Le pilotage par l'Etat me paraît nécessaire pour garder de la cohérence à notre système de santé ; je crois, du reste, qu'on ne devrait pas séparer l'assurance maladie et la santé publique : je milite pour une fusion des deux droits, dans un même code - car les choses ont bien changé depuis l'origine de l'assurance maladie, nous disposons désormais d'un service largement garanti par la collectivité, plutôt que d'un droit seulement attaché au travail et qui constituerait un complément de salaire. L'Etat pilote de fait la santé publique, il faut le reconnaître et en tirer toutes les conséquences institutionnelles, en faisant cependant toute leur place aux partenaires sociaux. La loi de 2004 a déjà différencié la gouvernance des caisses maladie par rapport aux caisses famille et vieillesse, on a fait une partie du chemin ; je crois le moment venu d'aller plus loin, avec une Agence dont les partenaires sociaux seraient pleinement partie prenante.
La définition de volets régionaux creuserait-elle les inégalités entre territoires ? Il faut se méfier des idées reçues. Notre système, fondé sur des conventions nationales, produit aujourd'hui de très fortes inégalités territoriales : la centralisation n'est pas toujours protectrice ; inversement, l'idée que la régionalisation serait une source d'inégalité est loin d'être certaine. Je suis enclin à l'égalitarisme, plutôt jacobin, mais je pencherais plutôt pour que l'échelon national se concentre sur les grandes règles, par exemple la définition du ticket modérateur, en empruntant davantage qu'aujourd'hui la voie législative - parce que ces règles relèvent bien de la loi, au sens de l'article 34 de notre Constitution. Une fois fixées ces règles uniformes pour le territoire national, des politiques régionales de santé pourraient être définies par négociation de l'ARS avec les partenaires, y compris les syndicats représentatifs à l'échelle nationale. Cette adaptation au terrain, cette territorialisation est particulièrement nécessaire en matière de santé, car les besoins varient avec l'offre de soins, avec la densité de population, les usages, et même les circonstances épidémiologiques : autant d'éléments à prendre en compte dans ces volets régionaux, pour adapter efficacement l'offre de soins aux besoins des populations.