Intervention de Jean-François Rapin

Réunion du 3 mai 2016 à 15h15
Cadre législatif et réglementaire applicable aux essais cliniques — Débat organisé à la demande de la commission des affaires sociales

Photo de Jean-François RapinJean-François Rapin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, il me revient d’être le dernier intervenant. Beaucoup de choses intéressantes ont déjà été dites d’un point de vue hautement technique et législatif. J’avais préparé un discours de huit pages, mais j’ai recadré mon propos, qui sera beaucoup plus simple.

On l’a très bien compris, l’exercice est difficile ; il n’est pas aisé du tout, car il est couvert par l’ombre d’un événement survenu il y a quelque mois et qui a suscité tristesse et gravité.

À cet égard, permettez-moi de vous lire quelques lignes de l’Académie nationale de médecine qui pourraient être la conclusion de mon propos.

L’Académie nationale de médecine a exprimé « ses sentiments de compassion à tous ceux qui ont à souffrir des conséquences de cette étude, volontaires et leurs proches ». Elle a, en outre, rappelé que « ces accidents n’ont pas d’équivalent connu » et que « la législation sur la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales en France est très exigeante depuis 1988 ». Elle a relevé que « les essais cliniques ont permis jusqu’à aujourd’hui de sélectionner les candidats “médicament” en toute sécurité ». Elle a ajouté que le drame de Rennes interpelle « tous ceux qui proposent, valident et réalisent ces essais cliniques ».

Nous évoluons dans une société où il est perpétuellement demandé aux décideurs de ne pas faire d’erreurs, d’avancer vite, de sécuriser au maximum toutes leurs actions, mais nous savons tous que le risque zéro n’existe pas.

Le domaine dont nous discutons ce soir est bien sûr concerné par toutes ces caractéristiques. Et, pourtant, il est crucial de l’encadrer pleinement, tout en permettant d’avancer sans tarder.

Prendre du retard sur des perspectives qui peuvent sauver des vies ou améliorer la qualité de vie serait incompris de nos concitoyens, mais ces derniers ne comprendraient pas plus que nous puissions mettre des vies en danger, considérant que tel est le prix d’une recherche thérapeutique qui se doit d’avancer.

Permettez-moi de faire un petit rappel historique.

De 1928 à la Seconde Guerre mondiale, Alexander Fleming, puis deux chimistes découvrent et mettent en essai clinique la pénicilline.

Je résume en quelques mots l’essai clinique, qui pourrait constituer une phase : on injecte à quatre souris des doses considérables de streptocoque. Deux d’entre elles, traitées par un produit dont on n’avait pas la maîtrise, sont sauvées. Puis, on passe à la phase d’essai clinique, à l’échelle humaine : avant la guerre, on injecte à un jeune homme souffrant d’un abcès suppuratif des doses de pénicilline, sans connaître la quantité requise : il est sauvé. Enfin – et ce pourrait être la phase 4 –, un essai à grande échelle est conduit pendant la guerre : de nombreux soldats qui souffraient d’infections majeures sont sauvés.

Quelle différence entre hier et aujourd'hui ? Bien sûr, plus de quatre-vingts ans ont passé entre cette découverte et toutes les trouvailles en matière de recherche qui se sont ensuivies et ont permis de sauver des vies. La grande différence par rapport à cette période épique des découvertes médicales et thérapeutiques, c’est la sécurisation des essais.

Sauver des vies ne peut se faire à n’importe quel prix. Et c’est pour cette raison que le cadre législatif progressif relatif aux essais a su s’adapter, à mon sens, à la croissance exponentielle des lancements de recherche dans tous les domaines, qu’ils soient courants, en cardiologie ou en endocrinologie, spécifiques – je citerai la cancérologie –, ou conjoncturels – j’évoquerai l’infectiologie, en particulier la virologie pour tout ce qui concerne les recherches liées aux infections par le virus HIV.

Pour terminer, j’aborderai notre relation à l’Europe, dont vous avez tous parlé, mes chers collègues.

Cette relation est simple : c’est l’Europe qui a finalement le dernier mot, avec des variations dans ses choix durant ces vingt dernières années.

Ainsi, en 2001, les restrictions fortes qu’elle a instaurées ont ralenti la recherche. Ces derniers temps, un nouveau projet a été mis en place, sur lequel la France s’est exprimée et qui devrait faire l’objet de décrets.

Pour conclure, permettez-moi de vous dire : avançons en mettant un pas devant l’autre, en sachant que, parfois, nous trébucherons encore. Mais, comme souvent, nous nous relèverons ! Pas forcément en légiférant de nouveau, mais simplement en appliquant les lois en vigueur. Le principal est de préserver conviction et éthique.

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