Intervention de Rolande Ruellan

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 30 mai 2007 : 1ère réunion
Evolution du périmètre de la protection sociale — Audition de Mme Rolande Ruellan présidente de la 6e chambre de la cour des comptes et de M. Michel Braunstein conseiller maître

Rolande Ruellan :

a confirmé que les difficultés de coordination entre les deux textes sont plus liées aux hommes qu'à un éventuel défaut de travail en commun des administrations concernées. Il semble en particulier que la direction de la sécurité sociale et la direction de la législation fiscale soient parvenues à un très bon niveau de concertation et c'est donc plus en aval, notamment lors de la discussion parlementaire, que les difficultés apparaissent, reflétant en réalité des rapports de force de nature politique.

Réitérant son scepticisme à l'égard de solutions mettant en avant de nouvelles procédures pour régler les problèmes qui ne peuvent l'être que par une réelle volonté de maîtrise de la dépense, elle a exprimé son inquiétude sur les dangers potentiels de la nouvelle architecture gouvernementale en train de se mettre en place. Sortir les questions de financement de la compétence des ministères sociaux leur conférera peut-être un caractère exclusivement dépensier, au risque de les déresponsabiliser.

Achevant la présentation des propositions des chambres pour accroître la clarification des relations entre le budget et les lois de financement, Mme Rolande Ruellan a souligné le rôle de la certification des comptes de l'Etat et de ceux du régime général, qui devrait permettre de faire clairement apparaître la dette de l'Etat à l'égard des organismes de protection sociale.

Interrogée sur la notion de droits acquis par le travail, Mme Rolande Ruellan a rappelé que certains droits à prestations restent, dans le système français, liés à la qualité de travailleur : les retraites et, plus nettement encore, les accidents du travail - maladies professionnelles. Tel n'est pas le cas en revanche pour les prestations maladie et famille qui ont un caractère universel. Il est regrettable de ce point de vue que l'on ne soit pas allé jusqu'au bout du processus de fiscalisation de l'assurance maladie dans un souci de cohérence, après la création de la CMU.

A y regarder de plus près, les retraites ne constituent pas non plus un pur produit d'assurance. En effet, la nature contributive de la retraite connaît beaucoup d'aménagements : les pensions sont plus que proportionnelles à l'effort contributif, à la faveur même des règles de calcul ou de majorations diverses. Mais la tendance depuis quinze ans est bien de rendre les retraites plus strictement contributives, renvoyant ainsi à des mécanismes d'assistance sous condition de ressources (le minimum vieillesse) le soin de compléter les pensions les plus faibles.

a ensuite souligné la difficulté rencontrée pour finir de faire basculer le financement des branches famille et maladie dans le champ de la fiscalité. La partie du financement de ces branches toujours assise sur les salaires est en effet constituée de cotisations patronales que l'on ne sait pas, en l'état actuel des choses, convertir en impôt. Cette conversion, qui suppose la réintégration des cotisations supprimées dans le salaire direct afin de compenser la hausse de CSG imputée aux salariés, est sans doute jouable pour les grandes entreprises, mais elle paraît plus difficile à mettre en oeuvre dans les petites entreprises du fait de l'absence de syndicats et de contrôle.

Répondant à la question de savoir si la fiscalisation progressive des recettes des organismes de protection sociale répond à un mouvement inéluctable, Mme Rolande Ruellan a estimé que la fiscalisation des recettes est souhaitable, notamment pour la branche famille, tout en rappelant que ce mouvement ne doit pas être confondu avec une budgétisation. La budgétisation de la branche famille ne serait d'ailleurs pas de l'intérêt de l'Etat, même si l'excédent structurel de cette branche est appelé à réapparaître.

En réalité, la complexité dont parlent MM. Alain Lambert et Didier Migaud vient d'une fiscalisation rampante. L'essentiel de ce point de vue est d'aboutir à une clarification, ce qui a commencé à être fait avec l'instauration d'un panier fiscal destiné à compenser les allégements généraux de cotisations à la place de l'ancien système confus de subventions par l'Etat. On voit bien que ce mouvement de substitution d'impôt affecté aux subventions de l'Etat est contradictoire avec l'idée de fusion et que c'est bien dans cette voie qu'il faut continuer d'avancer.

A ce sujet, Mme Rolande Ruellan a indiqué que le rapport de la Cour des comptes sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale de 2006, qui paraîtra en septembre 2007, comprendra une insertion sur le « mitage » de l'assiette des cotisations. Cette insertion fera apparaître que le régime général perd plusieurs milliards d'euros de cotisations chaque année du simple fait des diverses exonérations non compensées. Or, il n'existe pas de bilan de l'avantage coût/efficacité de ces exonérations.

Abordant ensuite la question des moyens de couverture des dépenses à caractère social au cours des prochaines années, compte tenu d'une évolution très dynamique, elle a confirmé le constat selon lequel on anticipe plutôt une augmentation des dépenses de santé et surtout de retraite supérieure à celle du PIB. Les projets de réforme élaborés par des experts ont toujours recommandé de partager les efforts entre professions de santé et assurés, entre cotisants et retraités actuels et futurs.

Pour la retraite, les choix de principe ont déjà été réalisés dans la réforme de 2003 : l'équilibre financier doit se faire par l'effet combiné des trois leviers que sont l'âge de la retraite, en jouant sur la durée nécessaire pour avoir une retraite à temps complet, le taux de cotisation retraite et le taux de remplacement. Les travaux récents du Conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent qu'une action limitée à l'âge de départ à la retraite obligerait à reporter celui-ci de trois ans ; agir uniquement sur le taux de cotisation imposerait une majoration de quatre points ; enfin, l'utilisation du seul levier du taux de remplacement contraindrait à réduire celui-ci de vingt points. Dans ces conditions, il conviendra d'agir sur les trois leviers à la fois pour répartir l'effort et le rendre plus supportable. En outre, toute modification des règles devra comprendre un objectif d'égalité de traitement entre cotisants, c'est-à-dire s'attaquer à la réforme des régimes spéciaux.

En ce qui concerne l'assurance maladie, l'avenir de son financement passe par un accroissement de la productivité du système de distribution des soins, qu'il s'agisse de la répartition géographique des équipements hospitaliers, de la réorganisation interne de l'hôpital, de la mise en place d'une médecine de ville mieux organisée ou de la redistribution des compétences entre les médecins et les paramédicaux. Du côté des assurés, il faudra se préoccuper de la répartition du reste à charge. 60 % des dépenses d'assurance maladie sont aujourd'hui causées par les patients en affections de longue durée (ALD), proportion qui ne cesse d'augmenter.

Cette question des ALD est aujourd'hui prioritaire, mais la Haute Autorité de santé, chargée notamment de revoir les protocoles d'admission aux ALD, ne semble pas vouloir se saisir de ce sujet et reste pour l'instant en « stand by ».

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