Intervention de François Monier

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 29 mai 2007 : 2ème réunion
Evolution du périmètre de la protection sociale — Audition de M. François Monier conseiller maître à la cour des comptes secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale

François Monier :

en a convenu, mais il a considéré que la mise à contribution des usagers ou des assurances complémentaires permet avant tout de diminuer la dépense plutôt que d'accroître les recettes. En 2006, les régimes de base de la sécurité sociale ont été financés par 200 milliards de cotisations, 100 milliards d'impôts et taxes et 15 milliards de transferts de l'Etat. Si des besoins de financement futurs apparaissent pour la branche vieillesse, il faudra sans doute les combler par une augmentation des cotisations. La même solution devra être retenue pour les accidents du travail ou l'assurance chômage. En ce qui concerne la famille, le mode de financement actuel constitue une véritable anomalie, puisqu'il est composé de cotisations patronales et d'un peu de CSG. Or, le financement patronal prête à discussion. L'idéal serait que l'intégralité de la branche soit financée par les impôts, en particulier la CSG. Tant sur le plan économique que sur le plan de la logique des risques, puisqu'il s'agit d'une branche à vocation universelle, ou d'une meilleure transparence, il faudrait donc remplacer les cotisations employeurs par de la CSG, ce qui exigerait d'augmenter les salaires.

En ce qui concerne la branche maladie, les prestations en espèces des indemnités journalières doivent rester entièrement financées par des cotisations. Pour le reste, les dépenses d'assurance maladie ont plutôt vocation à être financées par des recettes de nature fiscale, comme la CSG, ou, pourquoi pas ? la TVA. Le recours à un impôt général est certainement la meilleure méthode, au moins pour les besoins futurs. A cet égard, la CSG apparaît comme l'impôt le plus satisfaisant, comportant le moins de défauts sur le plan économique en raison de son prélèvement immédiat et présentant une assiette touchant directement les principaux intéressés par les dépenses. Le débat mené en 2006 sur un changement d'assiette des recettes de la sécurité sociale a été rendu difficile par le faible montant de cotisations qui subsiste au niveau du Smic. Il en est toutefois ressorti que, pour un changement d'assiette aussi important, on ne pouvait en attendre que très peu d'avantages, en particulier en termes d'emploi. La TVA sociale peut éventuellement être une solution acceptable, mais elle présente sans doute un risque inflationniste et sa mise en oeuvre ne peut être que limitée compte tenu des taux déjà élevés applicables dans notre pays.

a souligné que, seuls, des prélèvements simples à assiette large facilitent réellement la clarté des choix. En outre, aucun prélèvement ne possède les caractéristiques d'une croissance supérieure à celle du PIB sur longue période. Cela signifie qu'un apport de recettes supplémentaires est inévitable pour la sécurité sociale, mais pas qu'il doit y avoir une augmentation des prélèvements sociaux, puisque les prélèvements de l'Etat doivent pouvoir continuer à baisser, de même que ceux de la branche famille, par exemple.

La distinction entre le contributif et l'assurantiel n'est pas totalement pertinente. Il vaut mieux distinguer, d'une part, les prestations universelles comme la maladie, hors indemnités journalières, et la famille, qui doivent être financées par des impôts ou des cotisations salariales, d'autre part, les prestations en lien avec le salaire, comme la retraite ou le chômage, qui doivent être financées par les cotisations. Un partage précis est toutefois très difficile, puisque la plupart des branches mélangent solidarité et universalité.

Puis il a insisté sur le problème majeur des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, même si les montants financiers en cause ont beaucoup diminué au cours des dernières années et ne s'élèvent plus qu'à 15 ou 20 milliards d'euros sur un total de 400 milliards d'euros de dépenses. Le jaune budgétaire, qui fait la synthèse de ces mouvements financiers, mériterait d'être clarifié, car il ne fait pas bien ressortir ce qui entre dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale et ce qui constitue des concours de l'Etat à la sécurité sociale. Favoriser la réduction de cette masse de transferts, voire sa suppression, en raison des problèmes systématiques qu'ils posent notamment pour la sécurité sociale, est une piste à étudier. Il paraîtrait, en effet, plus intéressant de remplacer les transferts par des impôts et taxes et de créer une étanchéité encore plus grande entre les ressources de l'Etat et celles de la sécurité sociale. Dans ce cadre, il conviendrait alors de réfléchir au meilleur moyen de respecter la loi de 1994 en matière de compensation des allégements de charges sociales.

Au cours des deux dernières années, de véritables progrès ont été enregistrés dans la coordination des différents services responsables de la préparation des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale. La création du ministère des comptes publics devrait encore améliorer cette articulation, en particulier à l'étape des derniers arbitrages pour laquelle le rapport conjoint de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF) de 2005 reste d'actualité.

Puis M. François Monier a convenu des très grandes insuffisances de l'annexe B sur le cadrage pluriannuel du projet de loi de financement de la sécurité sociale, trop peu développé et explicité. A cet égard, il faut constater que tous les documents de prévision pluriannuelle présentés au cours des dernières années ont été démentis par les faits. Il est regrettable qu'ils ne comportent aucun caractère contraignant pour le Gouvernement. Leur appropriation par les ministères sociaux est également encore insuffisante, car fixer des objectifs ambitieux est une chose, mais déterminer les moyens d'y parvenir en est une autre. Il pourrait donc être judicieux d'introduire des éléments contraignants dans la projection pluriannuelle, comme le font certains pays, sur une durée de trois ans : si un engagement n'est pas tenu une année, il devra impérativement l'être l'année suivante afin de permettre le respect des objectifs fixés à l'échéance de ces trois années. Par ailleurs, il est important d'effectuer un meilleur chiffrage des mesures nouvelles et d'en contrôler la pertinence a posteriori, car il faut éviter de revoir un dérapage comme celui lié à la nette sous-estimation de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje).

a ensuite présenté les trois conditions nécessaires au bon fonctionnement d'un comité d'alerte : un objectif public de référence, des moyens de suivi infra-annuel, enfin des moyens de corriger la dérive si celle-ci est diagnostiquée. De telles conditions existent pour l'assurance maladie, du moins en partie, puisque les moyens de corriger la dérive des dépenses hospitalières ne sont pas totalement disponibles. En revanche, pour la branche famille, ces moyens ne paraissent pas exister, puisque l'essentiel des dépenses correspond à des droits. La seule marge sur laquelle on pourrait intervenir est la masse relativement limitée des dépenses d'action sociale. En outre, pour les branches vieillesse et famille, on observe depuis quelques années des modifications de comportement de grande ampleur, particulièrement difficiles à prévoir, ce qui n'était pas le cas auparavant.

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