Intervention de Louis Souvet

Réunion du 23 octobre 2007 à 10h00
Questions orales — Problèmes liés au rayonnement médical

Photo de Louis SouvetLouis Souvet :

Cette question orale relative à la dosimétrie et aux bonnes pratiques en matière de rayonnement médical nous offre l'opportunité de faire coïncider deux problématiques.

D'une part, les accidents survenus en raison des rayonnements ionisants excessifs, d'erreurs d'identification, de déviation des faisceaux de rayonnement ne doivent plus se reproduire. Cela ne manquerait pas de susciter un sentiment d'insécurité alors même que ces thérapeutiques permettent à 180 000 patients de recevoir des soins via les trois cent cinquante-neuf accélérateurs dédiés à cet usage. Les besoins face à l'augmentation du nombre des tumeurs cancéreuses sont très importants. Il en découle un déficit au niveau des moyens humains. À titre d'illustration et selon l'Autorité de sûreté nucléaire, seuls 60 % des services en question disposent d'une personne spécialisée en radiophysique médicale. Ce chiffre résume, à lui seul, l'ampleur du problème.

Rien que pour l'hôpital de Belfort-Montbéliard, la direction du centre hospitalier recherche dix postes de manipulateurs radio. Pour l'heure, et comme en attestent les difficultés d'une telle procédure de recrutement, seuls quelques professionnels de la santé étrangers sont susceptibles d'occuper les postes en question, s'ils ne répondent pas dans l'intervalle de la procédure de recrutement à d'autres opportunités.

Reste alors la mise en place de solutions s'apparentant plus à des pis-aller qu'à une conception rationalisée d'une médecine moderne et performante, soit le recours à des étudiants stagiaires, soit à des équipes d'appui, donc composées de personnels par essence moins qualifiés, ne pouvant prendre en charge que les cas les plus légers.

D'autre part, - seconde problématique annoncée au début de mon propos - la Communauté de l'agglomération du pays de Montbéliard, que je préside, soutient financièrement ces recherches spécifiques, dans le cadre d'un projet pilote datant de 2004, visant à favoriser la radioprotection des habitants dans le pays de Montbéliard. Nous souhaitons renforcer un pôle de compétence spécifique dans ce domaine, par l'attribution d'allocations de recherche et de crédits de fonctionnement pour stimuler et pérenniser les coopérations existantes entre les laboratoires CREST/FEMTO-ST et LIFC, d'une part, et le service d'oncologie-radiothérapie du Dr Monnier, d'autre part. Par ailleurs, et toujours dans ce cadre dédié, il a été mis en place une licence professionnelle spécifique intitulée « Dosimétrie et radioprotection médicales ». Dans un rapport d'évaluation qui date de mars 2007, consacré aux différentes entités de l'institut FEMTO-ST - Franche-Comté électronique mécanique thermique et optique-sciences et technologies -, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, faisait état du dynamisme et de la qualité des travaux de l'équipe IRMA - Interaction rayonnement matière - créé en 1993 par le professeur Libor Makovicka.

Je cite le rapport pour ne pas verser dans le registre de l'autosatisfaction, et pour rendre hommage au professeur Makovicka, qui le mérite amplement. L'équipe IRMA « n'a bénéficié d'aucun fondement historique, ce qui ne l'a pas empêchée de grandir très rapidement avec, en son sein, de jeunes chercheurs talentueux et ambitieux. La qualité de sa production répond parfaitement aux critères adoptés par la communauté scientifique dans ce secteur. [...] Basée à Montbéliard, dans le Nord-Franche-Comté, l'équipe IRMA a su développer des relations régionales, nationales et même internationales ».

Madame la ministre, comme je l'ai indiqué, c'est en raison de l'évolution de notre réalisation que la problématique nationale croise notre volonté montbéliardaise.

Certes, l'équipe IRMA est reconnue par des instances prestigieuses, participant par là même à la rédaction d'un ouvrage collectif sur la dosimétrie française, mais elle est « aux limites de ses possibilités », comme le souligne le rapport du CNRS. « Cette équipe ne peut se développer avec des moyens constants, car elle travaille déjà à flux tendu ». Elle ne pourra donc accepter de nouvelles sollicitations et d'autres contrats. Une nouvelle dynamique s'avère nécessaire dans l'intérêt de tous.

Puisque nous sommes dans le domaine de la physique, j'emploierai une image qui s'en inspire. Nous avons déjà mis en place un noyau stable avec la licence DORA. Les pouvoirs publics devront faire en sorte que ce noyau d'excellence puisse susciter un processus d'agrégation, selon le terme employé par une personne plus qualifiée que moi sur le plan scientifique, à savoir M. Jacques Lochard, président du Centre d'études sur l'évaluation de la protection dans le domaine du nucléaire.

Le noyau d'excellence est là, madame la ministre. À vous maintenant de faire en sorte qu'il puisse accroître sa masse, son attractivité, via toutes les options de recherche, toutes les évolutions possibles et futures liées à cette radioprotection. La collectivité nationale, si elle y participe, retirera des bénéfices certains de cette dynamique.

Votre ambition, madame la ministre, celle du Gouvernement, est de porter à 600 le nombre des physiciens médicaux en cinq ans. À l'heure actuelle, selon les personnels eux-mêmes, on en compte de 350 à 400. Il convient de se donner les moyens de concrétiser cette ambition ; tant l'Autorité de sûreté nucléaire, l'ASN, que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, peuvent témoigner de la nécessité de s'appuyer sur des structures ayant déjà fait leurs preuves, notamment l'équipe IRMA.

Ce faisant, on conjuguerait les moyens nationaux avec l'expertise et le savoir-faire d'une telle structure. Le problème n'est pas spécifiquement national, puisque la presse s'est fait l'écho d'autres accidents à l'étranger. Soulignons à dessein que l'équipe IRMA ne se contente pas d'une expertise franco-française, mais échange sur ces sujets avec la Tchéquie ou l'Amérique du Sud, par exemple, et ce au niveau tant de la recherche que de l'enseignement. C'est ainsi qu'elle a acquis une renommée internationale dans les « codes de calcul ».

Madame la ministre, la présente question orale se situe dans le registre du « gagnant-gagnant ». Pour se développer et rester à son niveau d'excellence, l'IRMA doit disposer de moyens supplémentaires significatifs, moyens que la communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, même avec la meilleure volonté du monde, ne peut réunir, car elle n'est qu'une collectivité locale, qui plus est une petite collectivité locale. Les pouvoirs publics pourraient, à bon escient, s'appuyer pour partie sur l'expertise accumulée localement par les chercheurs, en liaison avec les praticiens, tel le docteur Monnier, chef du service radiothérapie-oncologie du centre hospitalier de Belfort-Montbéliard, pour accorder les moyens supplémentaires ad hoc et faire évoluer qualitativement et quantitativement ce projet d'excellence, qui s'inscrit tout naturellement dans les objectifs gouvernementaux en matière de bonnes pratiques dans le domaine du rayonnement médical.

Je souhaite que les pouvoirs publics se tournent automatiquement vers l'expertise présente au sein des équipes coopérant dans le pays de Montbéliard lorsque se pose un problème dans le domaine de la dosimétrie.

Considérant l'appréciation du CNRS, que je tiens à votre disposition, madame la ministre, je vous demande de répondre favorablement à cette offre de coopération. Eu égard à l'importance du problème, rien ne doit être négligé pour le résoudre, car les personnes victimes des accidents et incidents en question, ainsi que leurs familles, attendent un signal fort des pouvoirs publics. Cette coopération future que j'appelle de mes voeux y est en tout cas totalement dédiée.

Je voudrais ajouter trois remarques pour votre réflexion personnelle.

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