. Au moment de l'introduction des génériques de deux médicaments largement utilisés jusqu'alors, les médecins ont massivement reporté leur prescription sur le Crestor, nouveau venu sur le marché. Pourtant, le service médical rendu de l'ensemble de ces médicaments est tout à fait équivalent et le prix du nouveau est de 30 euros, contre 10 euros pour le générique des deux précédents...

L'enjeu économique consiste donc à avoir une prescription efficiente : utiliser les génériques lorsqu'on le peut et conserver les produits d'innovation à leur juste place. En France, nous avons une énorme réserve en termes de prescriptions.

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