a indiqué que les séances de travail du Cor autour de la question de la pénibilité se sont déroulées dans un climat serein et constructif. Les analyses scientifiques présentées n'ont suscité de réaction négative ni de la part des syndicats de salariés, ni de la part du patronat. Les contacts bilatéraux établis avec les partenaires sociaux ont permis de mettre au jour les positions des uns et des autres. Du côté des représentants des employeurs, le sujet de la pénibilité fait certes l'objet d'une attention particulière, mais est aussi source d'inquiétudes dans la mesure où les dépenses liées à la prise en compte de la pénibilité pourraient être imputées aux entreprises. Une partie du patronat se montre, par ailleurs, toujours réticente à l'idée d'admettre que le travail peut affecter l'espérance de vie. Cet état de fait est plus facilement reconnu dans d'autres pays. Du côté des syndicats de salariés, un travail de réflexion approfondi a été mené sur la problématique de la pénibilité. Les représentants syndicaux sont cependant animés d'un sentiment contradictoire : ils se sentent mandatés par les salariés pour obtenir des possibilités de départ en retraite précoce (50 % des Français disent vouloir partir plus tôt), mais craignent aussi qu'une telle mesure ne soit prise pour solde de tout compte.
Le lien entre organisation du travail et pénibilité s'observe dans l'ensemble des pays industrialisés depuis les années soixante-dix. L'intensification du travail, qui se caractérise par des contraintes de temps plus lourdes, le réaménagement des objectifs, la coupure entre le haut et le bas de la hiérarchie au sein des entreprises, a contribué à détériorer les conditions de travail. Assurément, les récents suicides chez France Télécom s'inscrivent dans ce contexte. Le travail est de plus en plus vécu comme une source d'inquiétudes, de frustrations, y compris par les salariés expérimentés. C'est en promouvant une meilleure maîtrise des risques psychosociaux que le travail retrouvera du sens aux yeux des individus et que ceux-ci cesseront de vouloir partir plus tôt.
Il existe deux types de travaux statistiques montrant la corrélation entre âge de décès et vie professionnelle antérieure : ceux qui tentent de déterminer, au sein d'une même catégorie sociale (les éboueurs, les imprimeurs de presse...), les différences d'espérance de vie entre individus et ceux qui, à propos d'une pathologie donnée (cancer du poumon, par exemple), essayent de mettre en évidence les disparités sociales (davantage de cas de cancer du poumon chez les ouvriers que chez les cadres). En revanche, les outils scientifiques actuels ne permettent pas de déterminer les seuils à partir desquels l'exposition à des facteurs de pénibilité a des conséquences néfastes sur la longévité. En tout état de cause, la prise en compte de la pénibilité dans le système de retraite doit combiner une approche individuelle et une approche collective. L'idée force est de considérer que ce n'est pas l'appartenance à un métier qui compte, mais les conditions de travail vécues par chaque individu. En effet, tous les travailleurs, y compris ceux exerçant la même activité, n'ont pas le même parcours professionnel. Cette approche individuelle est cependant difficile à organiser sur le plan institutionnel. Aussi, une fois des critères de pénibilité interprofessionnels fixés, puis déclinés par branche, un système à trois niveaux pourrait être proposé :
- le premier identifierait les individus qui ne peuvent en aucun cas avoir droit à réparation au titre de la pénibilité ;
- le troisième déterminerait les métiers qui sont intrinsèquement pénibles (par exemple, fondeur) ;
- le niveau intermédiaire conjuguerait une dimension à la fois individuelle et collective : une commission départementale assistée d'experts serait chargée d'étudier les dossiers individuels pour identifier ceux qui justifient des mesures particulières.
Sans doute serait-il souhaitable de combiner compensation et réparation de la pénibilité, ce qui permettrait de traiter le stock et le flux. L'évaluation en fin de vie active de la pénibilité subie au cours de la carrière professionnelle pourrait faire l'objet d'une réparation. Parallèlement, l'analyse en temps réel des situations de travail pénible pourrait donner lieu à une compensation destinée aux travailleurs concernés.