Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le numérique méritait un texte de loi dédié à ses nombreux enjeux. Le présent texte était donc attendu.
S’agissant de son élaboration, on peut se réjouir de la méthode utilisée par le Gouvernement, qui a su prendre en compte l’avis d’institutions comme le Conseil national du numérique, la Commission nationale informatique et libertés, la CNIL, ou encore l’Autorité de régulation des communications et des postes, l’ARCEP.
Certains travaux du Sénat ont également constitué des outils de réflexion déterminants.
Par ailleurs, l’élargissement de la consultation aux internautes a été une très bonne initiative. Le numérique appelait en effet ce type de démarche et, comme d’aucuns l’ont souligné lors de nos débats, il est souhaitable que cette expérience soit reconduite à l’avenir pour d’autres textes.
Au demeurant, le groupe UDI-UC regrette l’utilisation, une fois de plus, de la procédure accélérée. Ce regret est peut-être encore plus fondé pour ce texte que pour un autre, en raison de son caractère éminemment technique et des enjeux complexes et essentiels qu’il soulève pour le devenir de nos sociétés.
Cela étant, nos débats ont été riches et des dispositions utiles ont été adoptées sur la reconnaissance d’un certain nombre de droits, sur une plus grande ouverture des données publiques, sur la loyauté des plateformes ou encore sur le droit à l’accès égal au haut débit dans nos territoires.
Le Sénat a ainsi adopté les amendements proposés par la commission du développement durable pour une meilleure couverture du territoire, ce dont nous nous félicitons.
Encore faut-il que cela se traduise concrètement, comme l’a rappelé notre collègue Hervé Maurey.
Des équilibres difficiles ont dû aussi être trouvés : je citerai pour exemple la question de l’ouverture des données scientifiques et de la liberté de panorama.
Je tiens à saluer le travail de ma collègue Colette Mélot, rapporteur pour avis de la commission de la culture, mais aussi celui de nos collègues Jean-Christophe Frassa, Bruno Sido et Patrick Chaize, respectivement rapporteur et rapporteurs pour avis.
Cependant, ce texte reste insuffisant, madame la secrétaire d’État : comme je l’avais déjà déploré lors de la discussion générale, il a été vidé d’une partie de sa substance par d’autres projets de loi antérieurs ou promis à l’agenda gouvernemental.
C’est éminemment regrettable, car les enjeux liés à la mutation numérique, qu’ils soient sociaux, économiques, politiques ou juridiques, nécessitent une approche globale et coordonnée, que justifie pleinement, en outre, le mode de fonctionnement du numérique. L’approche par les usages, caractéristique du texte, manque ainsi d’envergure politique.
Vous le savez, mes chers collègues, l’internet est devenu un terrain d’affrontement mondial ; les questions de cybersécurité, d’intelligence économique et de protection des libertés individuelles sont prégnantes. Cela renvoie à la question de notre souveraineté : il ne s’agit pas de nous refermer sur nous-mêmes, mais d’être pleinement acteurs du cyberespace de demain.
Alors que l’Union européenne tente de dégager le surplus de croissance que laisse espérer le numérique, le Gouvernement devrait développer une approche plus stratégique et politique, comme l’ont fait d’autres pays tels que les États-Unis, la Russie, la Chine ou l’Allemagne.
Pourquoi croyez-vous que les États-Unis ont, dès le début des années quatre-vingt-dix, voté des dispositions fiscales et législatives, si ce n’est pour gagner le leadership de ces nouvelles technologies ?
Ces principes ont inspiré nos amendements, comme ceux sur le Haut-Commissariat au numérique ou sur les marchés publics numériques. Ils n’ont pas été adoptés, et je le regrette.
Je vous rappelle, mes chers collègues, les missions du Haut-Commissariat au numérique qu’il aurait été essentiel de retenir : mieux coordonner au niveau interministériel les actions technologiques au sein de l’État, veiller à la cohérence des stratégies et des outils mis en place par les administrations, favoriser une meilleure diffusion des savoir-faire stratégiques et participer aux négociations européennes et internationales portant sur les normes et sur la gouvernance des technologies.
La dispersion des responsabilités et des expertises est aujourd'hui préjudiciable. On ne peut pas se satisfaire d’un risque de mainmise – ou de la mainmise – américaine sur nos données publiques les plus sensibles. Or, en confiant aveuglément celles-ci, à l’occasion d’attribution de marchés publics, à des entreprises comme Cisco ou Palantir – je souligne au passage que vous n’avez toujours pas répondu à ma question écrite sur le sujet, madame la secrétaire d’État