Intervention de Pierre Bruandet

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 6 avril 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de M. Pierre Bruandet responsable de l'entité politiques sociales et salariales à la régie autonome des transports parisiens ratp

Pierre Bruandet :

a présenté le régime de retraite de la RATP, en insistant sur les deux réformes qu'il a connues en 2006 et en 2008. Sa création repose sur le décret du 23 septembre 1959 portant statut de la RATP, pris en application de l'ordonnance du 7 janvier 1959. Historiquement, la RATP avait compétence pour gérer le régime de retraite du personnel, qui présentait avant réformes les caractéristiques suivantes :

- un taux plein atteint à trente-sept annuités et demie ;

- le calcul de la pension sur la base du salaire des six derniers mois ;

- un âge de départ fixé à soixante ans avec trente ans de service, pour les sédentaires, mais l'existence de dérogations pour certaines catégories de personnels : cinquante ans avec vingt-cinq de service pour les agents d'exploitation, cinquante-cinq ans pour les agents de maintenance ;

- l'octroi de bonifications d'annuités dans la limite de cinq années aux agents d'exploitation et de maintenance ;

- des taux de cotisations salariale et patronale respectivement fixés à 7,85 % et 15,35 % ;

- un déficit structurel du régime couvert par des fonds publics (indemnité compensatrice initialement versée par l'Etat, puis par le syndicat des transports d'Ile-de-France - Stif - depuis 2000).

Le régime spécial a fait l'objet de deux réformes successives dans les années 2000, l'une modifiant son mode de financement, l'autre, les droits de ses ressortissants. Deux raisons ont conduit à la première réforme, mise en oeuvre en juin 2006 : d'une part, l'obligation de se conformer aux normes comptables internationales IAS (qui imposent à une entreprise disposant de son propre régime de retraite d'inscrire ses engagements dans ses états financiers ou, à défaut, de les externaliser) ; d'autre part, les difficultés de provisionner dans les comptes de l'entreprise les dépenses de retraite, estimées à 23 milliards d'euros. A cela s'est ajoutée la nécessité de supprimer toute distorsion de concurrence avant l'entrée en vigueur du règlement européen sur les obligations de service public dans les transports terrestres - règlement dit « OSP ». La création, au 1er janvier 2006, d'une caisse de retraite du personnel de la RATP indépendante, la CRP RATP, a permis de clarifier la situation juridique, comptable et financière du régime. Cette caisse est chargée de recouvrer le produit des cotisations, de liquider et de servir les pensions. L'engagement de la RATP est limité au versement des cotisations patronales, dont le taux a été porté au niveau du droit commun soit 18 %. Le taux des cotisations salariales est, quant à lui, passé de 7,85 % à 12 %.

Les décrets du 26 décembre 2005 ont également prévu l'adossement du régime spécial au régime général et aux régimes complémentaires, dans l'objectif de réduire la participation financière de l'Etat. Le transfert des droits de base au régime général suppose de l'Etat le versement d'une soulte à la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) pour compenser le déficit démographique du régime spécial, évaluée en 2004 à 700 millions d'euros, et le versement aux régimes complémentaires d'une participation aux réserves techniques d'environ 180 millions d'euros. A la suite de la notification à la Commission européenne de ce dispositif, les travaux préalables à l'adossement ont été interrompus dans l'attente de la qualification, par celle-ci, de la procédure d'adossement au regard du droit européen de la concurrence. Dans sa décision du 13 juillet 2009, la Commission européenne a estimé que la création de la caisse de retraite de la RATP était constitutive d'une aide d'Etat compatible avec les traités communautaires, sous réserve que la réforme soit entièrement mise en oeuvre. Tel n'a pas été le cas jusqu'à présent et la RATP appelle en conséquence de ses voeux la réalisation de l'opération d'adossement afin de se mettre en conformité avec les règles européennes relatives à la concurrence. Le sénateur Bertrand Auban, dans son rapport d'information de juillet 2008 sur la CRP RATP, recommande également de relancer d'urgence la procédure d'adossement.

La réforme des droits des ressortissants, entrée en application le 1er juillet 2008, avait pour objectif d'aligner les principaux paramètres du régime spécial sur ceux du régime de la fonction publique. Une première série de mesures a été imposée par le Gouvernement, tandis qu'une seconde a été négociée au sein de l'entreprise. Parmi les principes communs visant l'harmonisation avec le régime des fonctionnaires figurent notamment :

- l'allongement de la durée d'assurance pour bénéficier d'une pension complète à quarante annuités en 2012, puis à quarante et une annuités en 2016 ;

- la création d'un dispositif de décote/surcote ; alors que la surcote est applicable depuis le 1er juillet 2008, la décote le sera à compter du 1er juillet 2010. Le taux de décote augmentera progressivement pour atteindre 1,25% par trimestre manquant en 2019 ;

- la suppression, depuis le 1er janvier 2009, des bonifications pour les nouveaux entrants ;

- l'indexation des pensions sur les prix et non plus sur la valeur du « point rémunération » de l'entreprise.

Les mesures résultant des négociations d'entreprise sont, quant à elles, de trois ordres :

- celles destinées à compenser l'augmentation de la durée d'activité : la création de deux échelons d'ancienneté supplémentaires, l'un en 2012 (vingt-six ans d'ancienneté), l'autre en 2014 (vingt-huit ans d'ancienneté) ; l'attribution de points de rémunération en fin de carrière, sous réserve d'une ancienneté de vingt-huit ans et demi. La conjugaison de ces deux mesures permet une majoration du taux de remplacement de 3,75 %. A également été négociée la prise en compte, échelonnée sur quatre ans, dans l'assiette cotisable, d'une prime de 2,4 % ;

- celle visant à accompagner les salariés qui ont élaboré un projet de vie et qui ont prévu de quitter l'entreprise entre juillet 2008 et juillet 2012 : la majoration de leur rémunération en fin de carrière, afin que le niveau de leur pension après la réforme soit équivalent à ce qu'il aurait été avant celle-ci ;

- des mesures diverses : la possibilité de rachat d'années d'études et de surcotisation sur la part non travaillée du temps partiel (dans la limite de quatre trimestres), la suppression de la retraite d'office, l'abaissement de quinze à un an de la durée minimale de service pour bénéficier du régime spécial, etc.

a ensuite présenté la situation financière actuelle du régime, tout en se livrant à un exercice de projection. Pour l'entreprise, la progressivité de la mise en oeuvre des mesures d'accompagnement entre 2008 et 2015 conduira à un étalement des coûts ; ceux-ci atteindront 14 millions d'euros par an, à compter de 2015. La mesure la plus coûteuse est la création de deux échelons d'ancienneté supplémentaires. S'agissant de la caisse de retraite, les charges de pension s'élevaient, en 2009, à 914 millions et les cotisations (salariales et patronales) à 425 millions. La dotation de l'Etat, destinée à compenser le déficit démographique du régime et à financer ses spécificités (en particulier, les bonifications et les six derniers mois de salaire de référence), était de 495 millions. Jusqu'en 2014, la réforme devrait engendrer, pour la CRP RATP, un coût supplémentaire de l'ordre de 2 millions d'euros par an, en raison des contreparties accordées par l'entreprise. Ce n'est qu'à partir de 2016 que la réforme commencera à produire des économies, à hauteur de 35 millions en 2020 et de 100 millions en 2030. Ces gains escomptés sont essentiellement dus à l'augmentation de la durée d'assurance et à l'instauration de la décote.

Actuellement, la subvention de l'Etat, qui avoisine les 500 millions d'euros, se décompose comme suit : 250 millions pour compenser le déficit démographique du régime, 217 millions pour financer les bonifications et 38 millions au titre de la règle des six derniers mois de salaire pour le calcul de la pension. La réalisation de la procédure d'adossement permettrait de réduire le montant de la subvention versée par l'Etat puisque le déficit démographique serait pris en charge par le régime de base. Ne subsisterait que le coût des droits spécifiques, dont 85 % sont dus aux bonifications. Celles-ci devant progressivement s'éteindre - les nouveaux entrants n'y ayant plus droit -, la subvention de l'Etat ne couvrirait plus que l'effet « six derniers mois ». Cette réforme réduit donc considérablement la charge pour les comptes de l'Etat.

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