Intervention de Jean-Yves Grall

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Agences régionales de santé — Audition de M. Jean-Yves Grall directeur général de la santé

Jean-Yves Grall, directeur général de la santé :

Je vous remercie pour cette invitation. Ce sujet me tient particulièrement à coeur car j'ai été directeur de l'ARH puis de l'ARS de Lorraine. Je tiens tout d'abord à souligner l'importance de la création des ARS, qui se sont substituées à sept entités préexistantes. Cette assimilation de structures et de personnels de statuts différents demande du temps avant de produire pleinement tous ses effets. Je porte donc un regard pragmatique sur l'évaluation des ARS trois ans après leur naissance : c'est une durée qui, dans ce contexte, me semble sur certains points un peu courte.

En ce qui concerne le positionnement de la DGS vis-à-vis des ARS, je n'ai pas assisté à la mise en place des ARS en tant que DGS puisque j'ai pris mes fonctions il y a environ deux ans. Néanmoins, après le choc de décloisonnement qui a eu lieu en région, il me semble qu'on assiste à un développement progressif de la transversalité au niveau central, que ce soit dans les administrations ou dans les relations avec l'assurance maladie. Le rapport de la Cour des comptes souligne bien l'approche insuffisamment stratégique du CNP. De mon point de vue, cette fonction de coordination est culturellement nouvelle pour les administrations centrales, il faut donc un certain temps pour qu'elle produise pleinement ses effets. Etant membre du CNP, je pense que celui-ci a évolué, qu'il est désormais bien intégré dans le paysage et je suis partisan du renforcement de la fonction de secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales dans ce périmètre. Cela pourrait également conduire à la rectification du périmètre de certaines directions d'administration centrale.

Le CNP a deux fonctions : il assure la mise en cohérence stratégique de l'ensemble des partenaires nationaux pour définir et impulser une politique nationale dans le champ des ARS et il joue le rôle de filtre des instructions envoyées aux ARS afin de les harmoniser. L'analyse commune des instructions permet de mettre en lumière des lignes stratégiques communes à tous les acteurs concernés. Les ARS demandent d'ailleurs une unité, une meilleure coordination dans la transmission de ces instructions : le CNP est à ce titre particulièrement utile.

Un point qui n'est pas assez mentionné est la demande régulière des agences sanitaires d'avoir la possibilité de donner directement des instructions aux ARS. En tant qu'autorité de tutelle de la plupart de ces agences, je me dois d'être prudent sur cette question et de prendre garde à ne pas submerger l'opérateur unique en région de demandes provenant de l'ensemble des structures nationales. Je porte, en CNP, les requêtes des agences sanitaires : c'est une des responsabilités de la tutelle. Le CNP est bien le point de sortie des demandes nationales.

La création des ARS a eu un impact sur le fonctionnement et la structure de la DGS. Ainsi, un bureau spécifique chargé de l'organisation et de la coordination des instructions ou des politiques à destination des ARS a été récemment créé. Il sert d'interface entre la direction générale et le CNP. Les discussions se poursuivent régulièrement entre les directions « métier » et celles des ARS, avant que la formalisation des instructions n'ait lieu.

Au-delà de ces questions d'organisation, les directions d'administration centrale doivent porter une attention particulière au caractère opérationnel des instructions et bien veiller à distinguer ce qui relève du niveau national de ce qui relève du niveau régional. Il y a sûrement encore du chemin à faire pour que la transversalité nécessaire se traduise de façon plus stratégique et pour que les évolutions intervenues loin de Paris y trouvent un écho, afin que certains agents cessent de considérer les ARS comme des services déconcentrés de l'Etat. C'est un combat quotidien que je mène, mon expérience de directeur d'ARS m'ayant montré qu'il s'agit d'un travail de fond indispensable à mener.

Quelle cohérence entre une politique nationale de santé publique et les projets régionaux de santé (PRS) ? Il faut qu'il y ait un cadre stratégique, des principes édictés au niveau national, et que leur déclinaison sur le terrain soit faite par les ARS. Cette appropriation d'une politique qui a vocation à toucher l'ensemble du territoire ne peut pas se faire de façon uniforme et identique en Lorraine ou en Bretagne. Les ARS ont vocation à adapter la politique publique au niveau de leur territoire, avec leurs acteurs, leurs spécificités et l'épidémiologie qui est la leur. De mon point de vue, il faut renforcer l'autonomie des ARS tout en gardant les principes d'action d'une politique menée sur l'ensemble du territoire et définie au niveau national. Il faut faire preuve de bon sens pour l'adapter ensuite au niveau régional.

Sur le plan financier, le fonds d'intervention régional (FIR) est un levier intéressant, à conforter dans sa vocation transversale et polyvalente mais également sur le plan quantitatif. Les actions de prévention et de promotion de la santé bénéficient de la fongibilité asymétrique, ce qui me semble être une bonne chose. J'ai plaidé, dès l'origine, pour que les crédits du programme 204 consacrés à la prévention soient intégrés dans le FIR. En 2012, ces actions ont bénéficié de sept millions d'euros supplémentaires par ce biais dans l'ensemble du pays.

Dans le champ de la santé publique, deux types d'actions sont menées en région : la déclinaison ou l'adaptation des politiques publiques nationales et le traitement de problèmes sanitaires spécifiques, ce qui démontre tout l'intérêt des ARS. Les deux peuvent coexister sans antagonisme.

Enfin, le développement de l'animation territoriale, au plus proche des populations, répond à une véritable demande. Il faut une traduction opérationnelle des politiques publiques auprès des populations. Les ARS offrent une telle opportunité, grâce à des outils dont les résultats sont très satisfaisants, comme le contrat local de santé, qui associe l'ARS, les collectivités territoriales, les associations, voire les professionnels de santé, dans une logique de décloisonnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion