Créée comme la T2A en 2004, la Haute Autorité de santé ne comptait initialement pas, parmi ses compétences, l'évaluation médico-économique des établissements de santé, laquelle s'est ajoutée à nos activités en 2008. Lors de ma prise de fonction en février 2011, certains membres du précédent collège, instance exécutive de la Haute Autorité, opposaient encore que cela ne relevait pas de sa mission, centrée, non pas sur les ressources, mais sur l'état de l'art et les bonnes pratiques. A l'évidence, les difficultés financières des dernières années ont incité à lier l'amélioration de la qualité à une meilleure utilisation des ressources.
Initialement, les recommandations de bonnes pratiques de la HAS n'avaient pas non plus vocation à réguler l'offre de soins : dans la version V2007, la certification des établissements de santé n'aboutissait qu'à un constat et des recommandations, sans risque de non certification. Les choses ont changé : la certification V2010 peut donner lieu à une non-certification ou à un sursis à certification, ce qui confère à la HAS une fonction de régulation des soins.
Nous accréditons les médecins en fonction de leurs bonnes pratiques, dont l'objectif premier est d'éviter les risques. Mais cette accréditation se limite, pour l'instant, aux anesthésistes et chirurgiens du secteur privé, car elle ouvre droit à une aide financière de l'assurance maladie pour la souscription de leur responsabilité civile professionnelle. Nous réfléchissons actuellement à l'élargissement du mécanisme d'accréditation aux équipes hospitalières.
Autre évolution, les recommandations sur les pratiques cliniques. Pendant des années, elles n'ont pas été suivies d'effet, car les médecins en avaient rarement connaissance. Pour y remédier, la dernière convention que nous avons passée avec les médecins de ville lie le paiement à la performance à l'application des bonnes pratiques cliniques.
Loin d'être sa vocation initiale, la régulation des soins est donc une activité récente de la HAS. Depuis ma prise de fonction et l'arrivée de la nouvelle équipe, notre mission s'est dédoublée : évaluation de l'état de l'art d'une part, promotion de la qualité des soins dans une optique de régulation des dépenses d'autre part.
Il s'agit d'abord de veiller à la pertinence des actes et des séjours : c'est notre objectif prioritaire. A la demande de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), nous sommes en train d'évaluer les actes pratiqués dans les établissements publics et privés, dans des domaines où l'on constate de surprenantes variations régionales sur des interventions courantes comme les césariennes programmées, les appendicectomies, les interventions sur le canal carpien. Nos méthodes traditionnelles, héritées de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes), se caractérisaient par une grande rigueur scientifique, mais aussi une certaine lenteur. Nous avons bien compris que la situation financière actuelle imposait une accélération des études, que nous menons désormais en partenariat avec les professionnels, afin de déterminer les conditions optimales de réalisation des gestes. Au total, nous évaluerons une vingtaine d'actes et de séjours hospitaliers dans le programme 2012-2013.
Nous travaillons également avec l'Agence nationale d'appui à la performance (Anap) sur la chirurgie ambulatoire pour redéfinir ensemble les indications et les modalités des actes. Réaliser une évaluation médico-économique contribuera, dans ce domaine aussi, à renforcer la régulation de l'offre de soins.
Autre politique menée actuellement, la définition d'indicateurs associés à la certification. Les indicateurs avaient pour l'essentiel un caractère transversal. Ils relevaient de la DGOS pour les infections nosocomiales, la HAS suivant la qualité des soins et la gestion pratique des dossiers et des hospitalisations. Depuis 2011, nous développons des indicateurs centrés sur les pathologies qui seront utilisés pour la certification, mais qui pourront également servir d'outil si l'on souhaite introduire la qualité des soins parmi les éléments servant de base à la tarification. A ce sujet, la coordination des informations en direction du public se renforce en ce moment. Il faut davantage d'indicateurs de performance clinique, notamment en matière de mortalité. Leur mise en place est difficile, faute de paramètres homogènes de recrutement et de prise en charge des patients, mais elle sera achevée dans les mois à venir.
La HAS n'a donc pas pour mission de tarifer ni de contrôler. Néanmoins, elle joue un rôle préparatoire : elle évalue l'état de l'art, établit des bonnes pratiques et émet des recommandations, permettant aux décideurs de prendre en compte la qualité des soins dans la tarification. La HAS n'avait pas été consultée sur la mise en place de la T2A pour les activités MCO. Elle l'est actuellement sur son extension aux soins de suite et de réadaptation.
Enfin, nous participons à la réflexion sur le paiement à la performance à l'hôpital, mis en place dans d'autres pays. En Grande-Bretagne, l'évaluation de la qualité des soins effectuée par le National institute for health and clinic exercice (Nice) sert de base au National health service (NHS) pour l'établissement de la tarification. Cela dit, nous devons encore attendre les effets de la réforme, toujours en cours. Aux Etats-Unis, Medicare a lié ses financements à la qualité des soins dans les établissements. Les résultats, s'ils ont été appréciables en termes de financement, ne sont pas particulièrement probants en matière de qualité. En effet, une étude récente parue dans le New England journal of medicine a révélé que la mortalité à trente jours n'était pas différente selon que les établissements étaient ou non payés à la performance. Nous sommes donc prêts à contribuer à ce type de démarche. Mais il faut raison garder : le paiement à la performance n'est pas la panacée, tout au moins en termes de résultats cliniques.