Intervention de Corinne Bouchoux

Réunion du 3 mai 2016 à 15h15
République numérique — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Corinne BouchouxCorinne Bouchoux :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour une République numérique est un texte structurant et de grande importance pour notre avenir.

Sur la base d’une méthode originale, les avis ont été confrontés.

En amont, à l’Assemblée nationale, un groupe d’études spécialisé, composé à parité de députés et de personnalités qualifiées, a commencé à « plancher » un an avant l’examen du texte.

Après une consultation sur internet, le texte a été enrichi par de très nombreuses contributions.

Les travaux du Sénat furent suivis en temps réel par des universitaires, des étudiants, des militants des formats libres et ouverts, et par de nombreux collectifs et associations, en plus des internautes qui nous regardent habituellement. Que tous soient ici salués pour leurs contributions.

Cette méthode a permis de montrer au grand jour nos méthodes de travail.

Le Sénat a pris le temps d’une réflexion longue et argumentée. Je tiens à remercier ici les présidents des commissions, notamment le président de la commission des lois, le rapporteur et les rapporteurs pour avis.

De très nombreux sénateurs ont travaillé sur le texte, en commission, puis en séance.

D’une société où la propriété primait, nous arrivons aujourd’hui dans une société où les usages collaboratifs sous leurs différents aspects s’imposent. Dans ce nouveau paradigme, la loi doit à la fois protéger et favoriser les innovations et évolutions en cours. L’exercice est difficile.

Il est des lois qui ont entériné des changements de mœurs et des attentes sociales. Je pense à la contraception, à l’avortement, au droit au mariage pour tous…

En l’espèce, nous devons inventer les règles qui aident à déployer, à diffuser le numérique, sur la base d’orientations qui traceront un cap pour l’avenir. C’est compliqué techniquement, juridiquement et, parfois, éthiquement. Nous avons ainsi eu un passionnant débat sur la mort numérique : doit-elle s’aligner sur la mort vraie ou doit-on la traiter différemment ?

Nous devons, non pas détruire des modèles économiques existants, mais permettre leur évolution via et avec le numérique, et créer les conditions d’une société inclusive avec moins d’inégalités territoriales.

Nous devons aussi rassurer nos concitoyens et concitoyennes, alors que des lieux d’habitations manquent d’une couverture réseau efficace pour les mobiles : comment croire à la promesse des progrès du numérique si l’on se sent exclu techniquement ?

Le numérique est à la fois un bien commun, une promesse et un marché.

Comment anticiper les techniques et les usages que nous ne connaissons pas encore ?

Oui, la libération ou l’ouverture des données publiques, autrement dit l’open data, va créer des opportunités, ainsi que des entreprises et des emplois. Dans le même temps, une politique globale qui préserve les services publics est vitale.

Nous ne devons pas être transformés, dans le monde numérique, en une colonie des GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon. Les enjeux de souveraineté et de sécurité sont très importants. Je veux mentionner, à ce sujet, l’excellent rapport de notre collègue Catherine Morin-Desailly sur les enjeux d’une gouvernance du numérique à l’échelle européenne.

Pour la commission mixte paritaire à venir, plusieurs points appellent notre vigilance.

La mention « si possible », qui s’applique au standard de la publication, ne nous satisfait pas pleinement. Si nous laissons les administrations mettre à disposition les données publiques dans le format qu’elles utilisent habituellement, nous risquons d’atteindre plus lentement l’objectif de réutilisation de ces données.

Ensuite, pourquoi avoir limité la communicabilité des codes sources ? Les entreprises chargées d’une mission de service public dans un secteur exposé à la concurrence ne sont pas tenues de les communiquer. Il convient, selon nous, de revenir à une ouverture plus large.

Enfin, la notion de secret des affaires ne doit pas être introduite dans un texte de ce type : ce serait sonner la fin de l’open data.

L’accès en open data accordé à la jurisprudence judiciaire et à la jurisprudence administrative va dans le bon sens et doit être préservé.

Tout comme les artistes et créateurs, nous sommes soulagés que l’exception de panorama ait pu garantir un certain équilibre. La diffusion des photos de bâtiments ou de sculptures protégées par le droit d’auteur a été réservée aux seuls particuliers, à l’exclusion de tout usage commercial.

Enfin, hier, un statut de joueur professionnel de jeux vidéo a été créé. Nos collègues André Gattolin et Jérôme Durain l’ont défendu avec conviction et brio. La majorité sénatoriale a décidé de proposer l’expérimentation. Peut-être aurait-on pu trouver une voie pérenne. Néanmoins, je tiens à dire que les joueurs vidéo, qui sont très nombreux à nous regarder, semblent satisfaits.

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