Entre-temps, un règlement européen a été adopté sur ce sujet. Certains diront que la loi française a été une source d’inspiration pour la législation européenne ; en tout cas, la loi Jardé représente une importante avancée pour la sécurité des patients et doit maintenant être pleinement mise en œuvre.
La recherche du moindre risque pour le plus grand bénéfice thérapeutique doit être le principe directeur des essais cliniques, tout le monde le reconnaît et cela a été souligné à plusieurs reprises. Or, trop souvent, des médicaments sont mis sur le marché sans présenter d’avantage majeur par rapport aux médicaments existants, voire en étant moins efficaces !
De nombreux médicaments dont le service médical rendu est insuffisant sont retirés chaque année des listes des médicaments remboursables par la sécurité sociale ou utilisables à l’hôpital, mais pourquoi ont-ils été au départ mis sur le marché ? Pourquoi prend-on le risque de faire des essais cliniques pour des médicaments moins efficaces que ceux qui sont déjà à disposition ?
Selon la revue Prescrire, qui cote tous les ans les nouvelles spécialités et les nouvelles indications, en 2015, quarante-trois médicaments n’apportaient rien de nouveau et quinze ont même été considérés comme plus dangereux qu’utiles, du fait d’une faible efficacité ou d’une efficacité non démontrée, alors que leurs effets indésirables connus ou soupçonnés sont graves.
La balance bénéfice-risque est trop souvent déséquilibrée et la multiplication des procédures accélérées d’autorisation de mise sur le marché, ou AMM, peut poser des problèmes de pharmacovigilance. S’il est indispensable de pouvoir répondre à des épidémies soudaines en réalisant des essais pour mettre sur le marché des médicaments rapidement, et si l’innovation thérapeutique doit pouvoir bénéficier aux malades le plus vite possible, cela ne doit pas se faire au détriment des règles de précaution et de sécurité.
De nombreux chercheurs déplorent depuis des années que de nombreux médicaments soient autorisés dans l’Union européenne ou aux États-Unis, alors que les essais cliniques ont été insuffisants, voire inadaptés, particulièrement en cas de procédure accélérée d’AMM.
Plusieurs défauts majeurs sont pointés du doigt, notamment l’absence d’essais aveugles, c’est-à-dire d’essais comparatifs du nouveau médicament avec un médicament de référence ou un placebo, sans que le patient ou les investigateurs sachent lequel est reçu par le testeur. En outre, les essais comparatifs sont le plus souvent réalisés avec un placebo et non avec le médicament de référence, ce qui rend difficile l’évaluation d’un progrès thérapeutique en matière d’efficacité ou d’effets secondaires indésirables.
La concurrence internationale entre les firmes pharmaceutiques ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des personnes participant aux essais cliniques, en multipliant le plus vite possible les médicaments sans intérêt de santé publique.
À ce sujet, nous avons été alertés de l’arrivée d’un nouveau processus de mise sur le marché accélérée nommé « AMM fractionnée ». Il vise à raccourcir le processus de mise sur le marché en diminuant les exigences en matière de preuves d’efficacité et de sécurité, puisque les évaluations seraient postérieures à l’AMM.
Si ce procédé existe déjà dans certains cas, lorsque de nouveaux traitements pourraient aider des patients atteints de maladies graves, il n’y a aucune raison qu’il soit généralisé, surtout quand des traitements pour les mêmes pathologies existent déjà. Ce serait pourtant le projet de l’Agence européenne du médicament, et c’est inquiétant. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet, madame la secrétaire d’État ?
Enfin, pour ce qui concerne les bonnes nouvelles, la législation européenne a récemment rendu obligatoire la publication des essais cliniques des laboratoires, même lorsque ceux-ci sont négatifs. Cette décision va dans le sens d’une plus grande transparence, et nous nous en réjouissons, même si le chemin est encore long.
Des progrès sont en effet encore possibles, et les résultats de l’enquête sur l’événement malheureux de Rennes nous donneront probablement des pistes pour améliorer le dispositif existant. Espérons que l’exigence de transparence soit, là aussi, au rendez-vous.
Si nous voulons que l’action publique soit efficace dans le domaine du médicament, encore faut-il que le travail des parlementaires n’attende pas sagement au fond d’un tiroir et que les lois votées par le Parlement soient mises en application rapidement. Nous avons bien compris qu’il fallait attendre, pour être en conformité avec le nouveau règlement européen, mais, dès aujourd’hui, madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quand la loi Jardé sera entièrement appliquée ?