Intervention de Mathilde Lignot-Leloup

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 19 juin 2013 : 1ère réunion
Médicaments génériques — Seconde table ronde consacrée à l'évaluation de la politique française du médicament générique

Mathilde Lignot-Leloup, directrice déléguée à la gestion et à l'organisation des soins de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) :

Du point de vue de l'assurance maladie, les médicaments génériques constituent un enjeu économique pour la maîtrise des dépenses de santé. En 2012, ces médicaments ont ainsi permis une économie de 1,5 milliard d'euros, plus importante que les années précédentes grâce à une progression du taux de substitution : il est passé de 72 % en avril 2012 à 84 % à la fin de l'année. Nous avions déjà connu de tels taux dans le passé mais on avait effectivement observé un essoufflement depuis 2008-2010 comme l'a indiqué le rapport de l'Igas.

Quels sont les leviers à notre disposition pour promouvoir les génériques ?

Tout d'abord, nous avons passé une nouvelle convention avec les pharmaciens en 2012 et la mesure « tiers payant contre génériques », permise par le Parlement dès 2007 et réactivée à cette occasion, a eu un effet notable auprès des assurés. Son application n'était pas homogène sur le territoire. Dorénavant, dès qu'un patient refuse la délivrance d'un générique, il a le droit de recevoir le princeps mais il ne bénéficie alors plus du tiers payant, et se trouve donc remboursé seulement a posteriori. Ce dispositif comporte évidemment des exceptions pour les médicaments aux marges thérapeutiques étroites, en ce qui concerne l'épilepsie par exemple.

Il est accompagné plus généralement d'une part de rémunérations sur des objectifs de santé publique pour les pharmaciens et d'un engagement de ne pas changer de traitement et de marque de générique, afin d'éviter les risques de confusion chez les patients âgés, habitués à la forme et à la couleur de leurs cachets. L'an dernier, 85 % des pharmacies ont respecté cet engagement. Nous avons récemment signé un nouvel accord avec la profession pour 2013.

Deuxième levier : les médecins. A partir de 2009, le contrat d'amélioration des pratiques individuelles (Capi) a fixé des objectifs aux médecins traitants pour prescrire dans le répertoire des médicaments génériques. Nous avons généralisé cette mesure dans la nouvelle convention médicale au titre de la rémunération sur objectifs.

L'action auprès des médecins est effectivement plus récente. Nous suivons attentivement les indicateurs fixés dans la convention, nous présentons aux médecins leurs profils individualisés et leur rappelons les objectifs. Les résultats sont concluants, la prescription dans le répertoire des généralistes a augmenté : plus 16 points pour les statines, plus 12 points pour les inhibiteurs de pompe à protons (IPP).

Nous avons également développé les aides à l'équipement pour que les médecins se dotent d'un logiciel d'aide à la prescription. Le nombre de logiciels certifiés par la Haute Autorité de santé (HAS) est parallèlement passé de 2 à 26.

Malgré ces efforts, le taux d'utilisation des génériques reste très en deça de ceux observés dans d'autres pays. Alors que leur taux d'utilisation pour les statines varie selon les produits entre 38 % et 54 % en France, il atteint quasiment 99 % en Allemagne.

Autre élément à signaler : des études réalisées en 2012 en vie réelle ont montré qu'il n'y avait pas de différence de morbi-mortalité ou d'efficacité entre les princeps de simvastatine et leurs génériques. Plus récemment, en mai dernier, nous avons publié une comparaison entre la rosuvastatine, la seule statine qui n'a pas de générique, et l'ensemble des autres statines. Sur 165 000 personnes observées pendant trois ans, aucune différence n'est à signaler entre ces molécules en termes d'efficacité. Malgré cette équivalence d'efficacité, on constate des différences de prescription très nettes entre la France et les autres pays européens.

Le prix des génériques demeure plus élevé dans notre pays qu'à l'étranger et, on l'a vu, les médecins français ont davantage tendance à prescrire des médicaments en dehors du répertoire, par attrait pour la nouveauté, que leurs homologues européens. En 2012, le coût moyen du générique est de 15 centimes d'euros en France, contre 12 centimes en Allemagne et nettement moins dans d'autres pays. Un alignement des prix sur l'Allemagne permettrait une économie de 400 millions d'euros. Dans cette optique, des décisions ont été prises par les pouvoirs publics pour augmenter la décote sur les princeps et baisser les prix des génériques.

S'agissant des structures de prescription, l'étude précitée sur la rosuvastatine a montré que cette molécule était utilisée dans seulement 0,5 % des volumes en Allemagne, moins de 4 % en Angleterre, mais 30 % en France, ce taux atteignant même 35 % en initiations de traitement et 45 % pour les prescriptions des cardiologues. Cette différence dans les prescriptions entraîne des coûts de traitements élevés, sans que l'on ait forcément des gains en termes d'efficacité et de santé pour les patients.

Au final, si on avait, pour les statines, les mêmes structures de prescription et les mêmes prix qu'en Allemagne, on dégagerait une économie de 500 millions d'euros, dont 300 millions grâce au seul effet prix et 200 millions d'euros pour l'effet structure.

Il faut donc agir en amont, dès l'hôpital, où se font en général les initiations de traitement, ainsi qu'auprès des spécialistes. On a commencé à le faire en 2012 avec les cardiologues, à travers une rémunération sur objectifs qui n'a commencé à faire sentir ses effets qu'en septembre dernier.

Pour l'assurance maladie, le développement des génériques constitue un enjeu majeur et l'engagement doit être poursuivi auprès de l'ensemble des professionnels, notamment auprès des médecins.

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